Remake suicidaire de l’Ag élective à la Ftfa 

En effet, pour ceux qui se souviennent, l’Assemblée générale (Ag) élective de 2016 prévue au Cefod, est déportée et organisée en catimini à l’académie de football de Milézie, déjouant ainsi la vigilance des agents de la police, envoyés pour disperser les participants. Déjà à cette époque, le désaccord entre la Fédération tchadienne de football association (Ftfa) et le ministère des Sports, semble réduit à une question d’égo. En retirant la délégation de pouvoirs par l’arrêté N°065/PR/PM/MJS/SG/DGS/DSHNEN/2016 du 16 juillet 2016, le ministre Bétel Miarom a sans doute réveillé une difficulté latente dans les rapports de tutelle avec la fédération.

L’affaire fut portée par la Ftfa au Tribunal de grandes instances (Tgi) de N’Djaména. Après examen de la plainte, celui-ci donna raison à la Ftfa, en annulant l’arrêté du ministre (ordonnance n° 005/16 du 18/10/2016). A son tour, le ministère de tutelle interjeta appel  auprès de la Cour suprême  qui, elle aussi, après avoir déclaré recevable la requête, cassa l’ordonnance du Tgi (arrêt n° 007/16 du 07/12/2016). Elle rétablit ainsi la validité de l’arrêté du ministre des Sports, un acte toujours en vigueur, vu qu’aucun de ses successeurs ne l’a abrogé.

Telle était la situation tout le long du mandat de la Ftfa qui s’achève en 2020. Une situation qui semble tolérée, consciemment ou inconsciemment, jusqu’à la nomination du ministre Routouang Mohamed N’donga Christian. Arrivée au terme de son mandat de 4 ans, la Ftfa informa par un communiqué, l’ouverture de candidature à l’élection à la tête de la fédération. Conformément à ses textes, notamment les articles 36, et 37.3 débarrassé de son point b relatif à la caution de 10 000 000 de francs CFA non remboursables, que doit déposer tout candidat tête de liste, et l’article 11 du code des élections, elle décline les conditions à remplir ci-dessous : avoir la nationalité tchadienne ; être âgé (e) de trente ans au moins et soixante dix ans au plus ; être soutenu par au moins cinq (5) ligues affiliées à la Ftfa (lettre de parrainage) ; être obligatoirement membre de l’exécutif depuis au moins les trois dernières années, d’une Association membre régulièrement constituée ou affiliée à la Ftfa, ou avoir été membre du Comité exécutif pour un mandat entier; adresser une demande manuscrite accompagnée de : un extrait d’acte de naissance ou toute autre pièce tenant lieu pour tous les membres ; un certificat de nationalité pour tous les membres ; un extrait de casier judiciaire datant d’au moins trois mois pour tous les membres ; un programme d’action.

Deux candidatures ont été enregistrées à la date de clôture du 28 octobre 2020. L’une portée par le président du bureau sortant, l’autre par un ancien 1er vice-président de la Ftfa jusqu’en 2018 et, par ailleurs, président du club Foullah Edifice de N’Djaména. Le dernier dossier fut invalidé par la commission des élections pour, dit-on, manquement de pièces conformes. Contestant la décision, l’intéressé porta plainte au Tribunal administratif de sport (Tas) de la Ftfa.

Un spectacle qui n’honore personne

C’est dans ce climat tendu qu’intervient le ministre des Sports, jusque-là en retrait comme il l’a laissé entendre. Il annonce  dans un point de presse, tenu  par Mme la directrice de sport de haut niveau, le vendredi 27 novembre 2020, la suspension derechef de l’Ag élective de la Ftfa, prévue le 12 décembre 2020 à N’Djaména. Les raisons invoquées sont : outre le refus de la Ftfa de répondre à l’invitation du ministre, les multiples irrégularités constatées dans les textes de la Ftfa, notamment les articles : 10 ; 37. 3 ; 37.4 ; et 37.5 des statuts qui se contredisent.

L’acte du ministre déclencha une polémique, semblable à un bras de fer qui montre l’incapacité des acteurs du sport tchadien à régler en interne leurs propres problèmes. Faute de dialogue sincère, serein, respectueux des textes et des personnes, l’ensemble des amoureux du football tchadien est contraint d’assister, impuissant, à un spectacle qui n’honore personne.

En saisissant par courrier la Fifa, le 27/11/2020, le ministre a pris le soin de l’informer de la situation ayant conduit à la suspension de l’Ag élective du 12 décembre 2020, justifiée aussi par les trois points suivants :

  • durant le mandat qui s’achève, déception du gouvernement pour absence de résultats, manque de leaderships et de vision ;

  • aucune satisfaction dans les  attentes, malgré un investissement annuel de 1.000.000  francs CFA ;

  • l’Ag élective du 12/12/ décembre 2020 présente un caractère restrictif, ne permettant pas à tous les acteurs du football tchadien d’apporter leurs compétences collectives pour la promotion et le développement du football au Tchad.

De plus, les statuts de la Ftfa étant complètement ficelés, seuls les membres de l’exécutif actuel peuvent se représenter selon les critères suivants : être soutenus par au moins 5 ligues provinciales ; être obligatoirement membre de l’exécutif depuis au moins trois dernières années d’une association membre. Ajouter à cela, les contradictions relevées dans les articles 10, 37.3, 37.4, 37.5 des statuts, qui rendent la situation inacceptable, puisque contraires aux lois de la République dans le domaine du sport, notamment la loi 026 portant charte nationale du sport au Tchad.

