Déby prépare sa réélection et sa succession

Le président Idriss Déby Itno a repris, le 18 décembre, son périple national. Nouvelles destinations: les provinces du Lac, du Kanem et du Barh-el-Gazal, à l’ouest du pays. A Bol, Mao et Moussoro, il a gavé ses compatriotes des promesses, comme il l’a déjà fait à Bongor, Pala, Sarh, Mongo ou Am-Timan. Il est un secret de polichinelle qu’il ne tiendra que très peu de ces promesses faites tous azimuts.

Avant de quitter la capitale, il avait promulgué la Loi fondamentale. Désormais, tous les jalons juridiques sont posés. Il peut s’attaquer à sa réélection. Avec les moyens de l’Etat dont il use et abuse, la machine électorale qu’il maîtrise et un jeu électoral dont il a ficelé les règles, il est rassuré de rempiler en avril 2021. Le sixième mandat sera peut-être le dernier. Usé par trente ans de pouvoir et diminué par des soucis de santé qui l’envoient souvent faire des check-up à Paris, il n’a plus la force de sa jeunesse pour supporter seul une présidence qu’il a voulue intégrale en mai 2018. Après avoir fait supprimer le poste de Premier ministre, il a fait réintroduire dans la Constitution un poste de vice-président pour se décharger un peu de ses responsabilités.

Beaucoup d’observateurs se sont empressés de voir dans le vice-président le successeur putatif ou constitutionnel de Déby. L’on lui a même attribué ce plan selon lequel il nommera à ce nouveau poste une personnalité en dehors du sérail, pour amadouer les Tchadiens, puis, après sa réélection, la remplacera par un de ses fils ou neveux pour préserver et pérenniser son régime; c’est la dévolution du pouvoir à la gabonaise, de père en fils.

Mais à la lecture de la nouvelle loi fondamentale révisée, il appert que le vice-président ne sera pas le “futur président” tant redouté. En effet, il n’exercera pas la totalité des pouvoirs du président, mais seulement dans la limite des prérogatives que ce dernier lui délèguera. Et il n’assurera l’intérim du président que lorsque ce dernier sera absent du territoire national ou empêché temporairement. En cas de vacance de la présidence de la République, provoquée par la mort ou la démission de son titulaire ou d’empêchement définitif constaté par le Parlement, l’intérim ne sera pas assuré par le vice-président, mais par le président du Sénat ou, à défaut de ce dernier, par le vice-président de la Chambre haute du Parlement. Le vice-président qui sera nommé par le chef de l’Etat, ne sera en réalité ni plus ni moins qu’un autre premier ministre ou le secrétaire général de la présidence actuel, deux postes que Kalzeubé Payimi Deubet a le privilège d’exercer l’un après l’autre ; il rêve d’être le premier à occuper la vice-présidence. A l’instar de l’enfant de Guégou, ils sont beaucoup à multiplier les appels de pied et manœuvres pour occuper le nouveau strapontin. Nous gageons que Déby le confiera à une femme, pour conquérir davantage l’électorat féminin.

Il faudra surveiller le vice-président ou la vice-présidente, car au-delà de ses fonctions limitées, Déby mettra ses pieds dans l’étrier présidentiel pour l’avenir. Mais il faudra surveiller également le président du Sénat (et peut-être aussi son vice-président). C’est l’un ou l’autre qui devra organiser l’après-Déby et veiller à ce que le pouvoir reste dans le giron clanique. Déby réussira-t-il à trouver des moyens pour organiser des élections locales car ce sont les conseillers provinciaux et communaux qui composeront le collège des électeurs des sénateurs? Rien n’est sûr. S’il tient à créer rapidement le Sénat, il n’hésitera pas à les faire élire par les conseillers communaux actuels, dont le mandat est expiré depuis belle lurette. Ou sera-t-il tenté de les nommer, comme en République démocratique du Congo ? Car venant du Maréchal du Tchad, plus rien ne nous étonne.

La Rédaction.