Les media à l’école du plaidoyer

Un atelier d’imprégnation en techniques de plaidoyer en matière de la santé de reproduction et de la planification familiale a été organisé à l’attention d’une trentaine de responsables des media publics et privés par l’Association tchadienne pour le bien-être familial (Astbef), pour l’accompagner dans la réalisation de ses objectifs.

L’atelier a été organisé du 31 mai au 2 juin 2021 au Cefod par l’Astbef à travers le projet Santé sexuelle intégrée des femmes (Wish), en partenariat avec l’Ippf et l’appui technique du ministère de la Santé publique et de la solidarité nationale. Durant les trois jours, les participants ont fait une connaissance plus approfondie de l’Astbef et de son programme, du projet Wish à l’initiative de l’atelier et se sont familiarisés avec les techniques de plaidoyer en matière de la santé de reproduction et de la planification familiale.

Pour le formateur Koï Pierrot Ganda, coordonnateur du Réseau des journalistes en population et développement (Rejpop), qui a traité des concepts et cadre stratégique de développement du plaidoyer, “avant de leur demander de faire un plaidoyer, il était nécessaire de leur expliquer en quoi consiste un plaidoyer. C’est quelque chose à ne pas confondre avec la sensibilisation courante, la communication du type éducation-information. Mais plutôt une technique de communication qui cible les décideurs, et en matière de santé de reproduction, au niveau national, ce sont le gouvernement, l’Etat, l’Assemblée nationale, mais également les leaders traditionnels et religieux, ainsi que les hommes et femmes influents dans leur communauté. Parce que quand on parle de la santé de reproduction, c’est la planification familiale. Notamment ne pas donner de nombreux enfants, comment s’en occuper, se soucier de la femme en grossesse et faire en sorte qu’elle accouche dans un milieu surveillé, afin de limiter les risques en termes de mortalité maternelle, etc. Nous savons que le Tchad est l’un des pays où le taux des femmes qui meurent à l’accouchement est très élevé. 860 femmes meurent pour 100 000 naissances vivantes. Donc, il fallait que les journalistes soient au courant de tous ces faits, afin qu’ils puissent contribuer plus efficacement. Et accompagner l’Astbef dont c’est le rôle en matière de promotion de la santé de reproduction et de planification familiale. Le gouvernement voudrait que l’Astbef avec son programme et ses partenaires, mènent ces activités de plaidoyer afin qu’au niveau national, tout le monde s’implique, que les lois prises et adoptées soient mises en œuvre. A l’exemple de la loi 06 adoptée en 2002 et qui vient d’avoir son décret d’application en 2020. Soit 18 ans après. S’il y avait une forte mobilisation autour de ces questions, à travers un fort plaidoyer, on aurait dû beaucoup avancer. Pour résumer, c’est pour que les journalistes comprennent l’importance de la santé de reproduction pour la vie de l’homme et de la femme tout court, pour le bien-être des ménages, des communautés et partant, pour le développement du pays. Et aussi leur expliquer que le plaidoyer n’est pas à confondre avec la communication traditionnelle. C’est une technique où l’on intervient pour attirer l’attention des décideurs, ou de quelqu’un qui a la possibilité de prendre des décisions, sur le fait que quelque chose ne marche pas. Comment prendre une décision vous amène parfois à proposer des textes de loi ou à les rédiger, afin qu’ils deviennent des projets de loi ou des propositions, selon le canal adopté.

En matière de technique de plaidoyer, les media constituent un des outils, c’est-à-dire l’outil qui permet qu’on puisse présenter des messages, exercer des pressions, etc. Les média le font déjà sans le savoir, mais en leur donnant des notions précises avec des manières d’organiser cela, ils seront encore plus efficaces. Et donc, chaque fois qu’ils sont face à un sujet, les media doivent se placer dans la perspective d’un message de plaidoyer et savoir à qui adresser le message”.

Une démarche qui a atteint son objectif, au regard des propos de Rémadji Odette, chef d’antenne de l’Office nationale des media audiovisuels de la province du Mayo-Kebbi Est. “J’ai beaucoup appris sur la santé de reproduction et la planification familiale. J’ai découvert certains notions et mots, à l’exemple de la vasectomie, ou l’enseignement à l’éducation sexuelle qui est nouveau pour moi. J’ai toujours entendu parler de la loi 06, mais j’ignorais qu’un décret (2121) d’application pour sa mise en œuvre a vu le jour. Cet atelier est positif et a été un plus pour moi. Je m’engage à utiliser les techniques journalistiques apprises, pour faire des plaidoyers en faveur de la promotion de la santé de la reproduction et de la planification familiale. Précisément dans ma circonscription d’exercice”. Un point de vue largement partagé par les participants, dont les recommandations ont été émises au gouvernement. Il s’agit de l’application effective du décret 2121 portant application de la loi 06 portant santé de la reproduction ; l’accélération du processus d’intégration dans les curricula nationaux de l’éducation à la vie et à la santé de la reproduction. A l’Astbef, les participants ont également recommandé la multiplication des ateliers de formation à l’endroit des media, afin qu’ils contribuent à promouvoir l’augmentation des demandes de services de la santé reproductive.

 

Les média vecteurs de changement

 “(…) Les échos parvenus présagent d’un avenir rassurant, en ce qui concerne vos prochaines participations et implications, dans les activités de plaidoyer en matière de la santé de reproduction et de la planification familiale. Faites en sorte de rendre fiers les formateurs, en mettant en pratique les nouvelles connaissances et techniques acquises, afin que lors des prochaines évaluations, la valeur ajoutée de cette formation soit tangible. Les défis en matière de planification familiale demeurent immenses. Le choix qui s’est porté sur vous n’est pas fortuit, mais témoigne du rôle fondamental que jouent les media dans la construction et le développement d’un pays. La communication est un secteur transversal, à tous les domaines. C’est pourquoi, au-delà de cette formation technique, vous devriez aussi être des vecteurs de changement, tant au niveau de l’environnement politique, juridique qu’au niveau individuel et communautaire, à travers le plaidoyer et les sensibilisations. Les résolutions et recommandations formulées seront prises en compte pour intégrer nos stratégies de promotion, de la planification familiale et de la santé de la reproduction en général. Ensemble, contribuons qu’aucune femme ne puisse mourir, en voulant donner la vie”, conseille la directrice exécutive de l’Astbef, Dr Mogodé Bébété Judith.                  Roy Moussa