Déborah, flic en musique

Déborah veut donner un coup d’accélérateur à sa carrière musicale, dont les albums enregistrés, sans être édités, commencent par remplir sa besace. Votre journal revisite son parcours, pendant ce mois dédié à la femme.

De son nom d’état civil, Ronel Tordibaye Déborah, la cinquantaine entamée, est chanteuse, auteure, compositrice, interprète, chorégraphe et instrumentiste. Cette mère de trois enfants (deux garçons et une fille), est inspectrice principale de police. Née dans une famille d’artistes traditionnels, elle s’est exercée toute jeune sur un instrument monocorde, conservé dans la chambre de sa mère. Ce qui l’a beaucoup inspirée pour la suite. Elle joue à la guitare depuis dix-huit ans. Mais, c’est en 2011 qu’elle commence par développer réellement son art et s’exerce au métier de musicienne. Dès qu’elle a eu l’opportunité de réunir les moyens pour acheter sa propre guitare, elle s’est mise à retravailler ce qu’elle avait entamé. Installée au cœur de sa propre musique, les rythmes du terroir qu’elle apprécie et qui l’inspirent le plus, sont les chants qu’exécutent les femmes pendant les travaux domestiques ou champêtres. “C’est le canal qu’elles utilisent pour transmettre beaucoup de messages à leur mari ou à la communauté”, explique-t-elle. Quelques-uns de ses titres sont régulièrement joués sur les ondes des radios locales. Ronel Tordibaye Déborah estime que son investissement dans la musique du terroir est pour signifier aux jeunes de rester toujours attachés à leurs origines. C’est pourquoi elle a intitulé sa musique: “Ta sil tiya maman Déboh”, entendez,:“à la cuisine de maman Déboh”. Elle invite ainsi tout le monde à sa table, pour y découvrir la force d’une société à travers sa culture.

L’adaptation des rythmes du terroir aux instruments modernes a toujours constitué des difficultés pour bon nombre d’artistes, mais, selon Déboh, la solution réside dans le travail de chaque artiste, pour y arriver.

Des albums en projet d’édition

Déborah révèle qu’elle a plus de 30 chansons composées, trois albums enregistrés, mais non édités jusqu’à ce jour, parce qu’elle n’a ni producteur, ni de manager pour l’accompagner. L’amour pour la musique l’amène, à chaque fois qu’elle est inspirée, à composer et enregistrer dans les homes-studios avec le peu de moyens dont elle dispose. Le premier album (10 titres) date de 2011, le deuxième (12 titres) et troisième (15 titres) sont enregistrés en 2019. “Je suis sûre qu’un jour Dieu m’ouvrira la porte”, espère-t-elle. Pour elle, la musique est un travail que Dieu lui a donné et le faire équivaut à payer une dette morale envers lui. Voilà la raison pour laquelle Déborah éprouve beaucoup de plaisir à le faire et à partager son art avec les autres. Si elle avait l’opportunité de produire un album, dit-elle, la priorité serait accordée, sans hésiter, au tout dernier qui est comme un bébé à qui beaucoup d’attention doit être accordée. “Je donnerai la chance au tout petit d’aider les grands”, rassure l’artiste.

Déborah est peu connue de la scène musicale tchadienne. Elle justifie cela par le fait qu’elle mène une autre carrière qui l’absorbe intensément. Elle a choisi un premier métier, la police, qu’elle aime; ce qui fait qu’elle travaille sa musique beaucoup plus la nuit. L’on retiendra de son parcours professionnel qu’elle est inspectrice principale de police et exerce dans ce corps depuis vingt-quatre ans.

Son parcours musical remonte à 1988, lorsqu’en famille, elle interprète des chansons et rythmes du terroir. Par la suite, elle peaufine son art et se perfectionne dans les instruments majeurs comme la guitare, l’harmonica, la percussion et le saxophone. Deux fois lauréate des trophées World music au festival NDjamvi Editions 2017 et 2018, elle est membre adhérent du Bureau tchadien des droits d’auteur (Butdra). Son objectif, à court et moyen terme, est l’édition de ses albums, la création d’un collectif d’artistes tchadiens pour la révision de l’hymne national “La Tchadienne” et la création d’un centre de formation pour les filles victimes de l’exode rural. Face à la récurrence des conflits agriculteurs et éleveurs, elle ambitionne de devenir médiatrice volontaire dans la résolution et recherche de solutions.

Déborah a représenté le Tchad, en 1997, au Marché des arts et spectacles africains (Masa) en Côte-d’Ivoire. Son dernier concert remonte au 28 février 2020, à l’Institut français du Tchad (Ift). Une sortie accompagnée d’une scénographie remarquable qui a été très appréciée du public.

“Si j’ai un message à l’endroit du public et des fans, c’est de leur dire que j’ai confiance en moi-même, en Dieu et je sais que ma musique portera demain. Je prends de l’âge et il est temps de mettre ma musique sur le marché”, conclut-elle, avec espoir.

Roy Moussa