Voici pourquoi Djibert devrait quitter N’Djaména

Par un décret publié en début de la semaine passée, le président de la République a sauté Djibert Younous de la tête du gouvernorat de la ville de N’Djaména. Après quelques mois seulement à ce poste, tout porte à croire que son départ est un motif de satisfaction pour les exécutifs municipaux de la cité capitale.

Désormais, c’est l’administrateur Mahamat-Zène Elhadj Yaya qui est à la tête de la délégation générale du gouvernement auprès de la commune de N’Djaména. Son prédécesseur va à la tête de la province du Moyen-Chari. Le départ du sultan-gouverneur Djibert Younous est intervenu dans une série de nominations aux allures d’une simple permutation de postes sans enjeux, comme le pouvoir nous en a souvent habitués. Or, ces changements de postes sont très souvent la conséquence d’un profond malaise créé et entretenu par les dépositaires des pouvoirs régaliens. Et c’est le cas de l’ex-gouverneur de N’Djaména, Djibert Younous qui, à peine installé dans ses fonctions, s’est mis au service de l’argent.

Il l’a démontré, et c’est la goutte d’eau qui a débordé le vase, en imposant aux communes un monopole de vente des valeurs qu’il a faites imprimer auprès d’un imprimeur de son choix pour ensuite revendre à toutes les communes. Naturellement, c’est pour se faire de profits. Conséquence: le prix de tout ce qui est valeur, permettant le recouvrement des recettes par les communes des arrondissements est passé du simple au triple. Certains citoyens se demanderaient pourquoi les agents de recouvrement des communes de la ville de N’Djaména ont de la peine à mettre de nouvelles valeurs en circulation depuis le début de l’année. C’est tout simplement parce que le gouverneur sortant a interdit aux différents exécutifs municipaux de ne commander des tickets, reçus, timbres ou de tout autre pièce qu’au gouvernorat, où il surveille personnellement le marché comme du lait sur le feu. Alors que, bien avant lui, les communes étaient libres de lancer leurs commandes où elles veulent par principe d’autonomie inscrit dans les textes cardinaux de la décentralisation. Mais avec Djibert Younous, la mesure royale a causé un sérieux tort aux communes. Son successeur qui était son patron à la direction générale de l’administration du territoire est sans doute mieux renseigné sur le passif à lui légué à la tête de la délégation du gouvernement. Au risque de poser ses fesses sur des épines, l’une de ses premières décisions était de contredire son prédécesseur en laissant le libre choix aux communes d’aller commander leurs valeurs où elles veulent. Entretemps, Djibert Younous est parti, laissant l’imprimeur auprès de qui il a lancé le marché juteux des valeurs dans la confusion. Qui va lui rembourser sa créance?

L’ex-gouverneur a fait plus que cela. Selon certains conseillers municipaux interrogés, Djibert Younous a imposé à toute commune de N’Djaména qui voudrait tenir sa session budgétaire de verser auprès de lui la somme non discutable d’un million de francs CFA avant toute ouverture des assises. Et les budgets doivent être vérifiés au préalable par son staff. “C’est pour ça que jusqu’aujourd’hui toutes les communes d’arrondissements, sauf la commune centrale, n’ont toujours pas tenu leurs sessions budgétaires. Comment comprendre que dans presque toutes les communes, les gens réclament des arriérés de salaire et qu’un gouverneur réclame un million pour autoriser la tenue d’une session budgétaire”, s’interroge un conseiller municipal.

Après son départ de la tête du gouvernorat, certains maires affirment que la seule raison pour laquelle l’ex-gouverneur de N’Djaména a enclenché le processus de recensement des chefs de carrés et délégués de quartiers était de se faire des sous. Ainsi, chaque chef de carré et délégué de quartier recensé paye la somme de six mille francs, collectée soigneusement par les administrateurs délégués auprès des communes qui les versent au gouverneur, loin des yeux des maires.

“Au 7ème arrondissement, nous avons destitué le maire mais ce dernier lui a glissé une enveloppe alléchante pour se maintenir. Son départ est un grand ouf de soulagement”, soupire un conseiller de cette commune.

 

La valse des tutelles caméléonne

Depuis la mise en place des municipalités élues en 2011, l’Etat qui en réalité ne veut rien lâcher de ses prérogatives régaliennes, est représenté auprès des communes par des administrateurs qui soufflent toujours le chaud et le froid. Surtout dans la ville de N’Djaména. Chaque gouverneur qui y passe représente un épisode dans un film qui ne présente que des visages hideux.

L’exercice de la tutelle constitue une véritable paralysie pour les actions des communes au sein desquelles les conseillers sont élus au suffrage universel. Face aux maires souvent contestés par leurs exécutifs, l’autorité de tutelle entretient des divisions et monopolise tout, jusqu’à la vente des papiers.

Difficile de savoir quelles sont les limites des responsabilités de celui qui brandit le chapeau du représentant de chef de l’Etat face à ceux qui se disent élus locaux.

Alladoum leh-Ngarhoulem G.