“Je ne peux ni ne veux avoir des soldats français sur quel que sol du Sahel que ce soit, alors même que l’ambiguïté persiste à l’égard de mouvement anti-français, parfois portés par des responsables politiques. Moi j’ai besoin d’une clarté”. Ainsi parlait Emmanuel Macron. Le 4 décembre dernier, à l’issue du sommet de l’Otan à Londres, le président français a annoncé qu’il invitait les présidents des cinq pays du Sahel le 16 décembre à Pau dans le sud de la France pour venir clarifier leur position quant à la présence française sur place et ce, à l’heure où le sentiment anti-français grandit dans plusieurs pays sahéliens, sentiment parfois porté, a dit Macron, par des responsables politiques.
“J’attends d’eux qu’ils clarifient et formalisent leur demande à l’égard de la France et de la communauté internationale. Souhaitent-ils notre présence? Ont-ils besoin de nous? Je veux des réponses claires et assumées sur ces questions”, a-t-il insisté.
Le 18 décembre, les présidents tchadien, malien, mauritanien, burkinabé et nigérien iront donc, sans surprise, s’expliquer devant leur parrain français. Macron peut exiger à Idriss Déby Itno, Ibrahim Boubacar Keita et autres de réprimer les chanteurs comme Salif Keita, les politiciens, les activistes et autres citoyens lamda qui critiquent la présence française sur le continent. Mais ni lui ni ses affidés ou marionnettes à la tête de nos Etats ne réussiront jamais à museler ces voix de plus en plus nombreuses et fortes.
Comment les Africains peuvent-ils aimer la France alors que, depuis les indépendances, elle fait et défait à sa guise les dirigeants de ses anciennes colonies? Jacques Foccart a, à l’époque de sa toute puissance, directement ou indirectement pesé sur le destin des Etats africains, en décidant de qui devait diriger tel pays, et qui devait être écarté du pouvoir dans tel autre. Foccart est mort, mais la pratique continue. Le président tchadien Idriss Déby Itno n’a même pas eu honte d’avouer que c’est un constitutionnaliste français dont il a oublié le nom qui l’a contraint de réviser la Constitution en 2006 pour rester ad vitam aeternam au pouvoir.
Alors quand Macron affirme que la France n’est pas au Sahel avec des visées néo-coloniales impérialistes ou des finalités économiques, mais pour la sécurité collective de la région et celle de son pays, c’est à en rigoler. C’est comme lorsque Nicolas Sarkozy affirmait que c’est au nom de la démocratie et de toutes autres valeurs chères à la France qu’il a impliqué son pays dans les crises ivoirienne et libyenne. C’est la France qui a créé le capharnaüm sahélien en mettant le feu à la Libye; c’est à elle de l’éteindre. D’ailleurs, les Africains ne croient plus à sa bonne volonté; ils ont développé vis-à-vis d’elle une suspicion de plus en plus forte, confortée par ses interventions récurrentes en faveur des dictateurs en place.
L’exemple du Tchad est très illustrateur. Depuis le 6 mars 1976, la France et le Tchad sont liés par un simple accord de coopération militaire, technique et logistique. Sur le papier, la France ne dispose pas de base permanente dans notre pays, mais pourtant, depuis 28 ans, elle maintient près d’un millier de militaires sur place, dans le cadre du dispositif Epervier mis en place à la demande du Tchad en 1986, pour contrer une agression extérieure, une offensive de l’armée libyenne. En avril 1990, encore sous Hissène Habré, un protocole additionnel avait été signé concernant le stationnement des troupes françaises sur place. L’accord est complété en 1998.
En 2006, lorsqu’une nouvelle rébellion éclate, les français étaient toujours là avec leurs Mirage pour ouvrir le feu et stopper la colonne du chef rebelle Mahamat Nour qui fonçait sur le palais de Déby. C’était le fameux “coup de semonce”.
En 2008, une fois de plus, la France utilisait les moyens de l’opération Epervier pour fournir des renseignements à l’armée tchadienne et protéger l’aéroport de N’Djaména, cette fois-ci face à la coalition rebelle de Timan Erdimi et de Mahamat Nouri.
En février 2019, ce sont les Mirage de Barkhane qui ont bombardé la colonne de l’Union des forces de résistance (Ufr) de Timan Erdimi dans l’Ennedi Est.
Toutes les fois, la France a choisi de sauver le soldat Déby. Elle a toujours choisi le même camp, le camp d’un dictateur, contre un peuple. Alors pourquoi les Tchadiens, à l’instar des Maliens, des Camerounais et des autres Africains, devraient l’aimer? L’amour, ce n’est pas forcé, M. Macron! Il se mérite, et la France ne mérite pas l’amour des Africains qu’elle maintient dans la pauvreté et sous la férule de ses “sous-préfets modernes” appelés ici “présidents” rejetés par leurs peuples. C’est cette France-là que les Africains détestent, ce ne sont pas les Français.
La Rédaction.