Djamal Ahmat Mahamat, metteur en scène que les artistes appelaient affectueusement “le Coach” est décédé le 24 décembre 2021 et inhumé le 25 au cimetière de Lamadji. Les artistes ont lui ont rendu un vibrant hommage, le 29 janvier 2022, à l’Espace culturel Talino Manu.
Son image en portrait géant, avec sa barbe poivre sel qu’il aimait bien tirer dessus, est placardé au fond de la scène, à la vue de tous ceux qui entrent au sein de l’Espace Talino Manu. Amis, parents, connaissances et artistes de différentes corporations ont convergé ce jour et témoigné, avant une série de spectacles de danse, musique, récital, extrait de théâtre, humour, etc. proposés par les artistes. Cela, en accord avec la famille du regretté, dont les parents ont difficilement pu placer un mot lors des témoignages, au-delà des remerciements, à l’exemple de son petit frère qui a demandé à l’assistance de continuer à prier pour le défunt. Egalement la tante du défunt était inconsolable.
L’on se souviendra de son plus grand chef-d’œuvre, qui est la mise en scène réalisée dans le cadre de Fest’Africa 2003, pour la cérémonie d’ouverture à travers le spectacle dénommé “Tchad ya guelbi” avec une centaine d’artistes sur scène. L’on retiendra parmi les nombreux témoignages ceux de Vangdar Dorsouma, directeur de Thémacult et coordonnateur de la cérémonie : “Si nous n’avons pas organisé cet hommage, Djamal ne reposera pas en paix. II était de ceux qui étaient toujours là quand un artiste est décédé. Il m’avait dit un jour, mon frère si je meurs pleurez moi comme vous le faites pour les autres artistes. Djamal était une personne unique en son genre, avec une grande humilité, un esprit d’ouverture sans pareil, avec une signature et une touche spéciale dans la mise en scène. Il s’en est allé au moment où le théâtre est sous perfusion au Tchad”. Pour sa belle-sœur Kollo Mayoumbila, ancienne secrétaire d’Etat à la Culture, jeunesse et des sports qui a parlé au nom de la famille Mayoumbila : “Djamal, lorsqu’il est arrivé au département de la culture, fut un de mes agents, avant d’être marié à Mariam ma petite sœur. Plus qu’un agent, Djamal était devenu un frère parce qu’on l’avait complètement intégré dans notre famille. Lui et Mariam étaient un couple qui a aimé vraiment la culture. Mariam comédienne et lui metteur en scène. Il n’y avait pas mieux couple culturel. Si Mariam a remporté plusieurs prix en national et à l’international, c’est grâce à sa présence à ses côtés. C’était un homme humble, qui a toujours donné le meilleur de lui-même pour que les choses aillent bien. La famille Mayoumbila attendait cette cérémonie d’hommage pour souffler, parce qu’en pays sara kaba, quand on perd un membre de sa famille quelle que soit sa religion, on prend les balafons pour le pleurer. C’est ce qui se fait en ce moment, et je pense que ce soir nous allons avoir la paix, et prier pour lui pour qu’il ait une place auprès du Seigneur”. Mbaïnodjiel Neldé Calvin alias Djigri parterre, artiste, écrivain, animateur de jeunesse et modérateur de la soirée se souvient que c’est en 2014 qu’il a croisé le chemin de Djamal, dans sa toute première expérience d’artiste comédien de théâtre vivant. “C’est quelqu’un qui peut facilement vous façonner dans le domaine du théâtre et vous amener à vous révéler à vous-mêmes vos talents que vous ignorez”, lui reconnaît-il. Mahamat Nour Ali, ancien inspecteur du ministère en charge de la culture, grand ami du défunt, qui l’a introduit et révélé au milieu artistique et culturel tchadien a difficilement témoigné compte tenu de leur très grande amitié et relation. “Djamal lorsqu’il est arrivé au Tchad, a pris attache avec moi suivant les recommandations de certains de mes collègues avec lesquels nous avons étudié à l’Académie des arts de l’Egypte, et qui l’ont encadré à l’Institut supérieur de la musique du Soudan, après son bac. Nous avons travaillé ensemble pendant longtemps et voyagé un peu partout en Afrique, dans le cadre du théâtre. C’était un homme très proche de tout le monde, surtout des artistes”.
Adopter ses exigences
La ministre de la Culture et de la promotion de la diversité, Achta Djibrine Sy, elle également en deuil, a tenu à ne pas se faire conter l’événement. “Je suis venue faire le deuil avec tous les artistes. On a l’habitude d’écouter les gens dire qu’un artiste ne meurt jamais. Je voudrais dire que Djamal n’est pas mort, puisqu’il se repose dans le cœur de tout un chacun de nous. L’après Djamal à mon avis, c’est d’adopter ses exigences, suivant tout ce que j’ai entendu dire de lui. Je voudrais que nous conservions de lui cette humilité qui a fait de lui une personne hyper compétente. Ce qui confirme que ce sont les tonneaux vides qui font beaucoup de bruit. Ce tonneau plein qu’est Djamal, a choisi un 24 décembre pour nous quitter. Son message qu’il nous laisse, c’est ne m’oubliez pas ! Jeunes artistes du Tchad, chaque 24 décembre, je souhaite vous voir danser, chanter pour vous rappeler de moi. Immortalisez Djamal et retrouvez-vous ici tous les 24 décembre, pour lui dire tu es toujours là avec nous et nous pensons à toi. Tu es un frère et tu as choisi de vivre au Tchad parce que tu aimes le Tchad. Nous te disons merci pour ce temps passé ensemble et dont tu as semé en nous tes connaissances. Merci pour ce grand don de soi que tu as su faire, en t’investissant au quotidien avec amour et passion, pour obtenir la qualité”.
Feu Djamal laisse derrière lui deux veuves et quatre enfants. Paix à ton âme Coach !
Roy Moussa