La Coordination des actions citoyennes, Wakit Tama, a présenté le 10 juillet à la presse, un document issu de sa “journée de réflexion citoyenne pour un Tchad nouveau”. Ce document qui porte le nom éponyme fustige particulièrement les dérives du régime Mps, la complaisance des partenaires internationaux et la France colonisatrice.
Le document est produit à l’issue de la journée de réflexion citoyenne des forces vives organisée le 22 février 2021 au Cefod, suite logique du contre forum. Les fora organisés en 2018 et 2020 par le régime Mps occupent la grande partie du 1er thème du document intitulé “crise politique et institutionnelle au Tchad”. Cette crise a commencé en 2005 quand la constitution de 1996 était modifiée pour sauter le verrou de la limitation des mandats. Puis ont suivi les deux derniers fora qui ont mis les institutions à terre. Le thème s’achève en relevant trois “grands défis pour la construction de l’Etat : faire vivre ensemble des populations qui n’ont connu que l’autoritarisme, la violence et la répression des différents pouvoirs ; permettre aux populations d’être des promoteurs et des acteurs de la construction d’une société de liberté où les valeurs humaines prédominent et la construction d’une économie nationale qui réponde aux exigences de l’autosuffisance alimentaire, du recul réel de la pauvreté et du pouvoir des moyens propres pour l’éducation, la santé, etc.”, recommandent les forces vivent.
Le 2ème thème est consacré à “la crise économique et aux finances publiques”. Sont relevés, les mauvais classements du Tchad sur le plan économique. Dernier pays en indice de développement humain, dernier en compétitivité économique et une croissance économique ayant une moyenne de – 0,2% par an, pour une population qui croît en moyenne de 3,6% par an. Au niveau des finances publiques, “l’exécutif ne respecte plus les procédures d’élaboration, d’exécution et de redevabilité en matière budgétaire. Les lois de règlement ne sont plus envoyées à l’Assemblée nationale depuis 2003 à 2020. Sans oublier les dépenses incontrôlées de l’exécutif ou encore la promotion massive, sans éthique des personnes sans formation aux règles minimales de gestion des finances publiques, leur nomination dans tous les postes juteux, est encore de nos jours, un véritable goulot d’étranglement des finances”, décrit le document qui mentionne aussi le “rachat de quelques industries par les tenants du pouvoir et liquidées par l’ajustement structurel”.
Le 3ème thème traite de la “crise sociale”. Il est relevé l’état de pauvreté criard des populations tchadiennes, le mauvais partage des ressources pétrolières. D’autres inégalités sociales telles que l’accès à l’emploi, au revenu, à l’éducation, à santé et au logement ne sont pas du reste. “N’Djaména est constituée à 90% d’habitats de bidonville”, souligne le document en se référant à un rapport de la Banque mondiale.
Le 4ème thème traite de la “crise diplomatique et de la coopération internationale”. Il est largement consacré à la dénonciation des rapports entre la France et le Tchad. La France exploite ses anciennes colonies qui utilisent le franc CFA en tirant avantages des devises. La Coordination des actions citoyennes demande également la renégociation de la présence militaire française sur le sol tchadien, depuis 1894. Sinon, dans l’état actuel des choses, elle viole la souveraineté du Tchad. Elle demande à revoir la question de la dette coloniale et dénonce la volonté de la France qui veut toujours choisir ceux qui doivent être au pouvoir. “A l’international, aux Nations unies, dans les rapports économiques mondialisés, en Europe, dans les unions économiques et politiques, Paris continue à peser de tout son poids pour que les lignes de cette stratégie restent intangibles”, estime le document, qui recommande l’adoption de l’anglais comme langue officielle “pour sortir du contentieux linguistique français-arabe”.
Le 5ème et dernier thème consacré à la “paix et sécurité” relève que le Tchad se trouve dans le top 10 des pays les moins pacifiques en Afrique. Il le présente comme un pays exportateur de la violence. L’Agence nationale de sécurité (Ans) est présentée comme l’institution qui perpétue la répression au Tchad.
Même si le document est produit en février, avant la mise en place du Conseil militaire de transition, le coordonnateur de Wakit Tama, Max Loalngar pense qu’il est d’actualité. “Il faut dire que l’exigence de la justice est plus que jamais nécessaire. La jeunesse est marginalisée, les lauréats des grandes écoles sont abandonnés sous prétexte qu’il n’y a pas de moyen financier alors que tous les jours, des recrutements se font pour le compte de la gendarmerie et de l’armée. La junte qui a pris le pouvoir ne se résume pas seulement à 15 officiers supérieurs. 15 officiers, c’est 30 moyens de locomotion dont 15 V8 acquis à 100 millions de francs l’unité. Et c’est pratiquement un milliard 500 millions de salaire pour ces 15 généraux chaque mois. Et on ose nous dire qu’il n’y a pas de moyen pour la santé, pour l’éducation. Alors que chaque jour, des moyens colossaux sont engloutis dans une gabegie sans souci de retisser les liens sociaux. C’est pourquoi, Wakit Tama, en produisant ce document veut interpeller la responsabilité des uns et des autres. Le peuple ne doit pas se laisser déborder par les velléités intestines et criminelles. Nous disons que la stabilité ne doit pas se faire au détriment du bien-être de la population. Nous ne pouvons veiller à la sécurité mondiale sans veiller sur notre propre sécurité”.
Lanka Daba Armel