Encore des examens en période d’intempéries

Le ministère en charge de l’Education nationale et son collègue de la formation professionnelle et des métiers ont récemment mis à jour, le calendrier des examens de fin d’année. Un calendrier qui consacre la totalité du mois d’août aux examens scolaires.

Comme l’année dernière, les élèves sont appelés à patauger dans la boue et dans l’eau  pour aller composer en août prochain. Le bal des examens s’ouvre par les concours d’entrée dans les différents cycles et filières d’enseignements technique et professionnel le 2 août. Suivent ceux des Ecoles normales d’instituteurs programmés du 4 au 7 août.  Les élèves de la classe de troisième entameront le Brevet de l’enseignement fondamental (Bef) du 9 au 13. Le Baccalauréat d’enseignement général secondaire a lieu du 16 au 31 août. Entre ces dates, plusieurs autres examens, notamment, le brevet technique, le brevet d’enseignement professionnel sont également programmés. Pour Chamsadine Mahamat Dahab, proviseur du lycée Félix Eboué scientifique, “les cours ont commencé officiellement au mois de novembre et normalement devraient finir en fin juillet pour que ça fasse neuf mois. Mais à cause des perturbations et grèves connues, je pense que c’est normal que les cours finissent en août dans l’intérêt de nos élèves et faire le maximum pour finir le programme”. Son collègue du Lycée technique industriel, Ahmat Mahamat Haroun pense également que “les deux mois qui restent suffiront à faire le maximum pour que les élèves affrontent les examens sans difficultés”.

Plusieurs élèves ne trouvent eux aussi, aucun inconvénient à ce calendrier. Car, ils estiment qu’ils auront du temps à finaliser le programme et être prêts pour les examens.

 

Un calendrier insoucieux

Le calendrier conçu par les autorités en charges de l’éducation nationale ne tient pas compte d’un certain nombre d’éléments ou de facteurs dans la mesure où les cours ont été réellement perturbés cette année. D’abord, les inondations de l’année dernière ont retardé pendant longtemps la reprise des cours de l’année scolaire 2020-2021. Certains établissements ont repris les cours pratiquement à mi-novembre ou début décembre. Puis, le confinement de la ville de N’Djaména a bloqué de nombreuses familles se trouvant en congé quelque part. Ce confinement a arrêté les activités scolaires dans la plupart des structures publiques. Ensuite, les mots d’ordre répétitifs de la Plateforme syndicale revendicative appelant à la grève à laquelle est affiliée la centrale du Syndicat des enseignants du Tchad, la Confédération indépendante des syndicats du Tchad (Cist), ont aussi perturbé le fonctionnement des établissements. Ces grèves ont occasionné une colère des élèves, en février. Enfin, après la mort du président Déby, le 18 avril dernier, les cours n’ont toujours pas repris jusqu’à nos jours dans certains établissements publics. Toutes ces cessations d’activités scolaires ne sont pas prises en compte par le calendrier de fin d’année.

Pour Djimrassem Thalès, pédagogue et enseignant chercheur à l’université de N’Djaména, l’élaboration de ce calendrier semble utopique. “Il se pose un réel problème d’exécution du programme d’enseignement  aujourd’hui. Parce que la plupart des établissements ont réalisé un seul semestre et il reste encore deux semestres pour aller aux examens. Il y a eu des interruptions qui feront que les enseignants ne vont pas finir le programme. Normalement, il faut exécuter entre 80 à 90% le programme, avant d’aller aux examens, mais, ce n’est pas le cas actuellement. Et cela va jouer certainement sur les élèves. Même si on délivre les diplômes aux bacheliers, la grande question est de savoir est-ce que ces derniers ont de la compétence et la connaissance nécessaires pour poursuivre les études supérieures ?”, s’interroge Thalès. Il ajoute que “les examens sont prévus en août or déjà à partir de juin, il se pose un problème d’accessibilité dans certaines localités. Ce calendrier n’a pas pris en compte les réalités de la totalité du pays parce qu’on peut faire violence au niveau de N’Djaména pour organiser les examens mais dans certaines régions, cela ne va pas être possible”.

Depuis quelques années, l’école tchadienne bat de l’aile. Les principaux acteurs, les enseignants et les élèves  ont manifesté leurs mécontentements à plusieurs reprises face à certaines situations. Mais chaque année, le gouvernement sort un scenario pour achever l’année scolaire.  Le dernier acte flagrant est le passage obligatoire de tous les élèves de l’année 2019-2020 sur la base d’un arrêté, peu importe le niveau des élèves. Pour le pédagogue Thalès, “ces scenarii ont des répercussions négatives sur le système éducatif d’une manière générale (tares, incompréhension, baisse de niveau, etc.). C’est à ce niveau que toutes les personnes impliquées doivent s’asseoir pour étudier sur les possibilités que l’école fonctionne sans arrêt. Parce que, dès lors qu’il y’a un arrêt, le fil des activités est perdu du côté des élèves tout comme des enseignants”.

A ce sujet, Djimrassem Thalès propose des pistes des solutions concrètes pour sortir l’école tchadienne de sa situation actuelle afin de retrouver ses lettres de noblesses.  La première solution est de dépolitiser l’école, parce que de nos jours, l’accès à un poste de responsabilité éducatif est régi par une appartenance à un parti politique au pouvoir, son allié ou être parrainé ou encore des nominations régionalistes. La deuxième est l’investissement conséquent dans les infrastructures éducatives (bibliothèques, laboratoire, des bâtiments, etc.). La troisième est d’investir dans la formation continue des enseignants. La quatrième est de responsabiliser les parents d’élèves. Ces derniers, en plus d’honorer les frais et acheter les fournitures, doivent suivre l’évolution de l’enfant à la maison. La cinquième solution est la création des structures  d’orientation dans les écoles qui en  manquent gravement. Enfin, le pédagogue pense qu’il faut une réelle volonté politique en accordant un budget conséquent à l’Education nationale.

Nadjindo Alex