Douze manifestations de référence (festivals, salons, défilés, etc.) dont neuf privées à caractère international et trois institutionnels, font le Tchad culturel. Toutes se situent au dernier trimestre de l’année, et probablement ne pourront se tenir cette fin d’année.
La raison évidente est que les économies mondiales sont durement éprouvées par la pandémie de la Covid-19. Tous les secteurs, qu’ils soient publics ou privés ont la gueule de bois et tentent de se réadapter économiquement au nouvel environnement mondial imposé par le coronavirus. Ensuite le déconfinement se fait progressivement au cas par cas selon les pays. Le Tchad a amorcé le sien à partir de juillet et va se prolonger certainement dans le temps, en fonction de la régression de la maladie. La levée de ces mesures est bien accueillie, certes. Mais la prudence reste toujours de mise et l’adoption des gestes barrières, notamment le port des masques, le lavage des mains au savon et la distanciation sociale sont toujours fortement conseillés et à observer. Même si dans la pratique, ce n’est pas toujours le cas.
Quatre manifestations se situent en décembre, notamment celles relatives à la danse contemporaine (Souar Souar: 7 éditions), musique (NDjamvi: 13 éditions), littérature (Le Souffle de l’harmattan: 6 éditions), Mode et stylisme (Saamha: 9 éditions). En novembre il y a le Slam et poésie (Ndjam s’enflamme: 5 éditions), danse traditionnelle (Mboum: 5 éditions), et en octobre littérature (Rentrée littéraire au Tchad: 1 édition), le cinéma (Fetcoum: 2 éditions) et l’humour (Foire du rire: 2 éditions).
Sur le plan institutionnel, l’artisanat se place en septembre (Jnpa: 5 éditions), en novembre (Mois du livre, de la lecture et le Grand prix littéraire national: 3 éditions) et fin décembre-début janvier le festival Daari (2 éditions) aux allures de kermesse.
Des conditionnalités pas évidentes
Une bonne manifestation artistique ou culturelle est celle dont la programmation est bouclée six mois à l’avance. En début de cette année, le coronavirus s’est étendu à travers le monde pour atteindre le Tchad en mars. Période à laquelle les promoteurs (trices) artistiques et culturels d’une manière générale, commencent par déposer les dossiers d’appui et de recherches de partenariat auprès des structures publiques, privées et organisations internationales. Or, toutes ces structures sont aujourd’hui à la recherche d’un second souffle pour se relancer économiquement. De ce fait, les choix et orientations dans les appuis multiformes, qui prennent en compte les nouvelles donnes, ne seront pas évidents pour ces manifestations. Même si ce sont des cadres adaptés pour diffuser des messages de sensibilisation de proximité, à l’attention d’un large public. Toutes ces manifestations, quelle que soit leur pérennisation, sont loin de se prendre en charge. Chaque année, c’est le même recommencement avec le dépôt des dossiers auprès des partenaires, les gymnastiques au niveau du ministère de tutelle pour tirer son épingle du jeu, etc.
L’appui du gouvernement aux artistes pour atténuer les effets des mesures sanitaires édictées, via le Comité de gestion de crise sanitaire est de cinq millions francs CFA. Un montant qui peut être semblable à une rubrique quelconque dans le budget total d’une de ces manifestations. Dès lors, on peut déjà présager que l’appui du ministère en charge de la culture peut être exclu dans la recherche de financement d’ici là. Par contre, ce dont on peut être sûr, c’est l’accompagnement dans les discours d’ouverture, de clôture et la facilitation de l’obtention de certaines autorisations administratives. Le partenaire traditionnel de bon nombre de ces manifestations à savoir l’Institut français du Tchad (Ift) s’est réadapté au contexte de l’heure. En créant des concepts nouveaux pour maintenir le cap dans la visibilité de ces activités, l’Ift s’est inscrit dans des formats techniques conjoncturels, qui excluent les activités de masse. Et à travers cette institution par ricochet, il faut s’attendre à ce que son réseau de partenaires (institutions diverses, compagnies aériennes, hôtels et restaurants, entreprises et sociétés, etc.) puisse s’accorder sur la même longueur d’onde. Les organismes internationaux qui, d’habitude, soutiennent ces manifestations, obéissent aussi à un ordre mondial qui cherche à mettre la santé publique et la sécurité sanitaire au cœur de ses préoccupations. Les établissements commerciaux et quelques rares sociétés ou entreprises de la place, qui accompagnent ces évènements doivent certainement être en train de gérer leurs dégâts collatéraux, des suites de la pandémie de la Covid-19.
A chacun des initiateurs (trices) de ces manifestations de se creuser les méninges pour se réadapter, maintenir le lien avec son public et le fidéliser, en proposant des activités alternatives qui tiennent compte de l’environnement. Sans quoi, il vaut mieux prendre rendez-vous en 2021 à la même période. La survie de ces manifestations en dépend, pour ne pas qu’elles disparaissent et replonger le Tchad, dans un “désert culturel et artistique”, comme le titre d’un article de l’ancien ministre de la Communication Moussa Dago, paru dans Ndjh n°1073 en 2007.
Roy Moussa