La décision de la ministre de la Femme, de la famille et de la protection de l’enfance, Amina Priscille Longoh, instruisant la gratuité de la scolarité dans les écoles maternelles publiques, prise après la date de la rentrée scolaire, a provoqué un afflux massif d’enfants dans lesdits établissements. Elle a failli mettre le feu aux poudres.
Jeudi, il est 7 h. Dans la cour du jardin d’enfants situé au sein du centre social N°7 à côté de l’hôpital de l’Union au quartier Chagoua, une marée humaine composée de gosses inonde la cour. Des cris et des pleurs s’entendent de partout. Un coup de sifflet retentit, le silence s’installe. Les enfants, par tranche d’âge, sont orientés dans les salles. Ceux de trois ans en petite section ; les quatre ans en moyenne section et les cinq ans dans la grande section. C’est dans cette atmosphère bruyante qu’un parent arrive avec ses deux enfants pour inscrire. La réponse de la directrice est sans appel. “Nous avons arrêté les inscriptions”, réplique-t-elle. Le sieur qui n’a pu convaincre la responsable du centre, est obligé de repartir avec ses enfants. Pour la directrice, Mme Djimtengar née Nguemnodji Manro, depuis que la ministre a évoqué la gratuité des cours, l’établissement est débordé par le nombre sans cesse croissant des enfants. Et, compte tenu de la taille de l’arrondissement, l’unique solution est de limiter le nombre pour un bon encadrement. “Avant la décision de la ministre, l’inscription était à 14 500 francs. Mais ces deux dernières années, à cause de la pandémie du coronavirus qui ne nous a pas permis d’organiser les fêtes de Noël et de fin d’année, nous avons décidé d’inscrire cette année les enfants à 12 000 francs. Nous avons commencé avec les inscriptions deux semaines avant que cette décision de la ministre faisant état de la gratuité de la scolarité ne nous parvienne”, explique la directrice. Pour elle, les cours sont gratuits mais une somme de 4 000 francs est demandée aux parents pour la tenue scolaire, le logo et la carte par enfant. “Quand on a commencé avec les inscriptions, ce que nous avons eu comme recettes, nous a permis d’engager les dépenses. Ce jardin d’enfants est sujet à l’inondation chaque année, c’est pourquoi dès que nous commençons avec les inscriptions, et que nous recevons un peu d’argent, nous engageons des dépenses pour l’achat du sable afin de remblayer la cour, refaire la peinture et commander des manuels scolaires. Quand les parents ont écouté que l’école est gratuite, certains sont revenus revendiquer mais nous leur avons expliqué que ce n’était pas de notre faute, mais de la hiérarchie qui devrait prendre les dispositions avant la relance des inscriptions”, tranche-t-elle.
Si Nguemnodji Manro est comprise par certains parents, sa collègue du jardin d’enfants n° 3 de Paris-Congo s’est dite menacée par certains parents. Dans son centre, elle reçoit beaucoup d’enfants que les parents viennent un peu tôt inscrire. “Nous avons inscrit les enfants trois semaines avant la note de la ministre et ceux qui sont venus revendiquer, nous leur avons expliqué que ce n’est pas de notre faute parce que les dépenses sont engagées, donc nous ne pouvons pas restituer le restant. Certains parents ont mal pris et nous ont menacés”, déplore la directrice. Pour elle, les inscriptions se font à 6 000 francs au lieu de 4 000 comme dans certains centres. “Les 2000 francs nous permettent de payer le gardien et une femme qui s’occupe de garder les enfants propres jusqu’à l’arrivée des parents, dont certains viennent à 13 h ou 14 h les chercher”, justifie-t-elle.
La directrice du jardin d’enfants centre N°1 B sis au quartier Sabangali, en face du stade Idriss Mahamat Ouya, a aussi commencé l’inscription deux semaines avant la décision de la ministre. “Nous avons inscrit 90 enfants à 12 000 francs avant la note et quand les parents sont venus revendiquer nous leur avons expliqué que nous avons déjà engagé des dépenses, et la ministre nous a demandé de ne pas restituer les frais d’inscription, mais de continuer à inscrire gratuitement. Alors ceux qui ont insisté en nous proférant des insultes nous leur avons restitué la totalité de leur argent et renvoyé leurs enfants”, se défend la directrice Wabiye Khalil Mahamat. Son centre compte plus de 500 élèves. Elle dit attendre les mesures d’accompagnement promis par le ministère parce que ce qu’elle a reçu est insuffisant pour le fonctionnement du centre. “Pour 500 enfants nous avons reçu 30 chaises, 5 gobelets, 5 sceaux, 6 nattes pour 7 classes et à un mois de cours, nous n’avons pas de cahier de préparation des cours, des registres ni des manuels des enfants”, s’en plaint-elle.
Dans les différentes écoles maternelles publiques visitées, le nombre des enfants a augmenté dans certains et doublé dans d’autres. A Paris-Congo, les 6 classes, dont 2 de petite, moyenne et grande section sont bondées d’enfants ; ceux du grand marché (centre N°1 A) vivent également la même situation. Par contre pour ceux de Chagoua et Moursal, les hangars sont en train d’être construits pour permettre de mieux répartir les enfants. “Vu le nombre et la taille de la salle, nous sommes obligés de mettre la natte dehors pour permettre de contenir la petite section, en attendant la finition des hangars pour les mettre à l’abri”, explique la directrice du jardin d’enfants N°9 de Moursal.
Dans ces jardins d’enfants, des cas sociaux existent. Parfois, les responsables font face aux enfants dont les parents sont des démunis. Face à ceux-là, les directrices sont obligées de s’en occuper en leur octroyant des tenues et des manuels scolaires durant l’année.
Modeh Boy Trésor