Au début du mois de mai, un compatriote a lancé un appel à l’aide pour sauver l’Unité Nutritionnelle thérapeutique (Unt) de Mondo dans la province du Kanem, qui enregistre de plus en plus des cas de malnutrition. Il a fait état d’un bilan de plus de 9 décès en 1 mois et 40 enfants en charge à ce jour.
Selon le Fonds des nations unies pour l’enfance (Unicef), la question de la malnutrition infantile est un des grands défis sanitaires auquel le Tchad doit faire face. Les cas enregistrés par l’Unité thérapeutique de Mondo en sont des exemples parmi tant d’autres.
Selon les informations reçues, le programme de prise en charge de la malnutrition fait face à des défis, notamment la faible capacité opérationnelle des centres de santé avec une insuffisance en ressources humaines qualifiées, en matériels et en équipements. Pour faire face à cette situation, certaines Organisations non gouvernementales (Ong) appuient directement la mise en œuvre des activités dans les centres de santé. C’est le cas de l’Unt de Mondo dans le Kanem où conformément à son plan de retrait préalablement discuté avec la Délégation sanitaire de cette province, l’Ong qui y intervenait s’est retirée en fin mars 2022. Cependant, informe l’équipe de l’Unicef, l’Unt de Mondo continue de bénéficier de l’appui de l’agence notamment en intrants nutritionnels et médicaments pour son fonctionnement. “Une évaluation conduite par le gouvernement et l’Unicef dans ladite Unt montre qu’il n’y a pas de détérioration dans la qualité de la prise en charge des enfants malnutris. Toutefois, l’Unicef compte poursuivre son appui en ressources humaines qualifiées pour assurer le fonctionnement de l’Unt en attendant une solution durable en partenariat avec les autorités sanitaires”.
En revanche, d’après les études les plus récentes (enquête nutritionnelle de 2021 menée par le ministère de la Santé publique et de la solidarité nationale avec l’appui de l’Unicef et du PAM), les niveaux de malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans restent préoccupants : la malnutrition chronique est à 30,5%, la malnutrition aiguë globale, 10,9% et celle dite aiguë sévère s’élève à 2% sur l’étendue du territoire.
Au regard de ces chiffres, le taux de malnutrition aiguë globale a atteint et excédé le seuil préoccupant de 10% dans 16 des 23 provinces du Tchad, parmi lesquelles 7 sont dans une situation critique. Il s’agit du Batha, du Barh El Gazal, du Salamat, de l’Ennedi Est, de l’Ennedi Ouest, du Wadi Fira et du Kanem.
Les causes de la malnutrition au Tchad
Pour l’équipe de l’Unicef, les causes immédiates de la malnutrition sont une alimentation insuffisante et/ou non diversifiée et les maladies de l’enfant. Les jeunes enfants sont plus affectés. Ainsi, une alimentation non optimale dans cette période, réduit leur capacité de résistance aux infections. L’allaitement maternel exclusif chez les enfants de moins de 6 mois a connu une baisse régulière au niveau national où l’on a récapitulé 17,7% en 2018, 16,4% en 2020 et 11,4% en 2021. “L’analyse des données de l’enquête nationale de 2021 montre donc que, l’allaitement associé à l’administration d’eau est pratiqué par 43,1% des femmes tandis que l’allaitement plus eau et/ou autres liquides non lactés sont pratiqués par 64,8% des femmes. Ainsi, l’élimination de ces pratiques devrait améliorer le taux d’allaitement exclusif. En effet l’amélioration de la mise au sein précoce et du taux d’allaitement exclusif pourrait contribuer à la réduction de la mortalité infantile en lien avec les actions du secteur de la santé”, précise l’Unicef. Cependant, renchérit-il, l’indicateur de diversité alimentaire chez les enfants âgés de 6 à 23 mois est passé de 7,3 % en 2018 à 14,5 % en 2021. L’accès aux œufs, aux poissons, à la viande, aux légumes et fruits riches en nutriments représente le facteur limitant pour améliorer la diversité alimentaire.
“Les causes sous-jacentes de la malnutrition intègrent, l’insécurité alimentaire, le faible accès aux soins de santé, le faible accès à l’eau potable et à l’assainissement, la récurrence des épidémies, notamment la rougeole, qui sévit depuis mai 2018, le choléra, et les maladies telles que le paludisme et les infections respiratoires qui diminuent significativement les capacités de l’enfant à s’alimenter” informe l’Unicef tout en interpellant qu’aux éléments susmentionnés, s’ajoute le fait que l’investissement dans la prévention de la malnutrition reste insuffisant.
Contribution de l’Unicef
Pour l’année 2022, le Fonds des nations unies pour l’enfance estime que plus de 340 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère (Mas) auront besoin d’un traitement. Dans le cadre de la réponse humanitaire, il prévoit d’apporter un appui à la prise en charge nutritionnelle à plus de 275 000 enfants dans les provinces prioritaires du Tchad en appui aux efforts du gouvernement.
Cet appui est possible grâce au soutien de différents donateurs, en particulier les Etats-Unis d’Amérique, le Royaume Uni, l’Union européenne à travers ECHO, ainsi que les gouvernements Canadien et Japonais. “L’appui se traduit par l’achat et la distribution d’intrants nutritionnels (tels que les plumpy nut, les laits thérapeutiques) et des médicaments dans les différentes unités nutritionnelles ; le renforcement des capacités des agents de santé pour la prise en charge des cas de malnutrition aiguë sévère ; la collecte et le traitement des données nutritionnelles et la coordination des interventions”, promet l’Unicef tout en précisant qu’à ce jour, les fonds mobilisés ne permettent pas encore de couvrir tous les besoins de la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère.
Au regard de l’insécurité alimentaire que traverse le pays, la situation nutritionnelle pourrait se dégrader dans la période de soudure avec une augmentation des cas de malnutrition sévère chez les enfants de bas âge dans les différentes provinces affectées y compris le Kanem. L’Unicef dit poursuivre son plaidoyer pour la mobilisation de ressources afin de pouvoir combler le gap et assurer un accès aux soins de qualité aux enfants en besoin.
Minnamou Djobsou Ezéchiel