Le Conor veut-il jongler au football ?

Le Comité de normalisation (Conor) de la Fédération tchadienne de football association (Ftfa) a restitué du 4 au 5 septembre 2023, les travaux des consultations organisés avec les acteurs du football, répartis en quatre zones, notamment Moundou, Mongo, Abéché et N’Djaména.

Loin de faire le consensus sur le projet de texte révisé en cours, et qui doit être validé lors d’une assemblée générale, ce sont plutôt des avis divergents qui se sont dégagés. Ils sont relatifs aux points clés que le Conor a choisis de rendre publics. Il s’agit du processus électoral (candidatures, conditions d’éligibilité, incompatibilités, etc.). Ce processus électoral est le point d’achoppement qui a occasionné la suspension du bureau sortant de la Fédération et la mise en place d’un Comité de gestion, puis finalement d’un Comité de normalisation. Ce choix obéit-il à une stratégie ou à un agenda caché, beaucoup pensent ainsi mais le disent du bout des lèvres. Me Jacqueline Moudéïna, la présidente du Conor, avait souligné à l’ouverture. “Vous avez parlé à cœur ouvert, donné le meilleur de vous-mêmes, pour proposer des recommandations, dans le souci de réparer ce qui n’a pas marché dans notre football. Nous avons pris en compte vos observations et recommandations à la lettre que nous avons transmis à la Fifa. Mais notre mission est de travailler suivant le canevas recommandé par la Caf/Fifa, ce que nous avons observé”, justifie-t-elle la démarche.

Non, répond Abakar Hunwanu, le président de l’association Sauvons notre football. “Au départ, le Conor a fait une consultation sur l’ensemble des 23 ligues réparties dans quatre zones. Tous nos avis ont été recueillis après sondage. 70% des acteurs ont opté pour une élection uninominale. Ce qui nous a été présentés. Maintenant à la restitution, nous nous rendons compte que le Conor n’a pas pris cela en compte. Aucun texte de la Fifa ou de la Caf nous a été présenté, qui recommande le mode de scrutin par liste comme l’annonce le Conor. Si tel était le cas on n’avait pas besoin de consultation, mais on se référait aux textes des instances internationales simplement pour les appliquer. Cela veut dire qu’on n’a pas pris en compte les aspirations des acteurs du football tchadien”. Il ajoute que le Conor promet intégrer cela lors de l’assemblée générale, alors que tous les acteurs n’y seront pas représentés. A ce niveau, le Conor n’a pas dévoilé le collège électoral, personne ne sait encore qui va prendre part à l’assemblée générale, les critères d’éligibilité, etc. Tous les acteurs sont donc dans l’expectative et s’interrogent sur le bien-fondé de cette façon de faire du Conor. Puisque le Conor est une structure de normalisation, un des acteurs suggère qu’il faut intégrer à l’Ag les membres extra qualité en sus des 23 ligues pour aller vers une validation consensuelle des textes révisés. Aucun acteur participant ne détient les textes révisés que le Conor promet mettre à la disposition de chacun 15 jours avant l’Ag pour son adoption, et ce sera au futur bureau exécutif de prendre en compte les observations. C’est ce que redoutent grandement certains. Pour Abakar Hunwanu, l’issue est connue d’avance. “Si nous les 70% des acteurs, qui avons opté pour le mode de scrutin uninominale, sommes membres de l’assemblée générale. Nous n’allons pas voter le mode de scrutin par liste que tente de nous imposer le Conor”. Il révèle que Me Happi Dieudonné, consultant de la Fifa et vice-président de la Commission de gouvernance de la Caf, venu accompagner le Conor dans sa mission, avait opté pour l’élection uninominale, lorsqu’il était président du Conor au Cameroun. Cela avait permis de décanter les problèmes.

De révélation en révélation, l’on apprend que le Tchad a 23 ligues de football, dont seuls cinq sont opérationnelles. Les exigences de la Caf et Fifa de nos jours, dit-on, sont qu’un club doit avoir un stade homologué par la Caf et la Fifa, un terrain d’entraînement, un bus, des techniciens de haut niveau, des joueurs aux salaires bancarisés, déclarés à la Cnps, etc. Ces dispositions sont-elles intégrées dans les nouveaux textes ? Là encore, force est de reconnaître et d’admettre qu’on est loin des réalités footballistiques tchadiennes.

Pour Adjib Koulamallah ancien président de la Ftfa, la question de la gouvernance se pose en termes d’inquiétude puisque le Conor a préféré se taire, sur la question du collège électoral, quand est-ce qu’il sera convoqué, est-ce que la liste sera affichée ? etc. Il en est de même du mécanisme juridique à mettre en place pour le contrôle des élections, bref les conditions d’une élection transparente, ainsi que d’un système de contrôle financier indépendant, au-delà des commissions finances et audit/conformité que le Conor entend mettre en place. L’opacité dans la gestion financière a démontré dans le passé qu’un tel dispositif de contrôle financier s’avère très indispensable. Ce dont les membres du Conor ont promis prendre en compte.

 

Exit le Conor

Un des points clés qui va vers un dénouement, c’est le critère pour être membre du bureau exécutif de la Fédération dont un pan de voile a été levé. Les membres du gouvernement et du cabinet de la présidence sont d’office écartés, ainsi que “les membres du Conor ne peuvent pas être candidats aux postes de membre de la fédération”, affirme le consultant de la Fifa, Me Happi Dieudonné. Ce qui a semblé rassurer le président du club Foullah Ibrahim Laouna. Celui-ci attend d’être convaincu, car il soupçonne des velléités de la part “d’intrus dans le monde du football”, qu’il faut surveiller comme du lait sur le feu.

Roy Moussa