Pour les masses opprimées, l’ennemi est à l’intérieur !

L’armée, principale ossature des dictatures qui se sont succédé au Tchad, mérite-t-elle autant d’éloges qu’on lui a faits à l’issue des derniers événements du Lac? Ali Mohamed Abali Marangabi analyse.

Les événements militaires qui se sont passés, le 23 mars dernier, au Lac, qui font aujourd’hui l’objet de controverses, ont soulevé un vent puant de nationalisme étriqué, teinté de tribalisme, dont les effluves nauséabonds continuent encore à embaumer l’atmosphère politique du pays. En effet, après l’annonce de la mort de plusieurs soldats tchadiens, nombreux sont les voix qui se sont élevées pour exprimer leur solidarité aux troupes de Déby, brocardées, pour la circonstance, de “vaillantes forces nationales” et d’autres périphrases du même goût, leur conférant la mission de protéger les populations. On en a même entendu traiter de “frères”, de “dignes fils du Tchad”, les généraux et les officiers de l’armée, principale ossature de la dictature actuelle qui tient le pays sous son talon de fer depuis trente ans.

L’armée, bras protecteur de la dictature sous Tombalbaye …

Ainsi, quand, l’indépendance à peine proclamée, Tombalbaye a décidé d’imposer le parti unique afin d’étouffer la colère populaire, née du fait que la souveraineté formelle n’avait pas fondamentalement changé la vie des masses opprimées, qui en attendaient de meilleures conditions de vie, c’est sur cette armée qu’il s’est appuyé pour mettre fin aux libertés démocratiques, acquis des luttes anticolonialistes menées tout au long des années 47-50. On l’a vu notamment lors des événements du 16 septembre 1963 à Fort-Lamy, lorsque les responsables politiques de l’opposition et leurs partisans sont descendus massivement dans la rue pour défendre les libertés essentielles, c’est cette nouvelle armée dite nationale qui a organisé la répression contre ceux qui protestaient contre la perspective du parti unique soutenu par les troupes françaises stationnées au camp Koufra. Cette intervention de l’armée dans l’arène politique pour imposer la dictature du parti unique, avec la bénédiction de l’impérialisme français, a ainsi ouvert une nouvelle page de sa présence, de façon constante, dans l’histoire politique du pays, comme la principale ossature de toutes les dictatures qui s’y sont succédé jusqu’à ce jour.

Sous la dictature d’Hissène Habré, la même armée recomposée, en plus de la DDS…

Tout au long des années 78-82, marquées notamment par la loi des bandes armées, mais aussi l’échec des accords de Khartoum, symbolisé par la guerre civile de N’Djaména, en février 1979, entre les partisans du CSM et ceux du CCFAN, on a assisté une décomposition de l’Etat, qui a entraîné celle de l’armée. Celle-ci s’est trouvée divisée à cause de ses responsables, comme de ses troupes, qui s’alignaient sur les bandes armées se réclamant de leurs ethnies ou de leurs régions. L’entente superficielle entre les différents chefs de guerre, suite aux nombreuses réunions qui avaient donné naissance au GUNT (Gouvernement d’Union Nationale du Tchad), n’a pas fait long feu non plus.

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