Un mastodonte de la presse tchadienne

Investi coordonnateur de la radio Fm 92,5 depuis un an et demi, René Dillah Yobirim  est un journaliste chevronné. Retour sur la carrière d’un journaliste qui s’est forgé une solide réputation au sein de la radio Tchad et dans certains médias internationaux où il a été correspondant.

Discret, il l’est réellement. Parfois il passe inaperçu dans les couloirs de la radio Tchad. Il faut l’aborder pour lui arracher un sourire, parfois quelques mots. Signe certainement de la sagesse acquise au fil des années. Sa voix, elle est déchirante devant le micro. Et ce ne sont pas les milliers d’auditeurs de l’émission “signe des temps”, de tous les mercredis à partir de 21 heures qu’il anime depuis une dizaine d’années qui démentiront. “Sa voix accroche”, reconnaît Ngarmadji Samson, un auditeur de cette émission qui fait partie des émissions phare de la radio publique tchadienne. “Les gens écrivent de partout le monde pour nous féliciter. C’est une des meilleures émissions interactives de la radio Tchad”, reconnaît René Dillah.  A 57 ans, marié et père de trois enfants, le journaliste qui a fait toute sa carrière à la radio Tchad, la première radio publique du Tchad, s’est fait connaître au niveau national au journal parlé, puis comme correspondant de la radio panafricaine Africa N°1 de 1991 à 1997, de la BBC Afrique entre 2002 et 2012 en passant par le secrétariat de rédaction. A lui seul, c’est trente ans de carrière dans le métier. “Il a vu défiler devant lui des générations de journalistes. C’est un mastodonte de la presse au Tchad”, confie un membre de la rédaction de la RNT.

Regard franc, le journaliste friand de lecture surtout des journaux ne s’est jamais lassé de chercher à apprendre. “Le journaliste doit se cultiver pour être en mesure de soutenir un débat face à ses confrères ou à l’antenne”, fait-il savoir.

Journaliste expérimenté, grand passionné et grand professionnel, l’homme aime aussi relever les défis. Cette passion l’a conduit sur des terrains hostiles notamment dans le Darfour au début des années 2000. “Malgré mon handicap (Ndlr: un terrible accident de la voie publique au de début de l’année 1994 devant la RNT l’a handicapé), je me suis rendu dans les camps des réfugiés au Darfour, à Tiné, Guéréda, Iriba pour réaliser des reportages au compte de la radio BBC”, raconte le doyen comme l’appellent certains de ses jeunes confrères. Son coup de maître, il le réalise en 2003 au fort de la crise du Darfour: c’est un magazine de 30 minutes diffusé à plusieurs reprises sur la radio internationale BBC. “Les gens à BBC étaient étonnés qu’avec mon handicap, j’ai réussi à faire un tel travail, ils ont très bien apprécié mon travail. C’était de loin la meilleure production de ma carrière”, se remémore René Dillah.

Diplômé du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) de l’Université Cheick Anta Diop de Dakar au Sénégal, en décembre 1990, il est entré dans le métier à partir de 1991 à la Radio Tchad où il a fait toute sa carrière. En passant de journaliste reporter au présentateur, secrétaire de rédaction, rédacteur en chef adjoint, et correspondant des médias internationaux. Dans le métier, la particularité de cet homme, c’est de la satisfaction du travail bien fait, c’est tout. “Je ne vois aucun autre avantage que le travail bien fait. J’en tire une satisfaction personnelle, c’est ma récompense, ça me fait sourire. Je ne cours pas après le bien matériel. Quand je fais bien mon travail, je suis heureux. Je ne cours pas après les distinctions particulières ou autres avantages matériels”, fait-il remarquer. “On peut tout lui arracher sauf son amour et sa passion pour le travail bien fait”, renchérit un autre confrère qui a bénéficié de son encadrement.

Certaines personnes dont des confrères estiment que ces trente années de carrière devraient être couronnées de récompenses, des décrets de nomination à des postes élevés et autres… Mais l’intéressé n’est pas obsédé par les décrets. “Mon défaut c’est peut-être de n’avoir pas trop cherché les nominations sinon je serais ailleurs qu’assis ici dans ce bureau (Ndlr : bureau du coordonnateur de la Fm 92, 5). Je connaissais beaucoup de hautes personnalités dans ce pays. J’aurais dû leur demander à être nommé quelque part mais je n’ai rien demandé sinon qu’à faire mon travail”, dit-il. Comme tout être humain, le doyen nourrit quelques regrets. “Mon regret, c’est que je me disais que j’aurais pu mieux faire dans ma carrière si je n’avais pas eu ce terrible accident qui a réduit ma mobilité. L’autre regret c’est qu’au niveau où j’en suis, il serait intéressant de prendre les autres en charge, c’est-à-dire de diriger une entreprise de presse personnelle, ce qui serait comme un couronnement, ça permet d’encadrer les jeunes et autres. Ça serait intéressant parce qu’on devient employeur. Mais là ce sont les moyens qui manquent”.

Depuis sa nomination en 2019 au poste de coordonnateur de la Fm 92.5, il doit relever désormais deux principaux défis : conforter et amplifier les audiences de la Fm 92.5 et encadrer les jeunes journalistes au sein de cette station. “Etant une personne qui aime le travail bien fait, René Dillah fera tout ce qui est en son pouvoir pour faire grandir les jeunes et cette station”, confie un technicien de la Fm 92.5

Dans sa position, il n’hésite pas à distiller des conseils à ses jeunes confrères mais aussi à les exhorter à se cultiver. “Dans ce métier, on ne peut pas tout apprendre à l’école. Il faut se cultiver dans tous les domaines, faire des recherches personnelles. Le journaliste est un érudit en quelque sorte, il peut tout faire selon l’homme de la rue Si un journaliste n’a pas le niveau, c’est qu’il ne cherche pas. Et de ce côté-là, beaucoup de jeunes confrères ont encore à se poser de questions pour changer d’attitude”.

Ambitieux, Dillah le reste toujours. Même à quelques années de la retraite, il ne tarit pas d’ambitions. Il rêve de créer une structure de formation et d’encadrement des jeunes dans le domaine de l’information et de la communication. En attendant, les auditeurs de son émission phare signe des temps continueront à profiter de sa voix chaque mercredi.

Togmal David