Contre vents et marrées, la Ligue tchadienne des droits des femmes (Ltdf) lutte pour ramener la balance sociale dans sa forme plurielle en faveur des femmes.
Au milieu des multiples points de débits de boissons, sur l’axe Ca7, se joue probablement le futur des droits de la gent féminine. Dans un bâtiment contenant une salle de conférence et 5 pièces comme bureau, se gèrent des centaines de dossiers relatifs aux maux que subissent les femmes au quotidien. Ce bâtiment n’est rien d’autre que les locaux de Yali Tchad qui, grâce à un partenariat, a mis ses locaux au service de la cause féminine.
Lancée en novembre 2020, la Ligue tchadienne des droits des femmes a pour but de lutter contre les violences conjugales, sexuelles et sexistes faites aux femmes; d’initier les jeunes femmes au féminisme et au leadership à travers la formation; d’intensifier la collaboration entre la société civile et les autorités dans la prise en charge des cas de viol et de violences; de favoriser l’accompagnement juridique, psychologique et social des femmes en situation de violences conjugales et sexuelles; contribuer à la promotion du genre par la sensibilisation; faire la promotion de l’action et la sororité entre les femmes en difficultés à travers la remise des dons.
Pour atteindre ces objectifs, plusieurs activités sont organisées par Dionrang Epiphanie, la présidente et son équipe. Dès le lancement des activités, elles ont organisé les 16 jours d’activisme en sensibilisant les élèves dans les écoles, les causeries débats sur les violences faites aux femmes, des tournées médiatiques, des appels à témoignage, la collecte des serviettes hygiéniques pour les centres de ressources pour les jeunes filles aveugles et l’organisation de la marche pacifique. Les deux dernières activités sont la consultation juridique pour les filles-mères célibataires et le self-défense. La première activité, organisée sous l’encadrement des avocates a pour objectif “d’informer ces filles et femmes mères sur les procédures judiciaires à savoir la pension alimentaire, la garde de l’enfant et le droit de l’enfant, leurs droits en tant que fille et un travail mental sur l’estime de soi après accouchement hors mariage”, informe Roukhaya Mahamat Traoré, vice-présidente de la Ltdf. Le self-défense pour contribuer à limiter les attaques dans les rues. “L’objectif n’est pas d’apprendre aux femmes et filles à se battre mais de leur donner des techniques de base devant leur permettre de se défendre en cas d’attaque. Car, les violences faites aux femmes sont récurrentes dans nos communautés. Chaque jour, on se réveille avec un cas et on s’endort avec un autre”, explique-t-elle.
Des efforts anéantis parfois
Des actions posées par la ligue, il y a parfois des déceptions. Plusieurs injonctions anéantissent les efforts de la Ltdf. “On ne veut pas exposer tous les cas pour préserver l’intimité des victimes, mais on traite au quotidien 3 à 4 cas. Nous avions eu à mener de cas en justice et il y a un, récemment, qui est notre première victoire où la fille a obtenu justice. Elle a été mariée de force et puis on a travaillé avec le Public interestlaw center (Pilc) ensemble pour pouvoir résoudre le problème. L’affaire à traîner mais avec la participation du Pilc, nous avions eu gain de cause”, se réjouit Roukhaya Traoré. “Par contre, le cas qui nous a fendu le cœur est celui du commandant de la police qui a violé une fille. Nous avons entamé une procédure pour inculper le violeur. Pendant qu’on attendait le procès, la situation sécuritaire a tout bouleversé. Ce commandant a été relâché sous prétexte qu’on avait besoin de tous les corps disponibles pour protéger le pays”, renchérit-elle.
Actuellement, la Ltdf est une sous-section d’une association de la Ligue internationale, qui a été créée en 2018-2019. “Notre association fonctionne avec l’autorisation de la Ligue internationale. Cependant, nous menons des démarches pour avoir notre propre autorisation de fonctionner au niveau national pour être un peu plus indépendante”, renseigne la vice-présidente. Avec ce statut et partenariat, la Ltdf a réussi à organiser la marche du 21 juin 2021 avec d’autres associations. La consultation juridique en collaboration avec une association pour l’épanouissement de la femme et le Pilc, toutes deux sur le droit de protection des femmes et tout ce qui concerne les violences basées sur le genre. Pour la vice-présidente, les filles doivent retourner la situation en se battant pour occuper leur place dans la société. “Nous nous occupons des aspects socio-psychologiques. En plus, nous sommes aussi en train de faire un travail de réinsertion sociale des victimes, pour leur permettre de se prendre en charge. Nous donnons les profils des filles mères avec qui nous communiquons aux entreprises pour d’éventuels emplois. Cette activité nous attire des menaces au téléphone, sur les réseaux sociaux, mais les filles doivent accepter ce qui leur arrive et cesser de se victimiser”, conclut Roukhaya.
Nadjindo Alex