Rnbj qui a requis l’anonymat témoigne et raconte son expérience de mis en quarantaine, de retour d’un voyage.
Le processus de traitement des passagers qui viennent de l’extérieur par vol est le suivant: quand nous sommes arrivés, il y avait une équipe du comité qui attendait les passagers au niveau du tarmac, lieu d’accueil. Un agent prélève nos paramètres (température), puis nous demande de remplir les fiches. Ça ne se passe pas de manière assez organisée. Chaque passager doit retirer ses bagages au niveau du tarmac et il y a à cet effet beaucoup de bousculade, qui constitue même un facteur de risque, par le fait de se frotter les uns aux autres. Chacun veut retirer ses bagages avant l’autre. Et les bagages sont entassés et chargés dans le même bus que les passagers. Pour nous autres, c’est une situation assez préoccupante.
Après cela, les expatriés sont conduits dans leurs résidences. Pour nous les tchadiens, il est question de nous amener là où on doit loger. Nous avons demandé là où on nous amenait, parce que selon les informations reçues, nous devons loger à l’hôtel Ledger Plazza ou au Radisson Blu. On nous rétorque que la prise en charge était terminée et que nous devions nous prendre en charge. Nous avons demandé dans ce cas, à rentrer chez nous en isolement tout en respectant les mesures barrières. L’équipe de service ce jour a complètement refusé, et nous n’avons pas pu rentrer chez nous. Du moins, ils nous ont isolés dans un hôtel quelque part à nos frais. J’ai payé trois nuitées à 30.000 francs jour. Après des pressions, ils sont revenus vers nous pour nous déplacer à Radisson Blu, où nous avons été internés et suivis pendant la dizaine des jours qui restait.
Les conditions de mise en quarantaine sont vraiment difficiles. Parce que déjà, vous n’êtes pas malade, mais stigmatisé. On vous prend comme un potentiel porteur de coronavirus et déjà, la façon dont ceux qui vous servent dans les hôtels vous traitent n’est pas bien. Même les échanges et contacts avec eux, les services (petit-déjeuner, déjeuner et dîner) ne sont pas faciles. Sur le plan psychologique, nous sommes vraiment stigmatisés.
Autres aspects, en termes de service dans la chambre, nous sommes restés couchés sur le même drap pendant 14 jours. Ce qui peut nous exposer, parce qu’en arrivant, nous ne connaissons pas l’état de la chambre, ni qui l’avait occupée antérieurement avant nous. Le compartiment étant réservé pour les gens qui viennent d’ailleurs, est-ce que la chambre a été occupée par un cas positif ou non, puis désinfectée? Nous ne le savons pas. C’était une situation assez déplorable où il est difficile de se sentir à l’aise. C’était mieux d’être chez soi, s’isoler et protéger sa famille que d’être dans de telles conditions.
Sur le plan de l’alimentation, vous n’avez pas le choix, parce qu’on vous impose des goûts. Tout ce que vous recevez, vous devez le manger et si ce n’est pas votre goût vous le renvoyez et c’est tant pis pour vous. Ce qui est bizarre pendant toute la quarantaine, on n’a pas été prélevé, ni contrôlé alors que cela devait être systématique pour quelqu’un qui vient d’ailleurs. Mais par contre, il y a des visites régulières de prise de température et des questions relatives au symptôme de la Covid-19. Nous sommes restés cloitrés pendant 14 jours, sans possibilité de sortir pour se dégourdir les jambes, ou faire du sport dans le jardin de l’hôtel. Passer 14 jours entre la chambre et le balcon sans sortir peut conduire à une dépression. Si cela doit continuer, il faudrait que des dispositions idoines puissent être prises, afin que les gens soient plus relaxes, quand ils sont confinés, et éviter d’être déprimés.
Une autre situation à relever est la gestion des passagers dans les hôtels. On a l’impression d’être en face de deux situations. Il y a ceux qui sont maintenus pour passer la quarantaine et ceux que les voitures viennent chercher et ramener à la maison, dès leur arrivée à l’aéroport, au moment où ils descendent des bus à l’hôtel. Ce sont des situations à laquelle il faut vraiment accorder une attention particulière parce que c’est une question de santé publique et de conscience, c’est pourquoi nous autres sommes restés. Tous ceux qu’on a récupérés pour ramener en ville ne connaissent pas réellement leur situation. S’il s’avérait que des malades existent parmi eux, cela pourrait être dangereux pour la population et c’est très grave. Il faut qu’il y ait du sérieux par rapport à la gestion des passagers. Certains n’ont même pas passé 48 heures à l’hôtel, puisqu’on leur amène des documents sanitaires d’origine douteuse à mon avis.
Propos recueillis par Roy Moussa