Appel à un sursaut national

Après trois mois de travaux, les forces vives ont publié le 4 février 2021, une “déclaration de principes” autour de 11 objectifs fondamentaux. Elles appellent à un sursaut national pour changer de pouvoir et reconstruire le Tchad.

Certaines organisations de la société civile et des partis politiques avaient refusé de prendre part au 2ème forum national inclusif tenu du 29 octobre au 1er novembre 2020 estimant qu’il n’est pas véritablement inclusif. En opposition à cette messe, dont les issus étaient connus d’avance, ces organisations de la société civile et quelques partis politiques ont proposé un forum alternatif qu’ils jugent plus inclusif pour mieux plancher sur les maux qui minent le Tchad. Cette annonce avait mis le gouvernement dans tous ses états au point d’interdire cette rencontre et menacer certains leaders de la société civile et des partis politiques. Ce qui a conduit les organisateurs du forum alternatif à changer d’approche. “C’est parce que nous avons adopté pour une autre méthodologie, que nos travaux ont pris plus de temps que prévu”, a commenté un organisateur. Qu’à cela ne tienne ! La déclaration publiée pose un véritable diagnostic des maux profonds qui empêchent le Tchad de prendre un véritable envol pour un développement socioéconomique, pour lesquels les organisateurs du forum citoyen tiennent pour responsable le régime Mps. “Le Tchad a opté pour la forme républicaine de l’Etat à l’indépendance. Le pouvoir politique, échu aux Nationaux, a eu pour mission de faire des pays et territoires du Tchad ‘’une unité nationale”. Un défi toujours présent d’autant plus que les luttes entre les élites ont privilégié et institué la guerre et la violence comme un moyen de conquête du pouvoir d’Etat. Les immixtions permanentes des forces étrangères dans les conflits internes ont influé sur notre capacité de décider de notre destin. Le Mps est le dernier avatar de cette forme de lutte politique. Expurgé de ses membres fondateurs, débarrassé de ses alliés de première heure, recomposé avec le personnel politique des systèmes antérieurs, le Mps est devenu un appareil de mystification politique à la dévotion d’un seul homme. Cette structure a servi à Déby pour dévoyer la démocratie et monopoliser tous les pouvoirs. Le paroxysme est atteint par l’instauration de la 4ème République et son élévation au titre de maréchal”. Cette déchéance n’a pas commencé aujourd’hui. “Depuis 1990, jamais notre pays n’a connu autant de reculs dans tous les domaines surtout les libertés fondamentales et les droits humains. Ce pouvoir antinational, prédateur a, en trente ans de gouvernance, installé le chaos par la destruction systématique et programmée des institutions d’Etat, suscité et organisé les conflits et affrontements entre les peuples et les communautés, détruit le tissu économique et financier du pays, confisqué la richesse nationale et les biens publics, appauvri les populations, plongé la nation dans la misère, l’archaïsme par la mise en exergue des contre-valeurs et l’érection des coutumes désuètes, planifié la destruction de l’éducation et du système sanitaire”, relève le document.  Selon les signataires de la déclaration, si rien n’est fait, le Tchad sera un champ de ruines et les hommes et les femmes condamnés à l’émigration ou à l’exil. C’est pourquoi, ils pensent que les Tchadiens peuvent par un sursaut national, changer de pouvoir et reconstruire le Tchad sur la base d’un consensus national et d’un engagement autour de 11 objectifs fondamentaux. Ce sont, entre autres : “le refus de faire de la guerre un moyen de la conquête du pouvoir. Le refus du monopole sur les médias publics et son corollaire, le culte de la personnalité couverte par le mensonge et la désinformation ; le refus de l’instabilité institutionnelle comme mode de gouvernance du pays : les découpages permanents et à profusion des entités administratives notamment les cantons, les départements ministériels, les changement intempestifs des dénominations des structures étatiques, les nominations des incompétents à des buts clientélistes, les recrutements de soldats sur des bases tribales, la constitution d’une hiérarchie d’officiers fidèles, issus de l’administration civile pour la plupart, bref toutes les nominations de complaisance qui ne responsabilisent pas les ressources humaines formées et méritantes”. Par contre, au regard de ce qui précède, les forces vives revendiquent une constitution démocratique et des reformes qui réhabilitent et modernisent les administrations centrales et territoriales. Il faut rendre la justice indépendante, professionnaliser les forces de défense et de sécurité. Les fonctions et les responsabilités dans l’appareil d’État doivent protéger l’intérêt général, la justice, l’équité, le devoir d’assistance et de solidarité nationale.

Les forces vives ne comptent pas s’arrêter là. Une version plus détaillée de la déclaration verra le jour dans les jours à venir.

Gaspard Boulaledé