Le livre paru entre décembre 2019 et janvier 2020, est un regard critique qui interroge et s’interroge. “Après cent ans, nous n’avons pas un ouvrage en tant que tel qui présente la ville de Sarh”, justifie l’auteur, dans les trois cents pages illustrées d’anciennes photos et images.
L’auteur observe la ville de Sarh dans tous ses coins et recoins. Une vue panoramique d’une ville centenaire chargée d’histoire, de culture, d’économie et de politique. “Le premier président de la République est issu de la région, une danse (Mbilé) sara kaba a contribuée à faire émerger la culture tchadienne à l’extérieur, à la deuxième guerre mondiale pour mobiliser les troupes en soutien à la France, la ville de Sarh a été le centre de gravité, puis Brazzaville ensuite la route vers la France. Ville historique aussi parce que Rabah est passé par là pour opérer sa razzia. Il semble selon Poisson que le général De Gaulle en personne avait séjourné ou passé par Sarh. Potentiellement, la ville de Sarh regorge de ressources naturelles tout autour. Une ville située entre deux fleuves: le Bahr Kôh et le Chari, des endroits qu’il suffit juste d’aménager pour attirer les touristes. Une ville entourée des lieux touristiques, à l’exemple du parc de Manda qui a juste besoin d’être réhabilité et revalorisé. On peut aussi développer des industries qui font la fierté de la ville ou les ressusciter, à l’exemple de la Société d’industrialisation de la viande du Tchad (Sivit), de la Société textile du Tchad (Stt) devenue aujourd’hui la Nouvelle société textile du Tchad (Nstt), etc.”, affirme Sanodji N. Abiathar. Un éclairage pour les jeunes d’aujourd’hui qui ne connaissent rien de cette ville. Baptisée unanimement “ville verte”, Sarh au mois d’août est plus que verte. Elle a des atouts qui pourraient aider à mieux la faire connaître. “Comment expliquer qu’une ville qui reçoit autant de projets donc de financements ne se développe pas ?”, interroge l’auteur.
Dr Sanodji parle du vivre ensemble, en relevant que tout le monde fait semblant de s’entendre mais qu’au fond chacun est plutôt dans son coin. Le vivre ensemble pose donc un problème. Il parle des religieux, des animistes, des enfants et s’appesantit surtout sur les délégations. En province, les ministères sont représentés par des délégations dont certaines sont privilégiées par rapport à d’autres, constate-t-il, avant de relever que dans celles qui produisent des recettes, les délégués sont véhiculés, d’autres n’ont rien et certains font la misère aux sarhois. Un autre débat qu’il installe dans le livre, c’est celui de savoir si Sarh est une ville. Pour lui, c’est plutôt une ville rurale parce que chaque matin, il y voit passer une charrette, des animaux en divagation partout, etc. Or dans une ville digne de ce nom, on ne peut pas voir ces choses-là, soutient-il. Une ville selon sa perception, renvoie au secteur tertiaire, mais que Sarh est au stade primaire, parce que tout est artisanal.
La gestion de la mairie de Sarh, et son corolaire d’incohérences n’est pas perdue de vue. L’auteur révèle qu’en décembre 2019, la mairie était gérée par une commission dirigée par le gouverneur de la province qui en est le président, alors que des conseillers ont été élus et, en leur sein, forment le bureau exécutif. Sept mois après, le constat est que le personnel est encore en grève à cause de sept mois d’arriérés de salaire. Pendant ce temps, les responsables continuent de s’accuser mutuellement de détournements par les ondes des radios interposées. La patate chaude se refile sans qu’une solution ne soit trouvée. Dr Sanodji Abiathar évoque aussi l’école, compare les sujets de bac des années 70-80 à ceux de ces dernières années qui sont nettement différents, et conclut que l’université est le prolongement du lycée parce qu’on copie encore les cours. Plus grave, il se demande comment peut-on créer une université sans créer une bibliothèque de renom afin de favoriser les recherches. Et de constater aussi qu’il est impossible de faire des recherches à Sarh, puisqu’il n’y a qu’une seule bibliothèque privée au centre Don Bosco qui est plutôt scolaire et non universitaire. Il lâche que ce n’est pas la peine de créer des structures politiquement, si les conditions ne sont pas réunies.
Quelques aspects développés dans le livre pour permettre à celui qui ne connaît pas Sarh de mieux la découvrir et celui qui l’a connaît de la redécouvrir en parcourant l’ouvrage. “Je le dévoile un peu mais il faut aller dans le livre pour le découvrir. Pour une fois, un (premier) ouvrage le plus volumineux sur la ville de Sarh est disponible, et dans lequel on peut y puiser des éléments pour bâtir quelque chose. Ce qui m’intéresse, ce sont les points de vue”, dit-il. Un livre qu’il dédie aux sarhois et souhaite qu’ils se l’approprient.
Roy Moussa