Israël Mardaye et Hourtou Marlyse sont les deux représentants du Tchad au tir à l’arc, aux Jeux olympiques (Jo) de juillet prochain à Tokyo. A trois mois des Jo, ils ont bien voulu revenir sur leurs parcours.
Tous les deux ont commencé le tir à l’arc en 2008 et flirtent aujourd’hui avec les sommets.
Hourtou Marlyse est formel. “J’aime beaucoup le tir à l’arc que je pratiquais au début tous les après-midi pendant une trentaine de minutes, une fois rentrée de l’école, en tirant quatre à cinq flèches. Cela suffisait pour me rendre heureuse”, confie-t-elle. En 2014, elle participe à sa première compétition internationale à Abidjan. Elle se rappelle que c’était difficile. Finalement, mue par la volonté, elle finit deuxième de la compétition. En 2015, toujours à Abidjan, cette fois-ci avec l’expérience acquise, elle occupe deux fois la première place. Puis, elle participe à plusieurs autres compétitions. Elle demeure parmi les meilleures du continent et obtient la bourse de la solidarité olympique, en 2018, pour une formation au centre mondial de tir à l’arc à Lausanne (Suisse). Un haut lieu de sport d’où elle conserve des souvenirs vivaces. “Là-bas, j’ai reçu une autre formation de niveau supérieur et très intense. J’ai beaucoup appris au centre pendant les deux ans (2018 à 2020). Mon entraîneur, un Coréen et le directeur du centre, m’ont formée à zéro sans tenir compte de mes compétences antérieures. C’est comme si je n’avais jamais touché à l’arc un jour. C’est ce qui m’a permis de m’améliorer et de réaliser des scores que je ne faisais pas avant dans les compétitions en Afrique. En Afrique, je tournais à 500 quelques points sans jamais parvenir à 600”. Pendant qu’elle était pensionnaire au centre de formation en Suisse, elle a participé, en 2019, au championnat du monde du tir à l’arc en Hollande (Pays-Bas). Une étape inoubliable dans sa jeune carrière, et qui continue toujours de la marquer. Elle a réalisé un score qu’elle n’avait jamais atteint, et qui l’a rendue populaire : 623 points ! Ce qui a fait d’elle la première fille africaine à avoir réalisé ce score. La moyenne se situe entre 600 et 610 points, selon elle. Maintenant, Marlyse affirme nager à 600 points sans atteindre ce score de 623. Elle confie qu’elle devait continuer sa formation helvétique, mais, vu la situation de la Covid-19, le centre était fermé et elle ne vivait qu’à l’intérieur, dans un vrai confinement total, qui était difficile à supporter. C’est pourquoi, elle a préféré rentrer, parce qu’ici au moins, elle peut de temps en temps aller s’entraîner, dit-elle.
Israël Madaye
Il a participé à plusieurs compétitions sous-régionales. Sa première participation à une compétition internationale remonte en 2012, à Rabah (Maroc). Cela, grâce à une bourse de la solidarité olympique. Il a bénéficié de la bienveillance du directeur du développement des sports, lors d’un stage marocain. “C’est ce monsieur qui nous a vraiment aidés à devenir ce que nous sommes aujourd’hui. C’est aussi lui qui nous a offert son matériel. Nous sommes arrivés à Rabah moi, avec deux flèches, et le capitaine Osée, avec trois. Or pour participer aux compétitions, il faut avoir individuellement au moins six flèches. Ce que nous ne savions pas. C’est ce directeur qui nous a commandé chacun douze flèches en France avec ses propres fonds. Nous avons reçu ces flèches à la veille des compétitions, sans les tester. Le lendemain, c’était ma première fois de réaliser 205 points au premier round et au 2ème, j’ai fait 197 points, ce qui me fait un cumul de 400 quelques points. Voilà pour ce qui est de ma première participation à un grand championnat d’Afrique”, se souvient-il. En 2013, lors d’une compétition à Niamey (Niger), il rentre avec deux médailles (or et argent). Pour la petite histoire, il raconte qu’au retour par un vol de 21 h, il est surpris qu’à la descente de l’avion, le tarmac soit bondé de véhicules avec les doubles clignotants allumés. Il s’est enquis si le chef de l’Etat voyageait et on lui répond non. C’était plutôt un accueil qui leur est réservé, à la vue du ministre et des autres. Ce qui le surprend beaucoup au point où il arrive à cette réflexion : “on travaille dans des conditions très difficiles, sans matériels professionnels adaptés. Des fois, pour voyager, il est invoqué le manque d’argent, mais quand on gagne des médailles, tout le monde est là pour nous accueillir”, constate-t-il.
Israël Madaye a participé à plusieurs autres compétitions, notamment le championnat d’Afrique, les compétitions sous-régionales, jusqu’en 2019, aux jeux africains de Rabah (Maroc). “Au début, c’était difficile, parce qu’on ne savait pas comment régler un arc, ni pourquoi quand on tire, ça tombe tantôt à gauche ou à droite, ou bien quelquefois, ça passe en haut. Alors qu’il y avait un vrai problème de réglage”. Israël affirme qu’il s’entraîne de temps à autre avec Marlyse, au regard de son expérience et du travail de transmission qu’elle fait. “Je me suis battu pour me qualifier pour les jeux et je cherche à obtenir les quelques points restants”.
Ce qui est difficile au tir à l’arc ?
Rien n’est facile, admettent les deux archers tchadiens. Israël conseille qu’il faut être physiquement fort, beaucoup s’entraîner et le reste viendra avec le mental. Mais aussi, participer à plusieurs compétitions, pour ne trembler devant aucun adversaire et lier le mental à la physique. Marlyse ajoute que c’est un sport très compliqué. Lorsqu’on n’est pas au top de sa forme, ni mentalement tranquille et moralement perturbé, cela joue sur les tirs, prévient-elle, et ajoute qu’il y a aussi les conditions météorologiques.
Abdou Zackaria Bessengué, l’entraîneur national, informe que depuis 2016, le Tchad a comptabilisé 22 archers dans l’équipe nationale, qui ont participé aux différentes compétitions. Mais le plus souvent, les problèmes se posent au niveau matériel, à chaque fois qu’il faut voyager avec deux équipes (3 filles et 3 garçons).
Pour Colomb Nguélé, le président de la Fédération tchadienne du tir à l’arc, “nos archers doivent représenter un grand pays qui est le Tchad, faire valoir le tricolore, et si possible faire retentir l’hymne national autant de fois. Et pour cela, il faut qu’un certain nombre de conditions soient réunies pour se préparer. Avoir surtout des moyens matériels, financiers et techniques, vu que les ressources humaines sont déjà là. Nos deux archers sont là et prêts. A maintes reprises, nous avons adressé des correspondances à notre ministère de tutelle, afin d’élaborer ensemble un planning de préparation pour nos deux archers. L’objectif, que nous recherchons, c’est de ramener des médailles, nous inscrire dans les annales olympiques du tir à l’arc et marquer ainsi l’histoire du Tchad. C’est une grande première pour notre pays et nous devons sincèrement avoir une bonne préparation, afin de représenter valablement le pays”.
Roy Moussa
