La judokate Memneloum Demos, championne d’Afrique en titre dans sa catégorie (-70 kg) figure parmi la “jeunesse qui ose”, slogan cher au Maréchal-président Idriss Déby Itno. Elle a qualifié le Tchad aux Jeux olympiques (Jo) pour la deuxième fois de son histoire. Mais le retour de l’ascenseur est des plus décevants, selon ses propos.
Demos continue avec détermination à bâtir son parcours de championne construit sur la persévérance, l’esprit de sacrifice et le sens du patriotisme. Sa besace ne désemplit pas de médailles remportées sur le plan national et international. Ses performances des deux dernières années confirment son talent de sportif de haut niveau: en 2018 elle est passée de la 5ème place à l’Open de Dakar à la 3ème (médaille de bronze) à Yaoundé. Position africaine qu’elle maintient en 2019 au championnat d’Afrique senior de Cape Town en Afrique du sud et aux jeux africains de Rabah. La même année, au championnat du monde de Tokyo, elle perd son premier combat contre la Grèce, puis retrouve sa 3ème place à l’Open de Yaoundé, avant son sacre africain avec la médaille d’or qu’elle décroche à Dakar, synonyme de qualification pour les Jo (reportés à juillet 2021). Elle est élue meilleure sportive tchadienne de l’année 2019 en décembre et reçoit un trophée à ce titre.
Pour la pandémie de la Covid-19 qui a donné un coup d’arrêt aux activités, Demos dit que c’est un coup dur, pour avoir consenti d’énormes sacrifices pour arriver à ce niveau de compétition, afin d’affronter les Jo. Maintenant, il faut préparer à nouveau ces jeux, c’est pourquoi elle a continué à s’entraîner individuellement pour maintenir la forme. Le report des jeux ne change rien à sa qualification, mais lui donne plutôt l’opportunité de glaner encore des points dans les différentes compétitions internationales, pour la qualification au championnat du monde. Pour finir l’année 2020, elle compte s’imposer sur les trois échéances en vue. Le championnat d’Afrique, l’Open de Yaoundé et celui de Dakar. Parmi ses meilleurs souvenirs jusque-là, figurent le championnat d’Afrique en Afrique du sud, l’Open de Dakar qui lui a permis d’obtenir sa qualification pour les Jo et la revanche prise en battant en demi-finale son adversaire camerounaise qui l’avait toujours battue. Si ce n’était pas le coronavirus, en ce moment elle devait être en pleine compétition à Tokyo, dit-elle.
Le soutien de l’Etat, un véritable bling-bling
Demos éprouve une grande gêne quand il est question d’évoquer les difficultés qu’elle rencontre. Elle révèle: “franchement, compte tenu de mon statut de championne d’Afrique en titre, c’est trop lamentable et triste ce que je vis. Il faut vraiment revoir les conditions des athlètes de haut niveau qui font de leur mieux pour hisser le tricolore au firmament”. Pour une championne et sportive de haut niveau, elle déplore n’avoir personnellement rien bénéficié de la part de l’Etat, alors qu’elle continue de tenir la dragée haute, tout simplement, parce qu’elle aime ce qu’elle fait. Sinon, il n’y a véritablement rien qu’elle gagne en contrepartie comme revenu. Au niveau des préparatifs des compétitions, elle avoue qu’il y a le temps de bien se préparer, parfois deux à trois mois avant les échéances. Sauf que souvent, c’est à la veille des compétitions que les voyages s’effectuent dans des conditions difficiles, sans regroupement, sans perdiem, toujours brusques, et parfois sans assez de préparation. Malgré cela, chacun à son corps défendant réalise des résultants satisfaisants. Ce que tout le monde sait mais personne n’en parle. Tout est improvisé à la limite, confie-t-elle, avant d’ajouter que ce n’est pas du tout sérieux ni encourageant. Elle plaide pour qu’il y ait beaucoup plus d’encouragement au niveau du ministère ou de l’Etat. En un mot, il faut mettre les moyens pour permettre aux filles de travailler dans des conditions optimales de réussite. Depuis son retour des qualifications pour les Jo, elle affirme avoir été reçue une seule fois par le ministre pour un long entretien. Et depuis lors, plus rien. Elle n’a reçu aucune prime, ni encouragement quelconque. Demos s’interroge comment peut-elle encourager les filles à venir pratiquer le judo dans ces conditions? Elle a l’impression que l’Office national de la jeunesse et des sports (Onajes), organe sous tutelle du ministère, est créé uniquement pour appuyer le football et non toutes les disciplines. Alors qu’au judo “nous faisons de notre mieux pour continuer d’inscrire le Tchad dans les annales des champions à travers le monde”. Elle plaide pour que l’Onajes soit un peu regardant vers les autres disciplines.
Pour Banga Alpha son grand-frère, Demos évolue dans des conditions déplorables et indigne d’une championne d’Afrique, qui a qualifié le Tchad aux Jo. Si le judo ne lui rapporte rien, il ne voit pas la raison pour laquelle elle doit continuer, ajoute-t-il. Depuis l’obtention de son bac en 2016, c’est cette année qu’elle s’est inscrite à l’université, grâce au soutien de sa famille et de son mari, alors qu’elle défend un pays. C’est vrai que le sport ne nourrit pas son homme au Tchad, mais devant une telle détermination ajoutée aux sacrifices dont elle fait preuve, elle mérite d’être motivée et encouragée, observe-t-il. A son retour de Dakar, son accueil a été organisé avec beaucoup de tapage, et ses images placardées sur des affiches géantes à travers N’Djaména, mais au final rien du tout. Du véritable tape à l’œil!
Roy Moussa