Placée sous le thème : “donner son sang, un acte de solidarité. Rejoignez le mouvement et sauvez des vies”, l’édition 2022 de la journée mondiale des donneurs du sang sera célébré le 30 juin ici au Tchad. Le directeur du Centre national de transfusion sanguine (Cnts), Dr Mbanga Djimadoum, revient sur l’historique du Centre et ses difficultés.
La transfusion sanguine a été introduite de manière officielle au Tchad, par la création d’une banque de sang en 1972 à l’hôpital central de l’époque, l’actuel hôpital général de référence nationale (Hgrn). La banque de sang gérait tout ce qui est transfusion de sang. En 1996, après la Conférence nationale souveraine, le parlement provisoire qui a été mis en place, a adopté une loi qui est promulguée par le chef de l’Etat. Cette loi crée le Centre national de transfusion sanguine. A l’époque, il n’y avait pas de ressources, surtout financières pour faire fonctionner un tel centre. Il a fallu attendre jusqu’en 2009 à l’ère pétrolière pour que le décret qui a été pris en 2000 portant statut du Centre national de transfusion sanguine soit effectivement mis en exécution par la nomination d’un directeur et d’une directrice adjointe et en même temps par l’octroi d’une subvention.
Quelle est l’importance de la célébration de la journée du donneur du sang et sa particularité ici au Tchad ?
C’est en 2000 que l’Organisation mondiale de la santé (Oms), a institué cette journée du 14 juin comme date anniversaire du scientifique autrichien Karl Landsteiner qui a découvert l’existence des groupes sanguins en mettant en évidence le système ABO et qui a permis de faire les transfusions sanguines sans danger. Et nous célébrons cette journée qui est appelée tantôt journée mondiale du don du sang ou journée mondiale des donneurs.
Cette journée a pour objectif de remercier d’abord les hommes et les femmes qui ont accompli le geste du don du sang ayant permis de sauver d’autres personnes comme eux-mêmes ; et d’autre part, de profiter de cette journée pour sensibiliser ceux qui jusque-là n’ont jamais donner du sang ou qui n’ont pas compris le sens du don du sang. Ceci pour qu’ils deviennent des donneurs. Ce qui permettra au Cnts d’accroître le nombre de don parce qu’au fil des années, nous avons l’impression que le besoin augmente.
Quelle particularité revêt la célébration de cette année ?
Il n’y a pas de particularité parce que vous vous souviendrez qu’en 2015, le Tchad a été frappé de plein fouet par la crise économique due à la mévente du pétrole. Il y avait eu chute du baril sur le marché mondial. Cela a affecté le ministère de la Santé et également le Cnts. Notre subvention qui dépendait essentiellement du budget du pétrole, a chuté de manière drastique et cela a fait que depuis 2016, nous n’avons plus célébré la journée mondiale du don du sang. S’il y a particularité, c’est par ce que cette année nous avons décidé de reprendre avec nos activités stoppées à cause de la subvention. Et comme le thème le définit, l’Oms a demandé à tout le monde de rejoindre le mouvement, de s’engager parce qu’on se rend compte qu’il y a une croissance démographique. Mais parallèlement, il y a une chute de don à travers le monde et donc il faut plus sensibiliser, pour recruter plus de donneurs afin de faire face à la demande. Il faut aussi notifier qu’avant c’est le Cnts seul qui l’organise mais cette année, nous avons essayé d’élargir en incluant les associations des donneurs de sang, la Croix-rouge qui, au niveau mondial, œuvre également dans ce sens. Et au lieu de célébrer la journée le 14, nous l’avons repoussée jusqu’au 30 juin.
Quelles statistiques peut-on faire du don du sang au Tchad par rapport à l’offre et la demande ?
Les statistiques du don du sang au Tchad sont désastreuses depuis quelques années pour deux raisons : la première est que l’Oms recommande que si 1% ou 2% de la population donne du sang, c’est largement suffisant pour couvrir le besoin. Mais prenons la population du Tchad en partant du recensement de 2009 en faisant de projection, nous sommes presqu’à 17 millions d’habitants alors si nous prenons 1% nous aurons 170 mille poches pour couvrir le besoin. Or en fin 2021 par exemple, nous avons recueilli sur l’ensemble du territoire 103 657 poches et si nous faisons la soustraction de ce qui manque, c’est à peu près 66 343 poches, alors c’est un gap énorme.
