Une semaine de grève paralyse la justice  

Après l’indicent du 17 septembre 2020 survenu au Palais de justice, les avocats, les notaires et les magistrats ont entamé des grèves pour réclamer plus de sécurité et d’indépendance. Un mouvement qui n’est pas sans conséquence, mais les acteurs judiciaires la trouvent indispensable.

Beaucoup de prévenus auront passé au moins une semaine supplémentaire en détention suite à cette grève de protestation des acteurs judiciaires. C’est le cas d’une dizaine de clients du cabinet Abdou. “C’est une question de liberté donc c’est vraiment très difficile. Et la grève n’a pas prévu des mesures de dérogation. Sinon nous avons plusieurs affaires qui étaient programmées et nos clients devraient être fixés sur leur sort au courant de la semaine. A la reprise, il va falloir repartir sur la base de nouvelles programmations”, s’est plaint le gérant du cabinet, Ndilyam Mouadjimtog, qui reconnaît la nécessité de cette grève. Il a aussi évoqué les appels incessants des clients. “Il y a d’autres affaires qui sont en référé, des affaires commerciales, etc. Nous avons aussi les intérêts des entreprises sous les mains. Les clients nous harcèlent pour demander par exemple si la semaine prochaine, ça pourrait être possible”, poursuit-il. Mais l’avocat ne peut donner des réponses claires étant donné que la grève lancée par l’Ordre des avocats n’est pas définie sur une période précise.

Les prévenus dans l’affaire ayant conduit à la condamnation du colonel Abdoulaye Ahmat Haroun ne sont pas du reste. Trois des six prévenus (les mécaniciens) devraient retrouver leur liberté le 17 septembre n’eut été l’incident survenu le même jour et la grève qui s’en est suivie. “Les trois jeunes prévenus ont été relaxés le 17 septembre. Mais jusqu’à hier (mercredi 24 septembre),  ils n’ont pas retrouvé la liberté. Suite à cet événement monstrueux que nous avons vécu, aucune diligence n’a été faite pour que ces jeunes-là retrouvent la liberté. C’est hier que j’ai pu obtenir ce document. J’espère qu’ils ont pu retrouver la liberté”, témoigne Me Max Loalngar, par ailleurs président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (Ltdh), qui s’est constitué d’office pour défendre les jeunes garagistes.

Mais pour Me Max Loalngar, les conséquences sont à minimiser “face aux faits qui ont justifié cette grève, je n’ai pas à réfléchir sur la conséquence. C’est une grève qui s’impose. Les clients sont les victimes collatérales”, estime-t-il. Il est joint dans cette logique par Me Athanase Mbaïgangnon, président de l’Ordre des avocats du Tchad. Pour le bâtonnier, les clients n’ont qu’à prendre leur mal en patience puisque c’est pour la sécurité des acteurs judiciaires et même des clients que la grève est enclenchée.

Du côté des notaires, c’est une grève très coûteuse. Ceux-ci ont fermé leurs études de jeudi à samedi. Après ces trois jours d’inactivité, le manque à gagner est grand. Mais “nous devons être solidaires avec nos amis magistrats parce que demain ça peut nous arriver aussi”, justifie Me Djomia Germain, président de la chambre des notaires.

Le silence des autorités

Les revendications des avocats et des magistrats ont convergé vers la poursuite et le jugement du colonel et ses complices. Ce point est résolu en partie. Les 5 complices ont été condamnés à 5 ans de prison ferme dans un procès à huis clos et les accusés n’ont pas disposé du droit sacré de la défense. Le colonel Abdoulaye Ahmat Haroun, précédemment condamné à 5 ans voit sa peine doublée même si lui et ses acolytes comptent interjeter appel.  Par un décret publié le 25 septembre, lui et deux de ses complices, le colonel Hassane Ahmat Haroun et le capitaine Rahama Mahamat Yaya sont radiés de l’effectif des forces armées et de sécurité. Une nouvelle qui ne ravit pas autant les magistrats qui revendiquent aussi l’inculpation des femmes impliquées dans l’incident du 17 septembre qui n’ont pas été arrêtées, selon le secrétaire général du Syndicat des magistrats du Tchad (Smt), Djonga Arrafi.

Sur les autres points de revendication, notamment le renforcement de l’effectif des agents de sécurité, la sécurité des magistrats et de tous les acteurs judicaires, rien n’est encore fait. “Nous avons ni été rapprochés par une autorité quelconque, ni entendu des soupçons d’éventuelles rencontres. Nous faisons pour l’instant cavalier seul”,  informe le secrétaire du Smt qui rassure qu’ils ne transigeront sur aucun point de leurs revendications. Les magistrats entendent aussi remettre un mémorandum dans lequel seront détaillés tous les points de revendication au chef de l’Etat.

En attendant, magistrats et avocats se réuniront le lundi 28 septembre, en Assemblée générale pour évaluer leurs actions.

Lanka Daba Armel