Entre l’incivisme citoyen et l’arnaque policière : une lutte sans fin

Malgré les décisions prises par la Direction générale de la police nationale (Dgpn) en lien avec le contrôle des pièces des engins, les policiers, au niveau de certains ronds-points de la ville de N’Djaména, ne cessent d’arnaquer les usagers de tous les engins confondus.

Le mal devient encore profond, puisque l’objectif final, n’est plus la vérification réelle des pièces des engins mais bien plus, dans le jeu d’escroquerie sans borne. Loin d’être des régulateurs de la circulation routière, les policiers, derrière l’idée d’exiger aux citoyens de s’acquitter de leurs devoirs, manifestent clairement leur fébrilité face à l’argent, alors qu’ils sont payés par mois pour le travail qu’ils accomplissent. Autour des ronds-points, lorsqu’on observe le comportement de certains policiers, on en déduit que c’est quasiment un grand péché pour eux que de rentrer en famille sans un billet de banque escroqué. “Au Tchad, le contrôle des pièces des engins par les policiers est un pur alibi d’arnaque pour ceux-ci. Quand un policier t’intercepte pour le contrôle des pièces de ton engin, surtout la moto, il veut absolument de l’argent peu importe ce que tu présentes. Je n’ai pas les pièces au complet alors dès qu’ils me mettent la pression, je leur glisse un billet de 1000 ou 2000 francs CFA et ils me laissent passer”, témoigne une de leurs victimes parmi tant d’autres. Mais “ce que je n’apprécie pas trop dans cette façon de faire, c’est que ces policiers ne te donnent pas un reçu justificatif te permettant de te défendre auprès de leurs collègues qui t’attendent encore devant”, chiale une dame qui, elle aussi, vient de subir la même arnaque.

On se rend compte que le métier manque de plus en plus de déontologie, de rigueur face à la dignité. Il faut préciser que la logique imposée par les policiers aux conducteurs des engins est en déphasage avec les décisions de la Direction générale de la police nationale d’une part et celles de la Direction nationale des assurances créée en 2013, d’autre part. “Le contrôle des pièces des engins est monnaie courante. En fait, ce qui peut attirer l’attention, ce n’est pas le fait que le policier rentre avec un billet de banque à la maison, mais plutôt la manière d’intercepter les usagers des engins. Si c’est un engin neuf et que les pièces ne sont pas conformes, il est du droit de la police de s’assurer à travers le contrôle des papiers. Ces cas finissent le plus souvent au commissariat avec des témoins et preuves concrètes, puisque dans une ville comme N’Djaména, la déclaration de perte d’engins est quotidienne. Quant à ce que le citoyen lambda appelle “arnaque”, ce sont juste des pénalités qu’il faut payer. En effet, si l’engin a des papiers expirés (et donc non conformes), l’intercepté doit payer les formalités ou amendes forfaitaires (AF) allant de 3 000 à 6 000 francs CFA. Il arrive parfois que le policier et le propriétaire de l’engin règlent cela à l’amiable par un demi-tarif (1 500 ou 3 000 francs CFA). Cela profite aux deux. Mais, affirmer qu’on est arnaqué avec les papiers au complet en main, je pense que c’est trop dit”, déclare un policier.

En effet, l’exigence civique de ne pas se dérober aux règles de souscription à l’assurance, ne pas circuler avec un engin non assuré, garantit aujourd’hui aux policiers de s’arroger le droit de menace de tout genre et d’escroquerie. Le comble, ces arnaques dépendent de la bourse de la victime. Ce qui n’est pas de nature à aider les services des assurances à amener les citoyens au respect des normes préalables à la mise en circulation de tout engin, en souscrivant à une police d’assurance. Ce qui, selon la Direction nationale des assurances, fait que “le taux de couverture de l’assurance automobile reste en deçà du seuil”.

 

 

Techniciens en arnaques et spécialistes en menaces publiques

Si déjà la plupart des citoyens ayant des engins ne sont pas prêts à souscrire à une police d’assurance, les policiers, eux, n’assument pas non plus bien leur tâche. Le contrôle des pièces des engins est autorisée. Nous policiers, faisons notre travail en toute sincérité si nous nous contentons que de cela. Mais certains d’entre nous tentent d’extorquer de billets de banque aux citoyens. Cette tendance n’est pas seulement interdite par la Dgpn mais aussi et surtout ternit l’image de la police tchadienne censée agir suivant les règles de l’art”, rapporte avec déception un policier. Ce qui n’est pas moins un rappel à l’ordre dans le respect de leur métier. Techniciens en arnaques et spécialistes en menaces publiques, ces policiers censés défendre la population sont plutôt ses bourreaux. Devant ces dinosaures, il n’est pas donné à n’importe qui de prouver son sérieux justifiant les papiers pour les échapper. Pour dire vrai, il devient bien plus facile d’affronter un voleur dans la nuit, que de faire face à un policier au rond-point. Puisque le plus souvent, résister à l’escroquerie policière engendre de vives répressions qui remplacent ainsi leur défaut de s’assurer de la validité des arguments mis en œuvre tendant à extorquer les usagers des engins quelques espèces sonnantes et trébuchantes pour arrondir les angles. “Plusieurs fois, les policiers m’ont intercepté sous l’échangeur de Dembé. Je leur ai à chaque fois présenté toutes les pièces exigées mais comme de vrais arnaqueurs, ils ont exigé une somme qu’ils appellent sans honte “formalité”. Je ne leur donne pas d’argent, mais ils te font perdre beaucoup de temps avant de te laisser partir”, clame un motocycliste. Sacrée manie d’opérer, la quasi-totalité des agents de la brigade de circulation routière, de chemise blanche et pantalon noir vêtus, sont aptes à sauter la clé contact de votre engin avant de demander les pièces.

En principe, quand un citoyen vient pour se faire délivrer la carte grise de son engin, il est obligé d’aller souscrire à la police d’assurance. Cette politique vise à augmenter le taux de couverture d’assurance automobile. Mais ce travail qui devait être assuré par la police et la gendarmerie est ces derniers temps balayé d’un revers de main au profit d’intentions maffieuses préconçues. Que la Compagnie de circulation routière (Ccr) exige que le contrôle des pièces soit fait dans le respect de la déontologie policière et de la personne humaine.

Toïdé Samson,

stagiaire