Comme à toutes les cérémonies de ces derniers temps, c’est le coronavirus qui impose ses règles de mesures barrières. La rentrée politique de l’Undr n’a pas échappé à ces mesures. Tous ceux qui arrivent au siège du parti à Chagoua, dans le 7ème arrondissement municipal, une fois passés au scanner, sont orientés vers les kits de lavage de mains. Dans la salle Aba Djouassap Koi, les chaises sont placées à une certaine distance. C’est pourquoi d’autres chaises ont été installées au rez-de-chaussée pour accueillir les invités une fois la salle principale pleine. C’est dans ce contexte que commence la cérémonie de la rentrée politique, suivie de quelques airs musicaux. La cérémonie débute avec l’entrée en salle de Saleh Kebzabo, le président national.
Après avoir accueilli le symbole du parti (calebasse peine de produits vivriers), l’hymne du parti retentit dans la salle. Ensuite, les nouveaux adhérents au parti sont présentés. C’est après ces étapes que vient le moment tant attendu, la prise de parole du président national. Dans un discours de 20 minutes, fermement prononcé et attentivement suivi par les militants et les invités de son parti, Saleh Kebzabo a passé au crible l’actualité socioéconomique et politique du pays.
La pandémie de Covid-19 et les récentes inondations ont servi d’apéritif au discours. Sur la pandémie de Covid-19, Kebzabo indique qu’elle a “pris le gouvernement de court” malgré qu’elle ait pris du temps pour atteindre le Tchad (décembre 2019 pour un premier cas signalé au Tchad le 19 mars 2020). Il dénonce aussi la tardive intervention des plus hautes autorités. Il a fallu attendre le 14 avril “pour qu’intervienne, enfin, le chef de l’Etat qui a énoncé un chapelet de mesures toutes aussi démagogiques qu’inefficientes avec, à la clé, une multitude de promesses non tenues”. Entretemps, la maladie continue à prendre de l’ampleur avec 85 cas de décès pour plus de 1 000 contaminations. Un triste pourcentage au-dessus de la moyenne, selon le président de l’Undr, alors que le gouvernement est incapable de faire une prospection dans tous les domaines impactés, “Ce qu’il sait mieux faire, c’est tendre la sébile pour recevoir l’aide internationale ; quelle honte !”, tance Saleh Kebzabo.
En ce qui concerne l’inondation, l’ancien chef de file de l’opposition accuse sans détour l’Etat d’être responsable de tout ce qui est advenu dans la capitale. “Il doit prendre les mesures pour dédommager toutes les familles victimes sur l’ensemble du territoire, car n’ayant pas pris des mesures préventives alors que les alertes datent de longtemps”, tranche-t-il. Le député révèle par ailleurs que c’est un bassin creusé au nord de la ville par un “des intouchables’’ qui a bloqué l’eau à N’Djaména.
Inégalités nordistes, sudistes
Le président de l’Undr a également passé en revue, ce qu’il appelle les maux endémiques entretenus par le régime Mps. La pratique honteuse des vols, les pillages et les détournements, l’impunité, la corruption sont “ce désastre soigneusement protégé par le président Idriss Déby Itno lui-même, décidément avide du pouvoir”, prenant en exemple son titre de maréchal.
“Le président Déby continue l’édification d’un Etat informel à la limite d’un non-Etat, basé sur des inégalités criantes et inacceptables. Le système consiste systématiquement à ériger une société inégalitaire entre nordistes et sudistes. Le phénomène agriculteurs/éleveurs est largement dépassé pour laisser la place aux enlèvements contre rançon, impunément ; les membres de la famille présidentielle, filles et fils, neveux et nièces, beaux parents à tous les niveaux, membres du clan, tout ce beau monde occupe de hautes fonctions d’Etat, s’il ne contrôle pas des pans entiers de notre petite économie. Cela est choquant et immoral. L’autre cercle de la tribu ou des autres régions du nord ne servent que de faire-valoir et se contentent des miettes. Les populations de base, par contre, sont totalement démunies et vivent dans la même précarité. L’objectif final, évidemment, consiste à opposer les Tchadiens entre eux”, constate-t-il. Toutefois, Saleh Kebzabo demande de ne pas faire de l’amalgame car, pour lui, les Tchadiens ont une souffrance identique. “Un jour pas lointain viendra où la République sera restaurée dans ses droits, et cet édifice sans fondement s’écroulera en morceaux”, rassure-t-il.
Les prochaines élections transparentes, sinon pas d’élections !
L’un des sujets phares de cette rentrée politique, c’est indiscutablement les élections de 2021. Mais à analyser les préalables, les signes ne sont pas bons pour l’opposition et bien évidemment pour l’Undr. Pourtant, un deuxième forum national inclusif est prévu du 29 octobre au 3 novembre prochain. L’organisation de ces assises est interprétée par l’opposant Kebzabo comme un aveu d’échec du régime Mps qui perd du terrain. “Ce forum de triste mémoire qui a mis le pays totalement en panne en mars 2018 en instaurant cette fameuse et inique IVème République. Après les pitoyables 16 mesures qui ont ruiné le pays et les travailleurs en 2016 et ouvert la voie à la paupérisation générale, le prochain forum va consacrer la médiocrité et la nullité qui sont l’apanage des dirigeants incapables de bien gérer leur pays, se contentant des délices du pouvoir pour eux seuls. Aucun Tchadien qui aime son pays, aucun citoyen responsable et aucun homme politique crédible n’ira à cette foire de cancres où les militants applaudissent et poussent de youyous”, prévient Saleh Kebzabo. En lieu et place de ce forum, Kebzabo réclame un “vrai dialogue inclusif”.
Après avoir dit “ses vérités” sur le forum national inclusif, c’est au tour de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), du Cadre national de dialogue politique (Cndp) et la cour suprême de passer au jugement.
“Le maréchalat, la Céni illégale et un Cndp taillé sur mesure avec des opposants soumis à une vaste fumisterie qui n’impressionne plus les Tchadiens, sans oublier évidemment la Cour suprême qui va gérer le contentieux électoral alors que sa soumission totale à Déby est une réalité intangible”. L’opposant exprime sa crainte pour l’avenir du Tchad qui risque d’entrer dans un cycle infernal de contestations et de violences post-électorales. “Pour ce qui nous concerne à l’Undr, tirant les leçons de notre participation aux différentes consultations électorales depuis 1996, nous disons à Déby que trop c’est trop ! Les prochaines élections de 2021 seront transparentes ou bien n’auront pas lieu. Camarades militantes et militants, au sortir de cette réunion, nous devons commencer à nous mettre en ordre de bataille pour l’ultime combat’’. Il appelle sans se lasser, les opposants à une unité d’action contre leur “adversaire commun spécialisé dans la fraude électorale”.
Lanka Daba Armel &
Mitan Maxime, stagiaire