Il était parti de N’Djaména le 13 janvier pour participer à Pau, en France, au sommet des chefs d’Etat du G5 Sahel et de la France sur le terrorisme dans la bande sahélienne, avec en toile de fond la présence française de plus en plus contestée dans les pays de la sous-région sahélienne. Il est resté plus d’une semaine de plus dans la capitale française. Il n’y a eu aucune explication à ce séjour prolongé. Les fois précédentes, sa direction de la communication annonçait un “séjour privé”.
Mercredi 22 janvier, il est rentré à N’Djaména, sans trompette ni annonce sur la radio et télévision publiques. La non-tenue du conseil des ministres hebdomadaire, jeudi suivant, a mis de l’eau au moulin de la rumeur sur une hospitalisation en France.
Vendredi, on a vu le président à la télévision, accordant une audience au ministre nigérien de l’Agriculture et de l’élevage. Le lendemain, c’est le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique qu’il a reçu. Il a paru en forme.
Que faut-il savoir de la santé du chef de l’Etat? L’histoire du continent africain est pleine d’épisodes où le secret d’Etat a éclipsé la transparence, souvent jusqu’à la tombe. En Tunisie, le président Caïd Essebsi, âgé de 92 ans, a été ainsi emporté par un malaise en juin 2019. Au Ghana, le président John Atta Mills était décédé brusquement de maladie à l’âge de 68 ans. Quelques jours avant sa disparition, il s’était rendu aux Etats-Unis pour des examens médicaux qualifiés d’examens de routine.
Plus proche de nous, au Gabon, après un accident vasculaire cérébral qui l’a maintenu en Arabie Saoudite, puis au Maroc, pendant deux mois, fin 2018, le président Ali Bongo est revenu aux affaires. Le 31 décembre 2018, alors que la rumeur le donnait pour mort, il est apparu sur les écrans des télévisions publiques pour lire son message de vœux de nouvel an à ses compatriotes.
Même en France, que ce soit sous la monarchie ou la République, la santé du souverain a toujours été un sujet tabou. George Pompidou est mort en avril 1972 à 63 ans, après avoir contracté six ans plus tôt et avant son accession à la présidence de République, la maladie de Waldentröm. François Mitterrand a caché le cancer de la prostate diagnostiqué six mois avant son élection, quoiqu’il ait promis la transparence sur son état de santé. Nicolas Sarkozy avait eu un “malaise vagal”, sans suite, en juillet 2009. Emmanuel Macron avait avoué être “claqué” en octobre 2018, au point de s’octroyer trois jours de repos.
Le président Déby avait peut-être besoin de repos et il a profité du sommet de Pau pour recharger les batteries. Mais il aurait dû en informer l’opinion nationale. Ce qui aurait évité cette rumeur et cette peur qui ont gagné les Tchadiens pendant plus d’une semaine. Après tout, “le pouvoir, c’est comme une thérapie, ça maintient en vie”, disait notre célèbre confrère français Jean-Pierre Elkabbach à propos de Mitterrand.
Quelle attitude doit adopter le chef de l’Etat? Secret médical ou transparence? Pour paraphraser les propos de Macron, encore candidat au Quotidien du Médecin en avril 2017, la santé du président Déby relève de sa vie privée. Mais il est normal que les Tchadiens soient malgré tout informés, dans des proportions raisonnables, de la santé de leur chef, qui doit être en capacité de remplir sa charge.
Aux Etats-Unis, le président et les candidats rendent des comptes extrêmement précis sur leur état de santé. John McCain, candidat en 2008, avait communiqué 1 100 pages d’analyses médicales. Barack Obama avait rendu public son bilan de cholestérol et les antécédents cancéreux de ses parents et grands-parents. Aucune loi ne les y oblige, mais c’est une pratique communément admise.
Certes, le président Déby n’est pas un citoyen comme les autres, mais il doit considérer de juste pratique démocratique de répondre dans la totale transparence aux interrogations et craintes posées par ses compatriotes sur son séjour prolongé à l’étranger. L’arrestation musclée, le 24 janvier, de l’activiste Baradine Berdeï Targuio qui avait écrit deux jours plus tôt sur sa page Facebook “l’heure est à la prudence. Le président Déby serait gravement malade et hospitalisé en France”, est contreproductive. Il faut communiquer, Monsieur le Président. Quitte à dire simplement que la rumeur est fausse et que le chef a une santé de fer!
La Rédaction.