En quête d’une légitimité dans le sang

Dans la grande salle des Affaires étrangères le 2 mars dernier, Mahamat Idriss Déby a enfin déclaré son envie de rester au pouvoir qu’il a hérité. Ce, 2 jours après qu’il ait ordonné l’assassinat de son propre cousin qui est son principal challenger dans le septentrion. Mais qui sont ces candidats lièvres qui l’accompagneront dans cette élection entachée de crimes ?

Il a dit “oui” à l’appel du Mps et ses alliés qui l’ont porté candidat à la présidentielle en mai prochain. Président, il l’est depuis le coup d’état perpétré contre son père en avril 2021. Par le soutien de la France, il compose le Conseil militaire de transition avec 14 autres officiers supérieurs de l’armée. Au bout de 18 mois qui sont censés mettre un terme à cette transition, il prolonge celle-ci de 24 mois au cours d’un dialogue réunissant les gens de même bord qui viennent de soutenir sa candidature pour la présidentielle. Il se débarrasse de ses 14 officiers supérieurs, et lui devient le président de transition. Il ordonne à ses sbires de tirer à balles réelles sur les manifestants, d’abord le 27 avril 2021 occasionnant plus de 10 morts, et le 20 octobre 2022 avec plus de 100 morts. Tous ces crimes montrent l’ivresse du pouvoir qui anime le prince héritier du pouvoir clanique. Dire qu’il ne sera pas candidat c’est un rêve qui n’est pas permis. Le contraire de cela aurait étonné plus d’un. Et surtout de la façon dont il n’hésite pas à tuer sans pitié. Mahamat Idriss Déby Itno a fini par annoncer son ivresse du pouvoir qui le conduit à user de tous les moyens pour s’y maintenir. Et ce, au lendemain des tueries sans pitié qu’il a ordonnées ses sbires à perpétrer au siège du Parti socialiste sans frontière dirigé par son propre cousin Yaya Dillo Djérou Betchi, exécuté par l’armée qui a pris d’assaut le siège de son parti. Mahamat Idriss Déby, l’homme qui n’hésite pas de tuer quiconque qui menace son fauteuil hérité, a déclaré : “Moi, Mahamat Idriss Déby Itno, je suis candidat à la présidentielle de mai 2024…”, sous les vivats de ses partisans, en tête, le Mouvement patriotique du salut (Mps) avec ses alliés dans une coalition dénommée “Pour un Tchad uni”. Ceux-là mêmes qui ont applaudi feu son père dans les dérives jusqu’à sa disparition tragique. Cette coalition, est une œuvre du Mps qui était toujours aux affaires malgré la mort de son président-fondateur, qui a régné trois décennies sans partage et a mis le pays dans une misère noire et une crise qui sera décidément sans fin. Sans fin parce que ce sont les mêmes recettes qui conduisent Mahamat Idriss Déby Itno à diriger la transition dans le sang et aujourd’hui, il déclare sa candidature pour parachever le plan machiavélique de succession dynastique tant redoutée. Dans cette coalition, tous les grands et anciens partis de l’opposition qui ont tourné casaque dès le début de la transition, rallient le Mps qui a porté naturellement Mahamat Idriss Déby comme candidat. En contrepartie de ce soutien, ces partis à travers leurs leaders, ont eu et auront quelques strapontins, et perdent ainsi leur crédibilité et surtout l’ambition première d’un parti politique digne de ce nom, qui est celle de conquérir le pouvoir.

 

Bientôt le bal des lièvres

Mais en face, l’on a du mal à voir une opposition sérieuse et crédible qui pourrait défier l’héritier du pouvoir clanique dans une élection truquée et où tout le processus ne respecte pas les règles du jeu démocratique des élections. Ce qui amène à se demander quels candidats lièvres pour accompagner le fils-héritier du pouvoir qui voudrait simplement se voiler d’un habillage démocratique pour sa légitimité ? Parce que sans doute, si candidats il y a face Mahamat Kaka, c’est celui de jouer le rôle-lièvre pour montrer aux yeux du monde qu’il y a eu élection au Tchad. Car, on se souvient encore des élections de 2021, 2011 où le candidat au pouvoir fabriquait lui-même ses propres accompagnateurs. Ces mêmes manœuvres politiques sont activées pour produire les mêmes résultats d’une élection qui ressemble à celles décriée comme toujours depuis l’avènement de la fameuse démocratie, sinon pire, qui ont conduit le pays dans des crises politiques qui ne finissent jamais. Mahamat Idriss Déby Itno sera élu dans une élection tout sauf démocratique, transparente et crédible. La victoire déjà assurée, le Mps, lui, nargue l’opinion qu’il n’y a rien face à son candidat. Un copier-coller d’avril 2021.

Mais au regard de la situation de crise politique que lui-même se met à créer, il aura du mal à exercer en tant que président de la République légitime, malgré le régime sanguinaire qu’il est en train de mettre en place. Car il ne sera pas épanoui, sa vie sera menacée. Et si lui-même est en insécurité à cause des crimes qu’il commet sur ses compatriotes depuis le début de la transition jusqu’à ce 28 février où il a ordonné à ses hommes d’assassiner son propre cousin qui voudrait le défier aux urnes, il ne pourra garantir la sécurité des populations et l’intégrité du territoire. Alors qu’il est censé garantir tout cela, mais comment ? Puisque lui-même se trouve être vulnérable !

Nadjidoumdé D. Florent