La deuxième raison est que sur les 103 657 poches, il y a environ 7% des volontaires qui ont donné au niveau du Cnts de N’Djaména. Si nous répartissons ces 7% sur l’ensemble du territoire, cela nous ramène à environ 2% ; or l’Oms recommande 80% du don volontaire pour pouvoir produire du sang sûr.
En 2015 quand nous avons encore les reliquats de la subvention nous étions autour de 27% pour la ville de N’Djaména et 7% sur l’ensemble du territoire et après cela nous n’avons fait que chuter jusqu’à 2%.
Qui peut donner du sang et pourquoi la population est réticente pour faire cet acte humanitaire ?
Les personnes de deux sexes âgés de 17 à 65 ans en bon état de santé, peuvent donner leur sang et cela est sans danger. Quand vous venez par exemple au Cnts pour faire le don du sang, l’échange de l’état de santé, et le prélèvement fait, permettent de savoir si le volontaire peut faire le don ou pas. La quantité du sang prélevée ne devrait pas vous nuire parce qu’il va de 350 à 450 ml ou bien 250 ml pour les enfants donc cela est sans danger.
Parlant de la réticence de la population, le constat que nous faisons ce dernier moment se résume plus à l’incivisme. Les gens ne sont plus humanistes vis-à-vis de leurs semblables. Pourtant, le don du sang est un acte de générosité, de solidarité et d’amour du prochain. Malheureusement, tout ce que nous voyons ce dernier temps, nous montre qu’il n’y a pas de solidarité ni de générosité entre les Tchadiens. On ne peut pas s’attendre à un afflux massif des donneurs volontaires. Bon nombre de citoyens ne viennent que quand un de leur communauté ou famille est dans le besoin du sang. Il faut aussi savoir que malgré l’évolution de la science et de la technologie, nous sommes loin d’avoir du sang fabriqué de manière industriel et vendu dans les hôpitaux ou les pharmacies. C’est pourquoi, nous lançons un appel aux hommes et aux femmes pour qu’ils donnent leur sang pour sauver d’autres personnes parce que pour le moment, il n’y a pas d’autres alternatives en ce qui concerne le don du sang.
Je voudrais aussi relever un fait : souvent les gens disent qu’ils viennent donner du sang mais quand ils sont dans le besoin, ils n’en trouvent pas. La réponse est simple les statistiques signalées ci-haut disent qu’il y a un gap par rapport à la demande et l’offre, et c’est pourquoi même si vous donnez votre sang et que vous revenez quelques minutes après, nous ne pouvons malheureusement pas vous en trouver parce qu’une demande en instance l’aurait déjà pris.
A part le Cnts, est-ce que le Tchad dispose d’autres centres sur l’ensemble du pays ?
Le Cnts est un Centre national mais, en principe et selon les textes, nous devrions avoir des banques du sang dans les centres provinciaux. Malheureusement, pour des questions de ressource, nous ne l’avons pas encore à l’intérieur du pays mais néanmoins dans les hôpitaux, ce sont les laboratoires qui jouent provisoirement ce rôle. Le Cnts met à leur disposition le nécessaire pour la bonne marche et de leurs côtés, ils nous font des rapports chaque année et après compilation, nous avons un rapport national qui nous donne les statistiques.
Comment faites-vous pour assurer les prélèvements en marge de la préparation de la journée mondiale que le Tchad compte célébrer le 30 juin ?
Pour la commémoration de la journée du 30 juin, nous avons décentralisé les centres pour faciliter le prélèvement. Nous avons retenu le Centre hospitalo-universitaire le bon Samaritain de Walia, l’hôpital de l’Amitié Tchad-Chine et le Cnts. Ces centres ont une capacité de conservation de sang mais au cas où ils sont débordés, ils peuvent nous les renvoyer au Cnts parce qu’on dispose d’une grande capacité de conservation et de dépistage.
Interview réalisée par
Modeh Boy Tresor
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.