Sur les traces du père Idriss

Tel père, tel fils ! Cet adage sied si bien aux Déby Itno ! Le père, Idriss, avait régné d’une main de fer, pendant une trentaine d’années, sur le Tchad, érigeant le népotisme, le clientélisme et la prévarication en règles de gouvernance. Enivré par le pouvoir, il avait fini par se prendre pour un dieu, jusqu’à ce que la mort le rappelle à sa nature humaine le 20 avril 2021. Et pour pérenniser ses acquis, le clan a choisi son fils Mahamat «Kaka» pour l’imposer à la tête de ce pays qu’ils ont transformé en une société anonyme familiale: «Tchad S.A.». Dès les premières heures, nous prévenions que Mahamat «Kaka» n’était pas venu pour assurer une transition de dix-huit mois, prolongée de vingt-quatre mois en octobre 2022. Le fils de 9… était venu pour rester. Et, au fil des mois, les signaux nous donnent raison.

Peu avant de tirer sa révérence, Idriss Déby avait fait une tournée à l’intérieur du pays pour battre campagne pour la présidentielle du 11 avril 2021; mais c’était en réalité une tournée d’adieu à ses compatriotes qui n’ont rien véritablement profité des trente ans de son pouvoir sans partage. Son fils Mahamat «Kaka» marche aujourd’hui sur ses pas. En mai dernier, il a débuté une tournée des provinces du pays, comme pour se présenter aux Tchadiens et leur dire: «Me voici, votre chef pour les prochaines décennies!». Ce week-end, il s’est rendu à Mao (Kanem) et à Bol (Lac), dix-huitième et dix-neuvième étapes de son périple national.

A Mao et à Bol, comme à Moundou, Sarh, Pala ou Abéché auparavant, il tente de relancer certains projets suspendus sous son père faute d’argent ou annonce de nouveaux chantiers. Il multiplie des promesses tous azimuts. A Mao, il a même élevé au rang de «ministre d’Etat» Amina Priscille Longoh, la ministre de la Femme, de la Protection de la petite enfance et de la Solidarité. Une décision prise ad nutum (par un signe de la tête), sans aucun décret et sans proposition ou contreseing du Premier ministre, Saleh Kebzabo.

Mahamat «Kaka» n’agit pas comme un président de transition dont la tâche doit être d’œuvrer pour le retour à l’ordre constitutionnel, il se comporte plutôt comme un président élu, qui veut briguer encore un, deux, voire six mandats, comme son père l’avait fait. «J’y suis, j’y reste!». L’héritier de Déby est déjà en campagne pour la présidentielle d’après-transition. Le simulacre de Dialogue national inclusif et souverain (Dnis) qu’il a organisé en 2022, lui a laissé la possibilité de se présenter à cette future élection, en dépit des pressions nationales et internationales qui exigent que les dirigeants de la transition ne soient pas éligibles aux premières élections d’après la transition. Il a ensuite concocté un projet de nouvelle Constitution qui consacre à l’Etat tchadien une forme «unitaire fortement décentralisé», ce qui est une aberration alors que les Tchadiens, dans leur écrasante majorité et lors des consultations provinciales en prélude au Dnis, avaient opté pour la fédération. Le texte a été adopté, comme lettre à la poste, par le Conseil national de transition, ce parlement transitoire créé par décret et composé des thuriféraires du régime, des nouveaux affidés de Mahamat «Kaka» et des opposants d’hier qu’on appelle les «changeurs des choses de l’intérieur». La prochaine étape: un référendum constitutionnel biaisé d’avance, organisé par une commission pilotée par des acteurs du Dnis et aujourd’hui au gouvernement et au Cnt.

Mahamat «Kaka» a troqué le treillis par un boubou blanc, laissé le titre «Président du Conseil militaire de transition» pour «Président de transition». En attendant la légitimation de son pouvoir par les urnes, il continue de marcher sur les traces de son feu père: il distribue, comme des dattes, les grades de général et colonel à ses proches, il les place à la tête des régies financières et des unités de commandement des forces de défense et de sécurité, ferme les yeux sur les nombreux scandales financiers, etc. Comme le père, le fils gère le «Tchad SA» comme une épicerie familiale, avec comme co-gérant, un certain Idriss Youssouf Boy, son cousin et ministre d’Etat, directeur de cabinet que beaucoup présentent comme le véritable homme fort du pays.

La Rédaction