Une question qui a tout son sens, lorsqu’on sait que dans le contexte actuel de la pandémie de la Covid-19, c’est sur ce corps que devrait reposer la prévention contre les risques de contamination.
Dans les grandes nations du monde, ce service est intégré dans le système de santé et assure la prévention des risques de toute sorte. Même si certains pays sont développés, en matière d’hygiène, le corps des agents d’hygiène et assainissement est privilégié. En Afrique, certains pays francophones (Sénégal, Niger, Mali, Burkina Faso, Cameroun, Gabon, Maroc, Algérie, Tunisie, etc.), ou anglophones (Nigeria, Afrique du Sud, etc.), érigent les services d’hygiène et assainissement en direction générale ou technique, voire en un Institut national d’Hygiène, avec les moyens conséquents pour la prévention qui est à l’avant-garde de la médecine curative.
Qu’en est-il du Tchad où l’hygiène doit être suffisamment développée en vue de réduire les maladies évitables par des mesures simples et appropriées?
Pour mémoire, avant la guerre civile de février 1979, et ce jusqu’à 1990, ce corps a fait la fierté du Tchad dans le système de santé, qui a été mis en place en son temps. A côté des préfets sanitaires, se trouvent les chefs de secteurs et sous-secteurs dotés des moyens de travail comme il se doit (équipements de travail, moyens de déplacement, produits de tous genres). A ce titre, il constitue une source d’entrée de l’argent pour le trésor public, à travers les amendes sur les récidivistes en matière d’hygiène (industries, alimentations et particuliers), ainsi que les cartes sanitaires des travailleurs dans le secteur des aliments.
En développant les activités de prévention, ce corps réduit les problèmes de santé qui peuvent se généraliser. Si l’hygiène est bien développée, la fièvre typhoïde, le paludisme, les maladies diarrhéiques, les maladies de la peau et les conjonctivites qui constituent les premiers facteurs de consultation seraient réduits. Ainsi, l’on ne parlera que des maladies comme le diabète, l’hypertension et autres.
C’est compte tenu de son importance que ce corps était surnommé “le Commando” en son temps, pendant les épidémies de choléra. A cette époque, le corps a fait ses preuves pour enrayer des épidémies qui surgissent çà et là, à travers les activités qui lui sont dévolues, et qu’aucun infirmier ou médecin ne peut le faire convenablement. Chacun est formé dans son domaine d’intervention.
Le népotisme a tout gâté
Force est de constater, malheureusement, qu’il est relégué au second plan au fil du temps par des nominations qui ne respectent aucun critère. Durant le passage du ministre Aziz Mahamat Saleh à la tête du département de la santé, sous le premier gouvernement de la 4ème République, des médias et les syndicats de médecins, des pharmaciens et des paramédicaux ont fortement critiqué les nominations à des postes techniques liés au domaine d’hygiène et d’assainissement. Mais cela n’a pas apporté un grand changement. Aujourd’hui encore, lorsqu’on prend le dernier décret portant nomination des agents dans les directions techniques au ministère de la santé publique, l’on est en droit de se poser mille et une questions: n’existe-t-il pas de cadres de formation de niveau conception (Ingénieur sanitaire) au ministère de la Santé publique?
Rappelons qu’en ce qui concerne le corps des agents d’hygiène, l’Organisation mondiale de la santé (Oms) encourage fortement leur formation dans tous les pays en voie de développement.
Le nouvel organigramme taillé à la mesure de partage entre amis, parents ou coreligionnaires du nouveau locataire du ministère de la Santé dépasse l’entendement, car les intouchables sont restés de marbre et les nouveaux venus n’ont aucune compétence pour gérer l’administration centrale. Tenez ! Sur 56 postes partant du cabinet aux directions techniques, en passant par la direction générale, il n’y a que 8 cadres de la partie méridionale du pays. Les 48 sont de la partie septentrionale.
Mais le plus navrant, c’est qu’au Tchad où on parle chaque année des épidémies de choléra et particulièrement en cette période de lutte contre la Covid-19, le ministre nomme une sage-femme à la tête de la direction de l’hygiène. Elle est assistée par une bio-nutritionniste, sans oublier qu’à la tête de la division se trouve une hydrogéologue mettant ainsi à l’écart les professionnels du génie sanitaire dont le nombre est par ailleurs insuffisant. Quelques rares cadres de ce corps sont formés depuis quelques années à l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2iE) de Ouagadougou au Burkina Faso. Aujourd’hui, seule l’Ecole nationale de santé publique de Rennes en France offre la possibilité de former les cadres supérieurs de ce domaine.
Bonjour coronavirus!
Tout ceci pour dire qu’à l’heure de la lutte contre la Covid-19, ce sont les techniciens d’hygiène qui doivent être à l’avant-garde pour assurer la prévention. Curieusement, aucun cadre de ce corps ne fait partie ni du comité scientifique, ni du Comité de veille et de sécurité sanitaire que vient de remplacer le Comité de gestion de crise sanitaire.
Alors que quatre promotions des techniciens d’hygiène sorties de l’Ecole nationale des agents sociaux et sanitaire (Enass) sont abandonnées sur le carreau. D’autres rentrés de l’extérieur sont toujours en instance d’intégration. A peine cinq sont intégrés sur quarante-cinq, alors qu’il serait prévu cinquante places par corps. Il y a beaucoup de brebis galeuses qui se disent ingénieurs sanitaires, mais qui ne le sont pas et pullulent au sein des services du ministère.
D’autres techniciens admis à la retraite peuvent être rappelés en vue de servir dans cette lutte, si les autorités sanitaires le souhaitent. Malheureusement, beaucoup de cadres sont mis de côté depuis des années, parce qu’ils ne partagent pas les points de vue de ces indéboulonnables.
Ngartoloum Xavier