Le prévisionniste à l’Agence nationale de la météorologie du Tchad (Anam), Singambaye Djékounda donne quelques indices sur la saison pluvieuse 2022. Avec des abondances et des raretés de pluie annoncées de part et d’autre, rien ne dit que le Tchad va demeurer dans ou sortir de “l’Etat d’urgence alimentaire” à la fin de la saison amorcée.
Comment entrevoyez-vous la saison pluvieuse de 2022 ?
En avril, lors de la prévision de la saison des pluies en Afrique centrale et en Afrique de l’ouest, l’année 2022 a été déclarée année humide. C’est-à-dire qu’on va enregistrer des précipitations normales à excédentaires dans le Sahel et nous sommes un pays sahélien. Durant cette saison, de juillet à août, nous allons enregistrer des cumuls de précipitations normales à excédentaires.
La saison est caractérisée par un début précoce dans la zone méridionale du pays et normale à tardive dans la zone sahélienne du pays. Ce serait aussi une fin de saison normale dans la plupart de la zone agricole du pays, c’est-à-dire la zone où on enregistre au moins trois mois de pluie avec une fin de pluie en septembre dans la zone sahélienne et octobre dans la zone soudanienne.
Il va aussi avoir des séquences sèches, des ruptures de pluie d’une durée normale à courte ou longue dans la zone agricole du pays. C’est ce que nous vivons actuellement. Depuis avril, on a enregistré des pluies, le mois de mai, on a connu de ruptures de pluies.
Tel que le caractère de la saison est défini, quel sera son impact ?
Il y aura risque d’inondation là où il a été prévu des précipitations excédentaires telles que la province de N’Djaména ; les deux Mayo-Kebbi ; le Moyen-Chari ; le Mandoul. Ces inondations vont aussi impacter certaines cultures dans les bas-fonds et peuvent aussi provoquer le développement de certaines maladies telles que le choléra, le paludisme, la bilharziose, les dingues qui sont apparus par exemple l’année dernière dans le Wadi-Fira. Chez les animaux aussi il peut avoir beaucoup de tiques ou de mouches tsé-tsé dans la zone soudanienne.
Là où il est prévu des séquences sèches de longue durée, il va y avoir de déficit hydrique qui va impacter les nappes d’eau et ce n’est pas non plus une bonne chose pour les cultures. Cela provoque l’apparition des chenilles, des sauterelles et autres dans la zone méridionale. Le Logone occidental est déjà dans le coup, dans une partie du Mandoul et du Moyen-Chari, les gens ont ressemé et les chenilles ont déjà attaqué les plantes dans ces zones-là.
Du point de vue hydrologique, il est prévu des précipitations normales à excédentaires dans les bassins du Chari et du Logone. Le Lac-Tchad sera bien alimenté puisque ces deux cours d’eau se jettent là-bas.
Y a-t-il des risques que ces deux fleuves débordent comme en 2020 ?
Nous avons évoqué les risques d’inondation. C’est pour dire qu’elles peuvent être pluviales comme fluviales. Les secours d’eau peuvent déborder.
Face à ces risques, quels comportements adopter ?
Face à tout cela, nous avons admis qu’il faut renforcer les communications des prévisions saisonnières et leur mise à jour afin d’informer et de sensibiliser les communautés sur les risques et créer les conditions de leur mise à l’abri. Il faut aussi renforcer la veille, les capacités d’interventions des agences en charge de suivi des inondations, de la réduction des risques de catastrophes et des aides humanitaires. Ce n’est pas tout, il faut aussi éviter l’occupation anarchique des zones inondables avec des habitations et des cultures; renforcer également les digues de protection et assurer la maintenance des barrages et des infrastructures routières. Cette partie concerne beaucoup plus les autorités. Faire le suivi d’alerte dans les zones à haut risque d’inondation et prévoir des sites d’accueil pour les populations exposées aux risques est un autre exercice à faire.
Nous conseillons la culture des plantes adaptées à la situation d’excès d’eau dans le sol. Par exemple le riz, les taros et autres et demandons aux usagers de suivre le bulletin d’information que nous diffusons au quotidien sur la radio Tchad.
En ce qui concerne la sécheresse, il faut choisir des cultures et des variétés tolérantes au déficit hydrique dans les zones exposées, par exemple des arachides ou bien le sorgho qui sont adaptés. Il faut aussi diversifier les pratiques agricoles à travers l’irrigation et le maraîchage pour éviter les baisses de production puisqu’il y a risque d’inondation. On doit profiter pour faire au maximum la culture de contre-saison à l’exemple du bérébéré.
Ces prévisions sont mises à jour à tout moment puisqu’il peut y avoir des modifications.
En 2021, il n’a pas assez plu et il a cessé de pleuvoir aussi très tôt. Conséquence, il y a eu un mauvais rendement agricole. Au vue des prévisions, à quel rendement agricole peut-on s’attendre en 2022 ?
Il est encore trop tôt de parler de rendement agricole puisqu’on est encore au stade de démarrage de la saison. Elle n’a même pas encore démarré dans la zone sahélienne. Il faut attendre juillet et août pour qu’on puisse avoir l’idée sur le rendement. Néanmoins, dans la zone soudanienne, où on a enregistré un début très tôt de la saison de pluie, avec les ruptures, certains agriculteurs qui n’ont pas des bœufs d’attelage ou de tracteurs n’ont pas encore semé. Cela va avoir des incidences sur la production d’une manière générale.
Propos recueillis par
Lanka Daba Armel
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