La maison d’arrêt de Klessoum a été le théâtre de la barbarie des forces de l’ordre le 1er décembre. Des prisonniers ont été gazés comme des inhumains. Bilan: un prisonnier de guerre mitraillé par 4 balles; plusieurs blessés dont 5 graves.
Pendant que les tenants du pouvoir, héritiers de la dynastie des Déby et leurs acolytes commémorent à la Place de la nation, leur journée dite de liberté, les sbires font subir aux prisonniers de la maison d’arrêt de Klessoum des pires affres de torture.
Selon les témoignages, ce qui s’est passé à Klessoum dont les vidéos et photos ont fait le tour du monde via les réseaux sociaux, est le résultat de l’abus constant que les geôliers font subir aux prisonniers de guerre et plus précisément ceux du Front pour l’Alternance et la concorde au Tchad (Fact) par qui le maréchal Déby a trouvé la mort.
Or, le 29 novembre dernier, un conseil extraordinaire des ministres s’est tenu pour examiner deux projets de loi présentés par le Garde des sceaux, ministre de la Justice, chargé des droits humains. Le premier projet concerne l’amnistie générale de 39 compatriotes pour atteinte à l’intégrité de l’Etat et délits d’opinion; le second porte sur l’amnistie générale de 257 membres des groupes armés, des condamnations prononcées par la cour criminelle de N’Djaména ayant siégé à Korotoro le 22 août 2019. Cette amnistie n’a rien à voir avec les prisonniers de guerre actuellement incarcérés, notamment ceux du Fact. Pourtant, les partenaires du Tchad conditionnent le financement du dialogue national inclusif par la participation de toutes les forces vives de la nation y compris celle des politico-militaires. Le Conseil militaire voudrait-il s’occuper d’autres prisonniers de guerre avant qu’une autre forme d’amnistie ne vienne concerner les prisonniers du Fact ?
“C’est avec effroi et consternation que le représentant de la Fédération internationale pour les droits humains (Fidh) auprès de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale a appris (vidéos et photos à l’appui), que lors d’une altercation avec un prisonnier de guerre à la prison de Klessoum le 1er décembre 2021, les forces de l’ordre ont tiré sans discernement plusieurs gaz lacrymogènes sur les prisonniers dans un endroit fermé, faisant un mort et plusieurs blessés dont 5 graves”, s’est indigné dans un communiqué de presse dans la soirée du 1er décembre, le représentant de la Fidh et président d’honneur de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (Ltdh), Dobian Assingar. “J’étais à la maison et j’ai reçu un appel d’un prisonnier de la maison d’arrêt de Klessoum. Nous sommes en train d’être gazés, m’a-t-il dit. J’entendais des cris, des hurlements et des tirs en désordre. N’ayant plus de force, ledit prisonnier qui m’a appelé s’est évanoui pendant que nous étions au téléphone”, témoigne-t-il. “Lorsque j’ai rappelé le soir pour avoir les détails, le prisonnier m’informe que le problème est parti des fouilles intempestives des prisonniers de guerre du Fact par les geôliers. C’était juste de l’arnaque pour les dépouiller de ce qu’ils possédaient. L’un des prisonniers du Fact ayant eu marre, s’est accaparé dans la foulée de l’arme d’un gendarme. Les autres gendarmes lui ont tiré dessus et il en est mort et plusieurs autres personnes blessées ont été enregistrés dont 5 graves”, rapporte-il les faits obtenus de son interlocuteur. Pour lui, un tel acte commis au moment où le dialogue national inclusif est lancé pour réconcilier tous les tchadiens, est inconcevable et difficilement interprétable
De son côté, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad porte à la connaissance de l’opinion le 2 décembre, que quatre de ses prisonniers de guerre ont été froidement exécutés dans leur cellule par les geôliers. Le Fact dénonce et condamne ces crimes de guerre tout en demandant à la junte au pouvoir de respecter strictement les conventions internationales, notamment la 3ème Convention de Genève du 12 août 1949 relative au traitement des prisonniers de guerre, rappelle le coordinateur politique chargé de la communication Kingabé Ogouzeïmi de Tapol. “Au moment où le peuple tchadien accepte et réclame à l’unisson le règlement politique par un dialogue inclusif, (…) nous ne comprenons pas ces actes qui doivent être proscrits : le Tchad qui ne cesse de se réclamer “État de droit” ne peut se mettre au-dessus des lois et conventions internationales auxquelles, il est partie prenante en se dérobant ainsi de ses obligations, en matière notamment de respect du caractère sacré de la vie humaine”, s’insurge le signataire du communiqué de presse du Fact.
Le même constat est fait par Yaya Dilo Djérou, président du Parti socialiste sans frontières (Psf) sur sa page facebook. Dans son post, Yaya Dillo dit avoir constaté à l’hôpital de l’amitié Tchad-Chine le corps de 6 prisonniers de guerre dont il ignore les moyens qui ont servi pour tuer les 5. Il poursuit que le corps de Souleymane Saleh Issa contient 4 balles ; ce qui explique que c’est un meurtre prémédité.
“Amnistier certains, exécuter d’autres”
Beaucoup d’analystes trouvent que ce n’est pas par hasard que des prisonniers de guerre meurent au moment où des propositions sont faites pour amnistier les anciens rebelles condamnés. Si l’événement de Klessoum survient juste deux jours après le conseil extraordinaire des ministres au cours duquel, deux projets de loi devant accorder une amnistie générale à des citoyens tchadiens sont validés, certains citoyens dénoncent une mise en scène pour camoufler les assassinats des prisonniers du Fact.
Si le Conseil militaire de transition veut éliminer les prisonniers de guerre, le dialogue national inclusif tant attendu risque de tomber à l’eau. On ne peut prôner la paix et faire l’éloge de la haine.
Minnamou Djobsou Ezéchiel