Les musulmans du Tchad, à l’instar de ceux du monde ont célébré la fête de ramadan dans un contexte particulièrement difficile par rapport aux années précédentes.
La grande prière collective marquant la fin des 30 jours de jeûne organisée chaque année à la grande mosquée Roi Fayçal n’a pas eu lieu cette année. Les fidèles musulmans ont été encouragés par le Conseil supérieur des affaires islamiques du Tchad (Csai) à prier chez eux. C’est l’une des conséquences des mesures prises par le gouvernement pour barrer la route à la pandémie de Covid-19. Or, la fête de ramadan est l’une des fêtes les plus importantes dans la vie des fidèles musulmans. Mais cette année, le coronavirus en a changé la tonalité, contrairement aux années précédentes où les marchés grouillaient de monde et les affaires prospéraient.
La fête de cette année n’a pas suscité d’engouement dans certaines familles, qui ont difficilement observé la période du jeûne. “Le ramadan est arrivé dans une situation un peu difficile. Pour bien fêter avec nos enfants, chaque année on leur paie deux ou trois habits avec des chaussures. Mais cette année, même pour trouver un seul habit pour chaque enfant, c’est un grand problème”, s’est plainte Achta Mahamat. Yaya Hissein, un chef de famille habitant le quartier Abena, renchérit que rien n’est comme par le passé. “Nos femmes doivent nous comprendre, même si on ne leur donne pas assez d’argent pour la préparation. Ce qui est important, c’est de trouver quelque chose à mettre sous la dent et que la journée se passe bien. Sinon penser que tout sera comme l’année passée est une erreur”, a-t-il ajouté.
Les marchés peu ambiants
Si à l’annonce de la levée des mesures de fermeture des marchés, ceux-ci étaient bondés de personnes se bousculant pour faire le marché, le cœur de bien de fidèles musulmans n’a pas véritablement débordé de joie. Jusqu’à la veille de la fête de ramadan, l’ambiance a été morose. Peu de bousculades; pas trop d’achat. Au marché de Dembé, certains commerçants qui viennent d’ouvrir leurs boutiques grâce à la levée de certaines mesures par le Comité de gestion de crise sanitaire (Cgcs), se sont d’abord activés à nettoyer la poussière qui couvre leurs marchandises, en attendant le passage des clients. Devant une boutique, quelques femmes venues acheter les habits et chaussures d’enfants laissent entendre que coronavirus a gâté la fête. “Pour nous les femmes, quand la fête s’approche, nos maris nous donnent de l’argent pour arranger notre maison et acheter les habits des enfants, ensuite pour nous tresser et faire des tatouages mais ce n’est plus possible avec la situation que nous avons traversée”, dit l’une d’elles. Selon le boutiquier Mahamat Ahmad, “depuis que les boutiques ont été fermées, nous n’avons pas d’argent. C’est aujourd’hui qu’on vient d’ouvrir et la recette qu’on va faire ne va pas nous permettre de fêter avec la famille”.
Dans les couloirs du marché, des vendeurs d’habits étalent leurs articles. Autour d’eux, et pendant que certaines personnes font des achats pour leurs progénitures, d’autres viennent uniquement pour voir à quoi ressemblent les préparatifs de la fête qui coïncident avec la réouverture des marchés. “Je ne suis pas venue pour acheter quelque chose mais comme ils ont dit que les marchés sont ouverts, je suis venue pour constater moi-même si cela est vrai”, raconte Nélem, une jeune dame.
Non loin du marché de Dembé, trois hommes attendent devant un atelier de couture pour le retrait de leurs habits. Mais Ousmane, leur couturier ne cesse de se plaindre. “C’est aujourd’hui qu’on nous a permis d’ouvrir nos ateliers. Les années précédentes, à un moment pareil, nous sommes débordés des clients, mais cette année c’est assez juste parce que la pandémie a provoqué une crise financière et les gens n’ont pas d’argent pour payer les habits”, déplore-t-il. Même constat chez Djiddo, un autre couturier habitant le quartier Moursal dans le 6ème arrondissement. “Jusque-là nous n’avons pas reçu plus de dix commandes, ce qui veut dire que rien ne marche pour cette fête”, a-t-il ajouté.
Au marché central de N’Djaména, les boutiquiers ont aussi repris service. “D’habitude, c’est pendant les moments de fête que nous faisons assez de recettes”, observe Moustapha. Mais Idriss Tidjani, client de son état, se plaint de la cherté des articles. “Je ne sais pas si c’est à cause de la fermeture des marchés mais les marchandises sont très chères”. Et le renchérissement des prix des articles se constate un peu partout chez les commerçants, les pâtissières non plus ne dérogent pas à la règle.
Mendjiel Virginie, stagiaire