Le ministre de l’Economie et de la planification du développement, Issa Doubragne, est sommé de justifier ou de payer près de 800 millions de francs CFA correspondant à des fonds destinés aux études de faisabilité des projets du Plan national de développement (Pnd) 2017-2021 et à l’organisation des fora de mobilisation des investisseurs.
Séisme au ministère de l’Economie. Une équipe de la mission de l’IGE séjourne au sein du ministère de l’Economie et de la Planification du développement. Elle vient de déposer un rapport d’étape sur la gestion des fonds destinés aux études des projets du Plan national de développement (Pnd), l’organisation de la Table ronde de Paris, l’organisation du forum des investisseurs arabes et à la vérification de la gestion de certaines entités sous tutelle dudit ministère.
Selon l’Inspecteur général d’Etat, Ahmat Mahamat Zagalo, la mission a fait des constats sur des manquements et des recommandations. Ces constats ont été portés à l’attention du président de la République qui, en retour, a donné des instructions. La correspondance de l’Inspecteur général d’Etat, adressée le 19 novembre au ministre de l’Economie, Issa Doubragne et dont nous avons obtenu copie, est sans équivoque. Elle a pour objet la “mise en œuvre des recommandations de la Plus Haute Autorité du Pays”. L’IGE dépend et ne répond que seul devant le président de la République.
“Conformément aux dispositions de la section 3, article 47 du décret n°217/PR/IGE/2016 du 17 février 2016 portant modalités, procédures et conditions d’exécution des missions effectuées par l’Inspection générale d’Etat, je vous relaye les instructions de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement à l’effet de mettre en œuvre”, écrit Zagalo à Doubragne.
Premièrement, le président de la République instruit au ministre de l’Economie, en tant qu’ordonnateur principal des dépenses, de rembourser de concert avec le directeur général de son ministère, Houlé Djonkamla, des montants s’élevant à plus de 545 millions de francs CFA. Plus précisément, il s’agit de 366.532.430 francs CFA qui correspondent à des retraits effectués sur le compte n°701 005 00 58 ouverte à la banque UBA au nom du ministère. Ensuite, ce sont 137 millions francs CFA pris du projet PPAPEGICA pour l’organisation du forum des investisseurs arabes. L’IGE rappelle que l’organisation de ce forum a été financée par l’Etat tchadien et ses partenaires, notamment la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea) et le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud). Il s’agit également de 20 millions de francs CFA destinés à la régularisation des frais de mission du Comité interministériel de suivi d’évaluation des projets (Misep). Enfin, ce sont 21.593.288 déclarés inéligibles par l’audit de la Banque africaine de développement (Bad).
Ce sont autant de montants qui “n’ont pas été justifiés auprès de la mission, malgré plusieurs relances”, précise Zagalo.
Deuxièmement, il est instruit à Doubragne de faire revenir le cabinet Amsco pour se mettre à la disposition de la mission pour justifier leurs travaux, à contrario le ministre devra rembourser un montant de 255 millions de francs CFA.
Pour ce faire, le ministre de l’Economie dispose, conformément à l’article 41 du décret n°217 précité, d’un délai n’excédant pas dix jours. “Passé ce délai, la mission usera de toutes les voies et moyens légaux pour faire entrer l’Etat dans ses droits”, prévient l’Inspecteur général d’Etat.
Enfin, il est demandé au ministre de relever de leurs fonctions le directeur général Houlé Djonkmala, ainsi que Allandinguim Ngario Joseph, chef du service administratif et financier du ministère. Pourquoi demander à un ministre de “relever de leurs fonctions” deux de ses plus importants collaborateurs, nommés par la même voie que lui, c’est-à-dire par décret présidentiel? Quelle légitimité a-t-il pour les sanctionner, lui qui est pourtant soupçonné des mêmes indélicatesses financières?
Ghislain Djimra