C’est un recueil de poèmes écrit par Priscille Mékoulnodji et publié par le Centre des Institutions théologiques d’Afrique francophone, qui fait office d’éditeur basé à Abidjan en Côte d’Ivoire.
Ce sont au total 34 poèmes conçus en vers libres et aux longueurs inégales. Dans ce livre au format de poche, l’auteure pose au premier texte titré “Sommeil” son regard avec un œil nouveau sur les différentes crises qui secouent le continent africain avec son lot de réfugiés et de déplacés. Elle interpelle toutes les consciences à arrêter de commettre le mal. Pourquoi en Angola, au Burundi, au Congo, au Congo-Zaïre-Congo? se demande-t-elle. Pour Mékoulnodji Priscille, le fait que l’Afrique soit en crise perpétuelle est une manière de payer les africains en “fausse monnaie”. Elle en appelle à l’unité au détour de l’amitié pour régler la solitude pourtant criarde.
Face à ces maux récurrents et redondants, la poétesse incite les femmes à se lever pour un nouveau départ. Mais ce sursaut doit avoir pour appui les innombrables défis, qui sont énumérés sous forme de plaies (les dix plaies): esclavage, colonisation, apartheid, indépendance, partis uniques, dictature, paludisme, sida, etc. Contre toutes ces plaies, Mme Ndjérareou formule (dix) vœux également. C’est alors que notre monde est comparé, selon le constat de la poétesse, à la météo, qui chancelle, change au gré des aléas qui sont des contradictions.
L’auteure crie sa douleur en s’appuyant sur une fourche. Plusieurs poèmes sont dédiés et consacrés à la femme au regard de son rôle important dans la vie, dans la logistique familiale. La femme est mère-épouse-fille. Sa capacité de résilience dépasse largement les bornes supportables. Cependant, devant tant d’injustices, d’insolence et d’indifférences des hommes, elle ne doit pas pour autant se taire. Mékoulnodji Priscille questionne le destin, dans l’attente d’un nouveau soleil, d’un monde meilleur qui est une quête, un vœu (perpétuel) sinon un rêve. Elle évoque cette sorte de justice ancestrale (nadji) sans juge ni avocat pour conjurer le mal: à faute commise, verdict tombé avec une force égale, écrit-elle.
La poétesse Priscille, qui ne prend pas des gants, ne baisse pas également la garde. Elle crie à tue-tête si bien qu’elle n’a plus de voix à la fin du recueil face aux déshonneurs, aux malheurs de toutes sortes, aux drames de l’immigration dont elle interpelle toutes les énergies à arrêter l’hémorragie puisqu’il est temps afin que le monde vive en paix.
“Dix plaies et sans miracles” est un texte qui met à nu la misère sociale, le mal dans toute sa plénitude surdimensionnée. C’est un hymne à la femme, à l’enfance, à l’humanité pour plus de justice et d’équité. Ce recueil de poèmes, qui est le sixième livre de Mme Ndjérareou née Mékoulnodji Priscille (qui a fait des études de lettres modernes et de socio-linguistique au Tchad et aux Etats-Unis), est inscrit au programme scolaire dans les lycées du Tchad depuis 2008. C’est un texte majeur de cette enseignante et servante de Dieu (son époux est le révérend pasteur Abel Ndjérareou). Les événements historiques et douloureux sont intégrés dans sa production, mais la vie quotidienne au Tchad a été le levain qui a fermenté toute sa réflexion fertile.
Le mouvement de son texte obéit à une démarche qui suit la progression de sa pensée. Devant la réalité, devant la société, elle puise son énergie au regard des thèmes traités qui sont toujours d’actualité. Déjà, le titre ouvre un champ sémantique à l’intérieur duquel défilent d’innombrables possibilités de sens. Il renvoie d’emblée à la légende sinon à l’allégorie biblique (plaies/miracles). En dépit du traumatisme de l’histoire, en dépit des souffrances de la vie, il faut toujours rebondir et vaincre, “espérer contre toute espérance”: on doit davantage être habité par l’espoir dans la vie!
Son écriture poétique est profondément historique, éducative, didactique. C’est une suite de proverbes, de métaphore et d’allégories savamment tissés au travers des mots, des vers, des images et sonorités. Elle a une maîtrise parfaite des objets qu’elle personnifie, des êtres qu’elle nomme dans un principe de messager et de porte-parole. C’est le constat d’un mal profond, de la souffrance exiguë qui corrompt dangereusement les âmes longtemps meurtries et blasées. Ce mal, qui est le moteur déclencheur des sujets ou thèmes, est identifié à longueur des pages. C’est pour toutes ces raisons que la poétesse veut promulguer un nouveau modèle de société qu’elle n’a point de cesse à remettre en question.
Sosthène Mbernodji