Mais, dans sa missive, le ministre signale par ailleurs avoir rencontré à deux reprises le bureau exécutif de la Ftfa. Il lui aurait fait, sans doute, part de la nécessité de suspendre son Ag élective du 12 décembre 2020 afin de corriger les contradictions dans un délai d’une semaine ; autrement, il se verrait dans l’obligation de lui retirer provisoirement la délégation de pouvoirs. C’est bien ce qu’il fit après le délai imparti, par un arrêté n°055/PR/MJS/DG/DGTS/20 du 10 décembre 2020, en application du décret n°1591 du 14 octobre 18, fixant les conditions d’attribution et de retrait de la délégation de pouvoirs aux fédérations sportives.

Comme pour demander un concours, le ministre invita la Fifa à envoyer une équipe avant le 15 décembre 2020 pour évaluer ensemble la possibilité de mettre en place un comité d’examen et de révision des statuts de la Ftfa. Ce comité aurait un mandat de six mois à partir du 1er janvier 2021 : trois mois pour les amendements et l’adoption des statuts ; 3 mois pour l’organisation d’une Ag élective et la mise en place du nouveau bureau exécutif, au plus tard fin juin 2021.

Dommage qu’on en soit  arrivé là

Dans sa réponse du 03 décembre 2020, signée par le directeur de la division des associations membres, Véron Mossengo-Omba, et adressée au secrétaire général de la Ftfa, la Fifa l’autorise à tenir son Ag élective du 12 décembre 2020. Elle rappelle au ministre, qui a dû recevoir une copie du courrier par la Ftfa, qu’il n’est pas de son ressort de suspendre le processus électoral d’une association membre, et que des sanctions pourraient être prises à l’encontre du football tchadien, s’il tient à s’ingérer dans les affaires de la Ftfa qui a une autonomie de fonctionnement et de gestion.

Position classique et sans surprise de la Fifa. Mais, pour le Tchad, un Etat souverain et son ministre, elle constitue un véritable camouflet, voire une injonction. Dommage qu’on en soit arrivé là. Alors qu’un arbitrage en amont, du conseiller en charge de la jeunesse et des sports, ou du directeur de cabinet du maréchal, comme il a été dit dans l’éditorial du journal en ligne Tchad info du 14 décembre 2020, aurait ramené tout le monde à la raison.

Revigorée comme en 2016 par la réponse de la Fifa, à son courrier du 23 novembre 2020, le bureau exécutif de la Ftfa a cru bon d’organiser son Ag élective comme prévu, le 12 décembre 2020. Seule liste en présence, celle du président sortant, Mahamoud Moctar, fut élue par acclamation des participants.

Il est dommage qu’aucun membre de l’équipe dirigeante sortante n’ait pu prendre la mesure de cette embrouille inutile et faire entendre raison au président Mahamoud Moctar. L’interprétation illusoire que font certains membres de la Ftfa des textes de la Fifa, mettant l’association membre hors de portée des lois de son pays d’origine, est non seulement aberrante, mais suicidaire.

La nouvelle équipe, qui attend certainement, un message éventuel de félicitation et de soutien de la Fifa et de la Caf, ne doit pas se laisser berner. Celles-ci soutiendront certes, leur association membre, mais reconnue par un Etat souverain et non des individus. Quel que soit le soutien qui peut être apporté à cette nouvelle équipe, la Fifa et la Caf se verront obligées de venir s’enquérir elles-mêmes de la situation et s’entretenir inévitablement avec les autorités du pays. La Ftfa pourrait alors, à l’occasion, présenter ses arguments et son bilan, en mettant bien en exergue ses réalisations et ses résultats, tout en détaillant et justifiant ce qui relève de sa propre politique, du montant de son financement et des résultats obtenus mais aussi de la politique de l’Etat, suivie des moyens accordés sur budget du ministère ou de l’Onajes ; des projets Fifa/Caf, de leurs réalisations, suivis des résultats des financements perçus.

Ce qui reste à faire

L’organisation de l’Ag élective du 12décembre 2020, sans la présence d’invités et autres témoins, rend peu crédible le résultat du scrutin. Au-delà de ce qui peut lui être reproché, cette équipe sortante aurait  mérité respect et considération, si elle s’était défendue dignement, malgré les conditions difficiles de son Ag. Mais, en offrant ce spectacle insolite, elle aura confirmé malheureusement, tout le mal que certains pensent, notamment son manque de leadership et de vision pour le football tchadien.

Que reste-t-il maintenant pour sauver encore ce qui peut l’être. D’abord et avant tout, mettre de côté toutes les considérations et accepter, pour le Tchad et pour son football, la main tendue du ministre. Cette période provisoire de trois mois doit être utilisée, par les uns et les autres, pour nouer le dialogue. Ce retrait provisoire de délégation de pouvoirs est sans doute un coup de semonce. Même s’il éteint tous les soutiens publics à la Ftfa, certains des effets qui doivent être précisés, ne peuvent logiquement, pas toucher les activités des ligues, clubs et équipes nationales engagés dans les compétitions internationales.

Si tel peut être le cas, ce sera une paix des braves qui permettra de voir ensemble ce qu’il y a lieu de faire, en y associant le Cost, la Fifa, et éventuellement d’autres acteurs et personnes ressources du football tchadien. Un comité, avec des objectifs précis, pourrait être créé de commun accord avec les différentes parties et mis en place.       Les conclusions de ses travaux doivent être adoptées de manière consensuelle et serviront de base pour un nouveau départ du football tchadien. Elles pourront  être transmises aux différentes instances de football international : Fifa, Caf, Unifac. Ainsi, le football et le sport tchadien n’auront pas seulement gagné, mais sortiront fiers et  grandis. Ils auront montré à la face du monde que la jeunesse du Tchad est capable de se prendre en charge et d’amorcer son décollage sportif.

Bangali Daouda Boukar

Ancien professeur de sport

Bureau d’Etude et Conseils en Sport

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