Près de 1000 élèves de différents établissements scolaires de la capitale prennent d’assaut le centre culturel Koulsy Lamko, à l’approche des examens, notamment le baccalauréat, pour réviser les cours et se préparer. A l’initiative, se trouve Ngangnodji Jean Kévin alias Hadre Dounia, humoriste, producteur et promoteur du centre.
Situé au quartier Habena dans le 7ème arrondissement, sur l’axe qui mène de l’hôtel Mirande à la grande voie qui prolonge le rond point gazelle, le centre est visible par son enseigne sur lequel est écrit à côté de l’image de Koulsy Lamko, le célèbre écrivain tchadien qui vit au Mexique : “cours de soutien aux élèves des terminales et initiation à l’informatique. Du lundi à samedi. Inscription gratuite”.
Dès que le seuil d’entrée est franchi : surprise ! Le nombre des élèves (filles et garçons), installés sous le hangar impressionne. Avec attention, ils suivent les explications des encadreurs, à travers un micro amplifié. Ils sont pour la plupart des élèves de classe terminale A4 (258 garçons et 183 filles). La salle de répétition, aménagée en salle de cours, reçoit les candidats des séries C et D (86 garçons et 58 filles). Une salle est attribuée aux élèves des séries G1 et G2 (105 filles et 62 garçons). Dans deux autres salles où s’apprend l’informatique, on dénombre 135 garçons et 77 filles. Au total, 964 élèves s’affichent sur la liste des inscrits au centre Koulsy Lamko. L’inscription se fait gratuitement. C’est une opportunité pour de nombreux élèves, qui manquent d’argent pour s’offrir un répétiteur à domicile.
Ces jeunes gens viennent de différents quartiers: Atrone, Walia, Klessoum, Boutalbagar, Moursal, Diguel, Dingangali, etc. “Quand le responsable du centre est venu me voir pour dire qu’il y a des élèves qui ont besoin d’encadrement pour préparer leur baccalauréat, j’ai accepté volontiers de venir les aider. Et je suis surpris de trouver des élèves déterminés ayant l’envie de travailler”, observe le professeur de philosophie, Amadou. “Notre travail consiste à les accompagner dans ce qu’ils font. Ils viennent avec des exercices qu’ils ont essayés de traiter et ensemble nous les retraitons, pour nous assurer qu’ils ont compris. Ce sont des révisions devant nous permettre de les éclairer et les aider à bien comprendre les cours qu’ils ont déjà suivis”, poursuit-t-il. “Ce projet d’aider les enfants gratuitement m’a beaucoup intéressé. On remarque dans certains établissements que les élèves n’ont pas pu finir les programmes. Nous essayons de combler ce vide, en les accompagnant, à réviser leurs cours et à traiter les exercices”, renchérit son collègue, professeur licencié de mathématiques, Abakar Ali.
De l’artistique à l’éducation et au social
Hadre Dounia, l’initiateur de ce programme, explique sa démarche par une initiative prise depuis quatre années. La compagnie Hadre Dounia a préféré ne pas médiatiser cette activité. A cause de l’étroitesse de son espace, mais aussi beaucoup plus par crainte d’être débordée par le nombre de candidats. Manifestement, il se pose des problèmes d’accessoires, des difficultés matérielles à photocopier les cours à distribuer aux élèves, à disposer des ordinateurs et imprimantes pour renforcer les salles de formation informatique, de connexion internet pour les recherches, d’éclairage (panneau solaire ou groupe électrogène). La révision des cours dure trois mois.
Hadre Dounia rappelle qu’en 2000, il a produit un premier album d’humour sur le système éducatif tchadien, qui a dénoncé la baisse de niveau. En 2003, le second album a mis un accent particulier sur la mauvaise manière dont le programme scolaire est dispensé. Personne n’y a prêté attention. Bien plus, son 3ème album a été consacré à la renaissance de l’école. Là, il s’est agi d’attirer l’attention des décideurs sur la prolifération des établissements scolaires privés. Et là encore, personne n’a daigné s’en soucier, bien que les supports aient été remis au ministère de l’Education nationale. “Nous avons fini par comprendre que lorsque vous entreprenez un projet pertinent pour la société, on ne vous prend pas en compte”, dit-il déçu.
La responsabilité sociale de l’artiste
En plus des cours de révision, le centre organise la colonie des vacances, aide également les enfants de la rue, les filles de joie qui viennent demander assistance, à s’organiser pour se prendre en charge. Le centre abat un travail énorme, mais il ne bénéficie d’aucun appui. Chaque année, la compagnie met de côté une partie des ressources générées par les activités artistiques et culturelles, pour appuyer celles d’éducation scolaire et sociale. “Tout cela, c’est aussi de la responsabilité de l’artiste. Parce que les gens pensent que les artistes sont des bons à rien, alors qu’on peut très valablement apporter notre contribution pour développer la société. Si on nous tendait la main, on peut faire encore mieux”, plaide Hadre Dounia.
Roy Moussa