Les hommes de Dieu, réunis dans une plateforme pour la justice et le droit, appellent le président Déby “à accepter humblement de laisser le pouvoir à un autre tchadien”.
Au Tchad, il est plutôt rare, depuis le premier président François Tombalbaye de voir des hommes de Dieu prendre ouvertement position et demander le départ d’un chef d’Etat en exercice. Et pourtant, c’est bien ce que viennent de faire les hommes de Dieu qui, après un diagnostic de la gouvernance du régime en place appellent à un changement de leader à la tête du pays. Au cours d’une déclaration faite le 6 mars à la Maison des médias du Tchad, les serviteurs du Dieu vivant ont relevé que : “depuis l’indépendance de notre cher pays le Tchad en 1960, le peuple tchadien n’a connu de paix véritable ni de prospérité ni d’épanouissement. Chaque jour que Dieu fait, du sang des paisibles citoyens ne cesse de couler sur le territoire national. Le cas le plus illustratif est l’attaque du domicile de monsieur Yaya Dillo le dimanche dernier (28 février, Ndlr) occasionnant la mort de plusieurs personnes. Des guerres successives, que le Tchad a connues sous les différents régimes politiques, ont causé tant de souffrances et de misère au peuple tchadien. Mais depuis décembre 1990 jusqu’à nos jours soit plus de 30 ans, un régime politique malicieux a su, grâce au soutien de la France se maintenir au pouvoir en instituant un état d’exception qui n’a ménagé aucun effort pour rendre la vie pénible au peuple tchadien. L’injustice, le népotisme, le clanisme, le tribalisme, la gabegie, le pillage des ressources du pays, les assassinats, les conflits intercommunautaires, l’arbitraire sont autant de maux que vit quotidiennement le peuple tchadien. Pendant 30 années de règne, le régime installé par Idriss Déby Itno a prouvé toutes ses limites dans le domaine de la gouvernance, de la liberté d’expression, de la cohésion nationale, de la sécurité des personnes et des biens. Le silence complice du président de la République sur les gémissements quotidiens et les promesses non tenues depuis trente années de pouvoir, prouvent à suffisance qu’il n’est plus le père digne de la nation tchadienne”. D’après leur déclaration, les hommes de Dieu relève que : “c’est dans ce contexte de désespoir généralisé que, nous, hommes de Dieu et serviteurs de Jésus-Christ recommandés par la bible, dénonçons avec la dernière énergie, l’injustice caractérisée, qui se pratique à ciel ouvert dans tous les domaines de notre administration, de nos forces de défense et de sécurité et même dans les chefferies traditionnelles”.
Face à cette situation décrite et susmentionnée qu’ils affirment “vivre dans leur âme et chair et ne pouvant rester sourds et muets aux gémissements du peuple tchadien”, les hommes de Dieu “disent ouvertement au président Idriss Déby Itno qu’il a échoué à mettre en œuvre les stratégies pour le bonheur du peuple tchadien. Le président Déby a fait voler en éclat l’unité nationale, la paix et la cohésion sociale”. Et ils l’invitent par ailleurs “à accepter humblement de laisser le pouvoir à un autre Tchadien pour sortir par une porte honorable. Ce n’est pas une faiblesse, mais plutôt l’amour de la patrie que vous prétendez avoir. Car ce n’est pas votre 6ème mandat qui vous permettra de réaliser le miracle du développement. Ce que vous n’avez pas réalisé en 30 années de pouvoir, pourriez-vous le faire en six ans ?”. Les hommes de Dieu insistent et demandent au président de la République de “prêter attentivement l’oreille à ce que Dieu vous dit en ce jour”. Car selon eux, “la justice élève une nation, mais le péché est la honte des peuples”.
Les serviteurs de Dieu ne se sont pas seulement adressés au président Déby. Ils disent au peuple tchadien du nord au sud, de l’est à l’ouest et du centre “de ne pas perdre courage et de regarder à Dieu pour le salut du Tchad qui arrivera certainement”. Aussi, “à partir de cette déclaration, nous voulons parler au peuple tchadien, que l’heure est à l’action citoyenne. La devise de notre pays ne dit-elle pas ta liberté naîtra de ton courage”, martèlent les hommes de Dieu. Une prise de position tranchante qui ne manquera pas de faire grincer les dents du côté des pouvoirs publics à l’approche de l’élection présidentielle.
Gaspard Boulaledé