Après deux semaines de confinement à N’Djaména, les portes des établissements scolaires et universitaires sont restées closes à cause de la grève illimitée de la plate-forme syndicale revendicative.
C’est devenu une banalité ou tradition au Tchad. Consécutivement, depuis plus de 4 ans, les années scolaire et académique doivent s’entrecouper de grèves. Ainsi, l’année scolaire et académique 2020-2021 n’a pas échappé à cette exception qui s’érige finalement en règle. Alors que les élèves, étudiants et enseignants s’apprêtaient à reprendre le chemin des cours, le 4 janvier 2021, un décret tombe le 31 décembre 2020 confinant la ville de N’Djaména et interdisant les attroupements de plus de 10 personnes. De facto, les écoles et universités sont fermées. Même si cette mesure est levée le 13 janvier 2021, le secteur éducatif aura accusé deux semaines de retard. Deux semaines pour certains, plus pour d’autres. Dans le 9ème arrondissement municipal de la ville de N’Djaména, par exemple, certains établissements scolaires ont dû fermer après un mois et demi de cours. “A peine avons-nous commencé les cours, que nous avons aussitôt arrêté à cause des inondations. En décembre, nous avons fait deux mois de cours et nous sommes allés en congé de fin d’année. Pendant que nous comptons reprendre, le décret confinant la ville est tombé. Nous n’avons pas pu remplir les bulletins du 1er trimestre, certains enseignants n’ont même pas encore fait un seul devoir” témoigne une élève de 1èreL d’un établissement scolaire au quartier Toukra.
En province, même s’il n’y a pas eu des mesures restrictives empêchant la reprise des cours, la grève a pris le relais. C’est le cas au Moyen Chari où la base syndicale des enseignants n’a pas attendu le mot d’ordre du bureau national pour déclencher la grève. Les enseignants de ladite province ont refusé de regagner les salles de classe le 4 janvier, après avoir fait le constat du non-respect par le gouvernement de l’accord du 9 janvier 2020. A Bongor, dans le Mayo kebbi Est, à Moundou, dans le Logone occidental, ainsi que dans plusieurs autres provinces, les sections provinciales du Syndicat des enseignants du Tchad (Set) ont lancé la grève sans attendre la consigne de N’Djaména. “C’est l’expression d’un ras-le-bol. Le gouvernement a tellement menti que la base n’attend plus les leaders syndicaux. C’est pourquoi certains ont arrêté le travail d’eux-mêmes” justifie le secrétaire national du Set, Mbaïris Ngartoïdé Blaise. “Pourtant, nous n’avons pas besoin de cette grève, mais, le gouvernement ne nous laisse pas le choix. Les camardes meurent sous le statut de fonctionnaires stagiaires, alors qu’ils ont servi pendant des années” regrette-il.
Les privés solidaires ou craintifs ?
Entretemps, dans certaines localités, les chefs d’établissements scolaires du privé ont libéré les élèves 2 à 3 jours pour, disent-ils, observer une grève de solidarité avec ceux du public. C’est le cas à Pala, Léré, etc. Mais cette grève de solidarité pourrait se justifier par la crainte d’exposer les élèves de ces établissements à la brutalité de ceux du public, souvent mécontents de subir les conséquences de grève. En début de la semaine derrière, à Fianga dans le Mayo Kebbi Est, les élèves des écoles publiques se sont jetés sur ceux des écoles privées.
Au niveau du supérieur, c’est un chamboulement. Le concours d’entrée en 1ère année des Ecoles normales supérieures (Ens), prévu pour le 10 janvier, a dû être reporté à une date ultérieure. Les candidats ayant effectué le déplacement dans différents centres de composition à l’intérieur du pays attendent impatiemment la nouvelle date de composition. Les institutions universitaires sont dans le même pétrin, comme à N’Djaména. “Nous avons organisé les examens du 1er et 2ème semestre. Il ne nous reste que les rattrapages du 2ème semestre. S’il n’y avait pas eu cette situation, ce 15 janvier 2021, c’est la rentrée académique 2020-2021. Mais la plateforme en a décidé autrement. Dès que la grève sera levée, nous allons organiser les rattrapages, ceux de la première année vont commencer avec les cours la semaine suivante”, informe Faustin Dingaonarbé, le doyen de la faculté des sciences humaines et sociales de l’université de N’Djamena.
Comme les militants du Set en province, ceux du Synecs (Syndicat des enseignants et chercheurs du supérieur) ont déposé la craie fin décembre avant que la plate-forme syndicale revendicative ne lance son mot d’ordre pour revendiquer les primes de recherche, de logement et de transport. Malgré la détermination des grévistes à obtenir gain de cause, le ministre de l’Education nationale et de la promotion civique Aboubakar Assidick Tchoroma a sorti un communiqué de presse le 14 janvier pour demander aux gestionnaires des établissements scolaires publics et privés de prendre des dispositions pratiques pour éviter la perte des heures de cours.
Il demande par exemple l’évaluation bilan des programmes accomplis, le respect strict du nouveau calendrier scolaire, etc.
Lanka Daba Armel