Une frange des habitants de Walia a vécu une matinée troublante. Aux environs de 7 h 30, ce 9 février 2021, ce sont plus 300 ménages qui sont obligés d’aller fouiller leurs effets sous les décombres de leurs maisons démolies.
“Alors que nous attendions plutôt qu’on vienne nous tracer des rues, le coup de massue est tombé. Ce sont nos maisons qu’ils ont cassées. Je suis là depuis 2008, jamais on ne nous a parlé d’une réserve. Ils ont voulu déguerpir les sinistrés des inondations, mais, ils ont eu une résistance des Organisations non gouvernementales. Il paraît que la mairie a perdu l’espace réservé à la Société tchadienne des eaux (Ste). Avant, ils ont badigeonné à côté. Il y a eu des réunions au cours desquelles on a entendu les noms des ministres, …, mais, le pauvre a toujours tort à N’Djaména et voilà…”, raconte le vice-président du comité de crise constitué à la veille du jour de démolition, Issaka Kévin.
Pourtant, une décision de justice interdisait de troubler la quiétude de ces habitants. L’affaire remontre en mi-janvier 2021. Des agents municipaux de la mairie du 9ème arrondissement arrivent sur les lieux dans le véhicule de la Ste, selon les témoins. Ils badigeonnent le terrain et demandent aux habitants de libérer la parcelle le 30 janvier, soit un délai de deux semaines. Mécontents, les victimes du déguerpissement contactent leur avocat, Me Alain Kagonbé. Ce dernier contacte à son tour l’huissier Me Hisseine Ngaro, qui dresse un procès-verbal, le 17 janvier. Par ordonnance n° 036 du 25 janvier, la décision du tribunal de grande instance de N’Djaména ordonne “le maintien de chacun de tous les requérants sur sa parcelle respective sis au quartier Walia entre la station Tradex et le site abritant les sinistrés. Ordonnons également la cessation immédiate de tout trouble perpétré par la mairie du 9ème arrondissement municipal de N’Djaména”. Le 28 janvier, cette décision est signifiée à la mairie du 9ème arrondissement. Mais l’ordonnance n’a servi à rien, car le 9 janvier 2021, les bulldozers sont entrés en action. Le président du comité de crise présente l’ordonnance au chef de mission Mahamat Saleh, par ailleurs, directeur de l’urbanisme, de l’aménagement et du transport urbain. Mais, ce dernier aurait rétorqué que son rôle est d’accomplir la mission, témoigne Issaka Kévin. La mairie du 9ème arrondissement, à qui l’ordonnance a été transmise, nie toute responsabilité dans cette démolition et indique que c’est plutôt la mairie centrale qui est à la manœuvre. Le maire de la ville de N’Djaména a indiqué à Me Hisseine Ngaro qu’ils ont été saisis par la Ste et qu’ils n’étaient pas au courant de l’ordonnance.
L’avocat des victimes, Alain Kagonbé, très remonté, appelle au respect des institutions de la République et traite cet acte de la mairie de rébellion. “Il s’agit là de destruction volontaire des biens. Ce maire répondra de ses actes devant la justice. La démolition des maisons n’est pas une décision qui doit être prise à la va vite”. Il ne croit par ailleurs pas à la déclaration du maire intérimaire du 9ème arrondissement. “Maintenant, ils se rebiffent et rejettent tout sur la mairie centrale. La mairie centrale n’a jamais eu de contact avec mes clients. La mairie du 9ème a reconnu la qualité de propriétaire de mes clients sur cette parcelle, il y a des attestions qui ont été confirmées par la même mairie du 9ème. Elle aurait pu dire à la mairie centrale que ces personnes ont occupé ce terrain avec nos bénédictions. Les gens veulent démonter la force mais nous allons continuer à chercher la justice. Il y a un terrain de la Ste qui est connu avec ses dimensions et qui n’a rien à voir avec le terrain de mes clients”, plaide l’avocat.
Quelques heures après cette démolition, Mahamat Saleh, qui a conduit la mission de démolition, a indiqué que le terrain va servir à la construction d’un château d’eau de 1000 m3 qui va desservir toute la population du 9ème arrondissement. “L’intérêt collectif prime sur les intérêts individuels. C’est une urgence. L’entreprise qui va construire attend’’, argumente-t-il. Entretemps, beaucoup de familles qui disent ne savoir où mettre la tête ont commencé à passer des nuits à la belle étoile, sous la fraîcheur.
Lanka Daba Armel