Le duel entre majorité et opposition se poursuit

Certains auraient voulu qu’en cette période de transition, l’on ne parle plus de l’opposition ou de la majorité. Mais dans les débats, ce duel apparaît toujours. La preuve la plus récente est celle du 14 mai au Palais de la Démocratie, lors de la validation du programme politique du gouvernement de transition.

Pahimi Padacket Albert (Ppa) a défendu le programme politique de son gouvernement de transition devant les députés de la 3ème législature, dont le mandat n’a fait que se prolonger jusqu’à ce que le décès du président de la République mette fin au fonctionnement constitutionnel de la République, suite à l’accaparement du pouvoir par un groupe de militaires. Là encore, le rallonge leur est accordé par la junte jusqu’à ce que soit mis en place, un Conseil national de transition.

Ce 14 mai, les députés ont été appelés à l’hémicycle pour apprécier le programme du gouvernement de transition présidé par Ppa. Les parlementaires n’ont pas changé leurs habitudes d’avant le décès du président de la République. Les opposants se sont évertués à critiquer le programme politique du gouvernement de transition. Mais comme toujours, les députés de la majorité (Mouvement patriotique du salut et partis alliés) se sont rangés du côté du gouvernement de transition pour le défendre becs et ongles.

Le ton a été donné par Nobo Djibo, un des rares députés alliés à la majorité présidentielle qui a tenu à dire ses vérités à Ppa, Premier ministre de transition. Pour lui, le programme du gouvernement de transition est trop large. “Il faut prioriser l’organisation d’un dialogue inclusif, afin de créer des conditions optimales à l’organisation des élections. Aucun tchadien ne va l’incriminer si en 18 mois, le gouvernement ne construit pas de route, de goudron et des centres de santé. Allons à l’essentiel”, suggère Nobo Djibo. Il est rejoint dans ce sens par Saleh Kebzabo. “On a besoin d’un gouvernement qui va gérer le strict minimum. Votre objectif principal est d’emmener le Tchad à des élections transparentes. Il faut que la disparition tragique du président Idriss Déby Itno serve à quelque chose pour notre pays. Dialoguer avec tous les tchadiens. Il faut que les textes de transition disent sans ambages que les marches pacifiques sont autorisées. Le Tchad fait l’objet de pression, c’est dans notre unité seulement qu’on peut faire face à tous les problèmes et accepter d’aller vers des objectifs communs”. Avant de faire cette proposition, Saleh Kebzabo a rappelé que la suspension de certaines institutions de la République par les militaires ne fait que perdre du temps au Tchad. Le député de l’Undr propose que l’Assemblée nationale disparaisse pour laisser les militaires gérer par ordonnance, même si pour lui, l’ère des coups d’Etat est déjà révolue. Ce qui l’amène à qualifier la situation que traverse actuellement le Tchad “d’unique et inique”, parce que, ceux qui ont assisté les militaires dans leurs premières heures ne les ont pas aidés. Le député Madtoingué Benelngar, lui aussi parle d’un programme “très ambitieux, fait des belles lettres”, avant de prendre le Premier ministre aux mots. “Il s’est appesanti maintes fois sur la paix. A-t-on posé les jalons pour une paix durable ? Si nous ne nous parlons pas franchement, mais ne tenir que des propos qui vont faire plaisir à l’autre, nous ne pourrons pas sortir notre pays de l’ornière”, estime-t-il, faisant allusion aux divisions basées sur la religion et la promotion de la médiocrité dans l’Administration publique. Il tient surtout à ce que les membres du gouvernement et du Conseil militaire de transition (Cmt) ne soient pas candidats à la prochaine élection. “Vous ne pouvez pas être juge et parti”, enjoint-il. Le député Tolkem Bertin lui, exige que le Premier ministre laisse la main libre au ministre de la Justice, s’il veut réconcilier les tchadiens pendant la période de transition.

 

La solidarité des “Mpsistes”

Vers la fin de la discussion générale, les députés de l’ancienne majorité se sont relayés tour à tour pour défendre le programme du gouvernement. Ils attaquent les arguments avancés par les députés de l’opposition. Le programme du gouvernement de transition de Pahimi qui est quasiment la continuité du programme de l’ancien système, a réveillé les anciens réflexes des députés de la majorité. “Le maréchal nous a laissé des acquis de la démocratie et de la cohabitation, etc. Préservons-les”, suggère, le député Abakar Acheik avant de féliciter les forces de l’ordre d’avoir “déjoué le plan machiavélique de Wakit tama”. A sa suite, Ali Kolotou Tchaimi, président du groupe parlementaire Mps, s’est défoulé sur les marcheurs. “Marcher pour faire quoi ? le gouvernement est disposé à dialoguer avec tout le monde. Leurs leaders doivent s’approcher du gouvernement au lieu de sortir dans la rue avec les machettes et autres”. Pour la cohabitation pacifique, il exhorte le gouvernement à préserver la journée de la prière et de la paix de la plateforme interconfessionnelle. Moussa Kadam, premier vice-président de l’Assemblée nationale, accuse les hommes politiques de manipuler les jeunes pour leurs intérêts. Sur la composition du gouvernement de transition, il ironise. “Dans une équipe de danseurs, si deux ou trois personnes dansent mal, ça casse le rythme de la danse. Il faut une équipe soudée, en accord parfait avec le Cmt pour contribuer à redresser le pays”. Cela semble une fléchette envoyée au ministre de la Justice qui est de l’opposition et qui semble favorable aux marches pacifiques.

Certains députés ont tenu également à répondre à ceux qui ont estimé que le programme du gouvernement de transition est beaucoup trop large. Pour Laouhingamaye Jacques, “il faut voir grand. A voir le programme, tout est là. Ils peuvent se rectifier au fur et à mesure”. Biouh Pabammé Dallah trouve que les critiques sont sévères et attend voir le maçon au pied du mur. “On ne peut pas juger un enfant qui n’a pas encore commencé à travailler. Laissons le temps au temps. Va-t-on envoyer Jésus-Christ diriger ce pays !”, s’exclame-t-il.

Lanka Daba Armel