La Maison des patrimoines culturels du Tchad (Mpct) subit de plein fouet les mesures relatives à la prévention contre la Covid-19. Son coordonnateur général, Arnaud Dingamadji en parle entre grincement des dents et lueur d’espoir.
Comment évaluez-vous l’impact des mesures de prévention de la pandémie Covid-19 sur vos activités?
La Mpct qui regroupe en son sein le Musée national, la Bibliothèque nationale, le Bureau tchadien des droits d’auteur (Butdra) et le Centre national de lecture et d’animations culturelles (Cenalpac) subit de plein fouet les effets négatifs des mesures liées à la prévention contre la Covid-19. Cela se mesure à tous les niveaux de nos institutions. Au niveau du Musée national, l’interdiction de regroupement de plus 50 personnes a entraîné une chute drastique du taux de fréquentation. Le Musée n’est pas fermé, un service minimum est assuré et nous avons pris les dispositions, afin que tout visiteur qui arrive soit accueilli de manière à respecter les gestes barrières. Il en est de même de la bibliothèque nationale. Au niveau du Cenalpac, les Clac sont pratiquement fermés à l’intérieur du pays, puisqu’ils constituent les centres culturels et de loisirs par excellence. Au niveau du Butdra, c’est le comble. Nos activités consistent à envoyer des équipes chaque jour auprès des usagers, pour recouvrer les redevances des droits d’auteur. A la fin de l’année, l’argent ainsi collecté est reparti aux ayants droit, artistes membres et sociétaires du Butdra. Les droits d’auteur, c’est le salaire des artistes. La suspension des activités y compris les activités artistiques et culturelles est un coup dur. Les usagers qui versent les redevances des droits d’auteurs à savoir les bars, restaurants, hôtels, ciné-clubs, etc. sont fermés. Du coup cette année 2020, aucun sou n’est perçu. Notre système consiste à évaluer l’année écoulée au mois de janvier suivant, le mois de février est consacré à l’envoi et la distribution des courriers de notification et rappels aux usagers pour les acquittements. C’est à partir de fin mars que ceux-ci commencent par s’exécuter et en avril, on opère des descentes de terrain pour le suivi des recouvrements. Cette année, à cause de la pandémie de Covid-19, aucun usager ne s’est présenté et les caisses du Butdra sont vides. Si la pandémie devait perdurer, il est à craindre que nous finissions l’année sans recouvrement. Et nous ne pouvons pas répartir ce que nous n’avons pas collecté.
Du point de vue du manque à gagner, les autres sources de revenus de la Mpct ont également tari. Ceux qui viennent en visite au Musée national sont essentiellement des élèves qui payent 100 francs CFA chacun. Puisqu’il n’y a pas de visite, pas d’entrée d’argent non plus. Nous avons deux salles en location qui ne sont plus fréquentées, à cause de l’interdiction de regroupement de plus de 50 personnes. Nous sommes durement frappés par les effets des mesures de prévention du Covid-19. C’est tout le secteur culturel qui est sinistré à travers ses différentes expressions.
Quelles sont les stratégies que vous développez en ce moment pour faire face à cette situation et redonner de la visibilité aux activités?
Si la culture cesse d’exister, nous cessons aussi d’exister. Puisque la population ne peut pas fréquenter les lieux culturels, il faudrait que la culture aille vers elle, sous double support: médiatique et Ntic via internet. Pour le moment, nous privilégions la voie médiatique, c’est-à-dire la radio et la télévision nationales. Sous les auspices de notre ministère de tutelle, nous avons lancé un concept appelé “Culture à la maison” qui consiste à réaliser des émissions à diffuser. Nous avons déjà réalisé trois émissions à la télévision et allons enchaîner jusqu’à la fin de la pandémie. Il en sera de même à la radio, avec la première émission qui démarre ce 19 mai (Ndlr: jour de l’interview). Quand on regarde autour de nous, il n’y a pas une telle offre. Cela fait l’originalité de la Mpct. Nous sommes en train d’étudier d’autres possibilités pour utiliser tous les autres supports à notre disposition afin de véhiculer la culture tchadienne au Tchad et dans le reste du monde.
En termes de perspectives, à quoi doit-on s’attendre par rapport à l’après Covid-19?
Notre objectif est de faire de la Mpct la vitrine culturelle du Tchad. La Mpct doit être comme un phare culturel, au cœur de la ville de N’Djaména. J’espère qu’après la Covid-19, la situation va s’améliorer afin qu’on puisse avoir autant de partenariat possible et réussir à mobiliser des fonds publics pour atteindre notre objectif.
Interview réalisée par Roy Moussa