Par une conférence de presse organisée au centre Loyola à l’occasion de la journée mondiale des enseignants célébrée le 5 octobre, le pédagogue et enseignant-chercheur à la Faculté des sciences de l’éducation à l’Université de N’Djaména, Djimrassem Thalès a axé son intervention sur les maux qui minent le système éducatif tchadien.
La situation actuelle de l’école tchadienne entre les réformes contradictoires et la gestion de la Covid-19 dans les milieux scolaires et universitaires. Pour le conférencier Djimrassem Thalès, les causes de l’état désastreux de l’école tchadienne sont entre autres “la politisation de l’école, le recrutement des enseignants sans vocation, la démotivation des élèves et des étudiants, la pénurie en infrastructure d’accueil à tous les niveaux, l’insuffisance des conseillers d’orientation, la mauvaise application du bilinguisme, les nominations sur des critères subjectifs, etc. ”.
Le pédagogue compare l’école tchadienne à une personne à l’agonie. Au mois de mars, relève-t-il, la fermeture des écoles était perçue comme une mesure de prévention contre la pandémie de la Covid-19. Mais quelques mois après, des initiatives sans résultats probants ont été mises en œuvre. Thalès justifie son affirmation par l’enseignement à distance organisé via la radio et télévision tchadienne et Internet, sans étude préalable du terrain qui a été un flop. Cet enseignement s’est heurté aux problèmes d’électricité, d’accès à l’Internet, à la faible couverture du territoire par la radio nationale. Conséquence, les élèves et étudiants n’ont pas eu accès à tous les programmes. Qu’à cela ne tienne, c’est dans ce contexte moins enviable qu’ont été organisés les examens de fin d’année (brevet d’études fondamentales et du baccalauréat).
Sur la décision du gouvernement autorisant le passage automatique des élèves des classes intermédiaires en classes supérieures, le pédagogue est amer. “C’est une faute pédagogique grave”, affirme-t-il. Djimrassem Thalès qualifie les réformes éducatives introduites par les autorités du ministère de tutelle de contradictoires. Pour lui, le gouvernement sème la confusion dans ses décisions. Il est difficile de comprendre les initiatives du ministre de l’Education nationale et de la promotion civique et son directeur. “Quelles sont les raisons qui sous-tendent de telles décisions ? Pourquoi le ministre opte pour cette logique ? Est-ce une décision purement politique ? Est-ce une solution pour éviter le double financement de l’école dans une même année scolaire ? Ou c’est la pression des bailleurs de l’école tchadienne ?”, s’interroge-t-il.
En réponse à ses interrogations, le conférencier opte pour une année blanche. Laquelle pourra sauver le système éducatif et pallier la baisse de niveau. Thalès plaide pour un système éducatif dépolitisé afin de sortir l’école tchadienne de sa léthargie, de son agonie.
Des échanges avec les journalistes, plusieurs points sont abordés. Il s’agit entre autres de la complicité des enseignants, des nominations des personnes non qualifiées à des postes de responsabilité au ministère de l’Education nationale et à celui de l’Enseignement supérieur ; de l’élasticité des années académiques, etc. Djimrassem Thalès constate que les enseignants sont généralement muets face à certaines situations de peur de perdre leurs postes. Il souligne que la nomination de certains cadres est en contradiction avec leur profil. A un poste de responsabilité au niveau de l’éducation ou de l’enseignement, il faut nommer un enseignant qualifié et expérimenté pour pouvoir cerner les problèmes du système éducatif et leur trouver des solutions, dit-il.
Sur l’élasticité des années académiques, l’enseignant-chercheur impute la responsabilité aux étudiants et enseignants. Aux étudiants à cause de leurs récurrentes grèves relatives aux revendications des bourses ou à la mauvaise gestion des œuvres universitaires par le Centre national des œuvres universitaires (Cnou). De même, les enseignants ne cessent de manifester leurs mécontentements pour réclamer leurs primes et indemnités. L’une dans l’autre, ces grèves qui s’inscrivent, parfois dans une longue durée, rendent élastiques les années académiques.
Pour pallier ces maux qui minent le système éducatif tchadien, Djimrassem Thalès interpelle le président de la République à nommer les responsables, non pas en fonction de leur appartenance politique, mais en tenant compte du profil, de l’expérience et du sens du travail bien fait. Il suggère pour finir, le recrutement en quantité et qualité des enseignants et chercher des conseillers d’orientation qualifiés. A ses collègues, le pédagogue exhorte à réagir contre les décisions maladroites du gouvernement qui tuent à petit feu le système éducatif tchadien.
Mbaïammadji A. Marlène &
Mitan Maxime,
stagiaires