Dans l’après-midi du samedi 17 avril, les rebelles du Front pour l’alternance et le changement au Tchad (Fact), ont fait irruption au nord de Mao (province du Kanem) à quelque 300 km de N’Djaména où a eu lieu un premier affrontement au sol avec les forces gouvernementales.
Alors que les regards sont plutôt rivés vers l’extrême-nord du pays où ils ont frappé les positions militaires et douanières des forces loyalistes, le 11 avril dernier, date à laquelle se tenait l’élection présidentielle, comme pour dire que “nous avons tenu à boycotter ce scrutin et nous avons tenu parole”, les rebelles du Fact ont surpris en apparaissant, cette fois-ci, à l’ouest du Tchad, non loin de la capitale tchadienne, bien que deux jours plus tôt, leur colonne ait été signalée à 200 km au nord de Faya Largeau. L’annonce de cette attaque dans la province du Kanem, dont le porte-parole de l’armée, le général Azem Bermendoa Agouna a laconiquement fait état le lendemain, sans en donner un bilan exhaustif, n’a pas convaincu les N’djaménois. “Les loyalistes ont mis en débandade la colonne des terroristes complètement décimés… Le ratissage continue…” Cette annonce soutenue à coups de guerre de communiqués de la part des parties (gouvernement et assaillants), donne de la sueur froide dans le dos des N’djaménois. Plus est, l’effectivité des affrontements relayée sur les réseaux sociaux en rajoutent plus à la psychose des populations.
“La situation sécuritaire est inquiétante au Tchad. La France confirme la présence des colonnes du Fact qui se dirigent vers Mao”, peut-on lire sur les réseaux sociaux que renforce un diplomate en affirmant que la France suit avec une grande attention ce qui se passe à l’extrême-nord du Tchad. La même source fait état des groupes armés en provenance de Libye, qui ont pénétré le territoire tchadien le 11 avril 2021 par le nord. “Ils font actuellement route vers le sud (province de Mao). Des opérations militaires sont en cours”. Dans ce contexte, la France déconseille formellement les déplacements de ses ressortissants en dehors de la capitale tchadienne, quel qu’en soit le motif. Mais elle leur recommande de se tenir informés de l’évolution de la situation et de l’actualisation des recommandations de sécurité sur le site web Conseils aux voyageurs et sur celui de son ambassade au Tchad.
Les mêmes recommandations de la France à ses ressortissants sont reprises par les autres chancelleries non des moindres. Les Etats-unis d’Amérique et la Grande-Bretagne recommandent également la vigilance à leurs ressortissants. Mieux, elles invitent leurs ressortissants non essentiels de se soustraire du Tchad, même à vols des avions commerciaux. Alerte maximale : il y a possibilité des affrontements à N’Djaména.
Jusque-là, le gouvernement qui semble préoccupé par l’offensive lancée par le Fact, d’abord à Wour et Zouar (Tibesti) avant d’atteindre Mao plus au sud n’a pas, jusqu’au dimanche 18 avril, donné le bilan des affrontements de la veille survenus au Kanem. L’état-major général des armées, qui a promis le bilan par la voix de son porte-parole, le général Azem Bermandoa Agouna, est toujours attendu. Mais certains médias dont Rfi annoncent la mort de plus de 250 personnes et une cinquantaine de blessés. Dans un communiqué de presse signé le 18 avril 2021 par Kingabé Ogouzeïmi de Tapol, coordinateur politique chargé de la communication, le Fact appelle les agents de l’Etat à ne pas déserté la province. “A cet effet, nous invitons tous les agents essentiels de l’Etat en exercice dans la région du Kanem de ne pas déserter leurs postes en particuliers le personnel médical (médecin, chirurgien, infirmier etc.) et de poursuivre leurs missions de service public auprès de la population”.
L’infiltration des colonnes rebelles de l’extrême-nord du pays jusqu’au Kanem, pratiquement frontalier à N’Djaména, sans être interceptées, donne libre cours aux commentateurs et observateurs de la scène politique et militaire tchadienne. “Si les rebelles ont réussi, en partant d’un millier de kilomètres à s’introduire sans être perçus jusqu’à Mao, il y a lieu de considérer leur stratégie. Ce faisant, rien ne peut exclure leur incursion qui est à craindre sur N’Djaména”, confie un gradé de l’armée. Un autre homme politique de renchérir : “si c’est un dialogue inclusif que l’opposition politique et les forces rebelles réclament de tous leurs vœux, il faut leur concéder. “Le régime en place, pour le bonheur de tous les Tchadiens, doit laisser tomber son égo, qui est de se maintenir au pouvoir vaille que vaille pour des intérêts égoïstes, car la guerre promet des conséquences imprévisibles”. Cette nécessité du dialogue inclusif, c’est qu’ont trouvé de mieux à recommander au pouvoir de Déby, la plupart des observateurs internationaux (Union africaine, Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale, etc.), qui ont assisté à la présidentielle du 11 avril 2021.
Pour l’heure, la France qui observe avec beaucoup d’attention la situation sécuritaire dans le grand nord et à l’ouest du Tchad, se réserve de commentaires. Mais elle n’entend pas (encore) intervenir militairement dans ce conflit interne, comme ce fut le cas par le passé. Mais dans un tweet, le président de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon se veut plus clair : “Le dictateur préféré de Macron, Idriss Déby, face à une rude rébellion armée. Pensées au peuple tchadien, aux heures difficiles. Pas d’intervention militaire française pour sauver le Maréchal Déby !”.
Dans les quartiers de N’Djaména, la panique s’est installée. Et pour parer à toute éventualité, certains ménages n’ont pas hésité à faire des provisions. Les mouvements des soldats amassés dans pick-up et des armes lourdes (chars chenilles T55) pointées aux portes nord-est de N’Djaména sont venus augmenter la peur bleue des N’djaménois. C’est donc dans une ambiance de psychose des événements de février 2008 que la population de la capitale vit ces dernières heures.
Djéndoroum Mbaïninga