Afrotronix a célébré les 40èmes éditions (2022) de la fête de la musique au Tchad, en ouvrant le bal des concerts le 18 juin à l’Institut français au Tchad (Ift). Ndjh fait le point avec l’artiste sur l’orientation de sa musique, la trajectoire qu’il donne à sa carrière, le regard qu’il jette sur l’Afrique et le Tchad à travers sa jeunesse.
Quel effet cela t’a fait de revenir célébrer la fête de la musique au Tchad ?
C’est toujours avec beaucoup d’émotions que je descends de l’avion à chaque fois que je reviens au Tchad. Revenir célébrer la fête de la musique a été plus un challenge, après avoir vécu des moments difficiles dus au décès de notre papa. J’ai fêté avec beaucoup de souvenirs, entre amis et famille.
Aujourd’hui peux-tu nous dire à quel niveau tu as placé la musique tchadienne avec ton concept d’Afrotronix ?
Je crois que nous sommes arrivés à un stade où au niveau des prix et distinctions, quand on annonce le Tchad, ce n’est pas un pays inconnu. J’ai été reconnu meilleur Dj africain en 2018, meilleur artiste africain de la diaspora et meilleur artiste électro en 2019, ainsi que meilleur Prix Socan de l’Amérique du nord au Canada. A chaque fois, c’est toujours le Tchad qui est porté au firmament. Nous sommes passés du stade de l’anonymat à la lumière des projecteurs, en matière de prix et de reconnaissance internationale. Je crois que j’attise de la curiosité au niveau du showbiz musical, par le fait que le Tchad surprend agréablement. A ce niveau, je pense avoir assuré ma partition en accédant aux scènes où la musique tchadienne n’a jamais accédé.
Quelle est la trajectoire que tu donnes à ta carrière musicale maintenant ?
J’ambitionne accéder aux Américan Awards (Mtv awards) avec mon prochain album qui arrive. En dehors de placer Afrotronix sur cette trajectoire, je vais profiter pour ramener quelques artistes tchadiens au Canada, afin de dire au monde que je ne suis pas une exception, même si je travaille dur pour y arriver et me distinguer. Il y a beaucoup de talents ici au Tchad. Et derrière tout cela, j’ai une structure qui est le label “Production Sia”, une maison de production dans laquelle je vais faire signer deux artistes tchadiens dont je préfère taire les noms, d’ici la fin de l’année. Je vais les faire passer par les circuits où je suis passé, et trouver des réels collaborateurs pour faciliter le déplacement des artistes vers des festivals internationaux.
Il n’y a donc pas de difficultés de collaboration avec les artistes locaux…
Au Tchad non. Ce qui me manque, c’est le luxe du temps que je n’ai pas. J’essaie de tout faire mais j’ai moins de temps avec mes artistes à chaque fois que j’arrive ici avec un calendrier très serré. Là, je suis arrivé sans mon batteur et il a fallu retravailler avec un batteur d’ici, et également trouver du temps pour une collaboration avec des artistes.
L’Afrique bouge et toi avec. Si tu as un message à l’endroit de la jeunesse africaine en général et tchadienne en particulier, ce sera lequel ?
Je pense que nous sommes dans une phase super intéressante. Nous avons affaire à une jeunesse africaine décomplexée, qui n’est plus impressionnée comme avant. Nous avons voyagé, vu et constaté les forces et limites des autres. Je pense qu’il faut continuer à revendiquer ce respect qui nous revient. L’Afrique devrait être vénérée et remerciée pour tout ce qu’elle a apporté au monde. Alors qu’on veut nous maintenir dans une posture d’un continent qui est en manque et qui a besoin de ce regard apitoyé. La jeunesse doit avoir cette posture de force. C’est vrai que nous avons moins d’opportunités pour exploiter nos talents et ressources. Mais cela ne fait pas de nous des moins intelligents ou des moins forts. J’ai vu des gens partir d’ici, se battre pour frayer leur chemin comme aucun ne peut le faire. C’est sur cela que nous devons capitaliser les acquis et continuer à développer la confiance en nous, nos spiritualités et dans tous les autres domaines.
Je suis un peu dans le milieu de la communauté juive où j’ai quelques amis. C’est une petite communauté qui est très fière d’elle-même. Aujourd’hui, aucune décision politique ou économique mondiale ne se prend en dehors de cette communauté. L’Afrique, c’est le contraire. Des gens s’assoient à la table de G8 ou G20 et décident du sort de l’Afrique sans nous consulter en Afrique et on suit aveuglément. Nous devons nous ressaisir, parce que nous sommes la source des matières premières. Si nous réussissons à nous en sortir, l’Afrique s’en sortira. Quant au Tchad, nous devons faire en sorte de nous placer sur le “Map africain” afin que quand viendra le tour de l’Afrique, le Tchad soit présent.
Est-ce le discours de l’ambassadeur de la banque Uba ? Et à ce propos, quels sont les droits et obligations que confère ce titre d’ambassadeur ?
Nous sommes en discussion avec la banque Uba, parce que je ne suis pas certain de continuer le mandat de l’ambassadeur de l’Uba. Il y a une vision claire que j’ambitionne pour l’Afrique et pour moi pour le futur. On s’est croisé avec la banque Uba et on était sur le plan de lancer une stratégie d’éducation financière au niveau de la jeunesse. Ça traîne un peu et je préfère revoir cela. Moi, ce n’est pas juste prendre une enveloppe, mais c’est l’ambassadeur qui m’intéresse. Mais qu’est-ce que je fais après ? C’est sur cela que nous discutons en ce moment. Je ne voudrais pas être là, rien que pour les avantages personnels. Si on ne s’entend pas j’arrête.
Mais je parlais plutôt en tant que Caleb Rimtobaye artiste tchadien qui a grandi au quartier Paris-Congo à N’Djaména, qui finalement réalise ses rêves malgré tout. Je veux dire à mes jeunes frères que c’est vraiment facile d’accès quand on ne s’empêche pas de rêver. Il ne faut pas se mettre des barrières soi-même et dire que je n’ai pas la capacité. Je suis parti du bas quartier Paris-Congo dans une concession où on était plusieurs et aujourd’hui je fais le tour du monde, parce que je n’ai pas eu de complexe.
Finalement, tout baigne dans l’huile alors… Des difficultés existent-elles ?
Il y a évidemment des difficultés qui existent. Mais j’aime cela parce que ça me motive à travailler davantage. Avec mon prochain album, je compte entrer dans les grosses chaînes africaines, parce que je reste un peu loin du continent et ce n’est pas facile. Là, on commence des démarches avec Trace Tv et quelques chaînes africaines. Nous devons arrêter d’être en position de consommer la musique des autres. On doit aussi exporter. Dans l’idéal, c’est que si j’arrive au Congo, je dois être reconnu comme Fally Ipupa l’est ici, ou Serge Benaud en Côte-d’Ivoire. Ce sont là les défis futurs et j’aime ça. Je ne veux pas m’asseoir sur les acquis et stagner. J’ai besoin de combattre.
Interview réalisée par
Roy Moussa