Ne rien dire et s’arroger le droit d’agir à sa guise procède davantage d’une attitude d’honneur que de se répandre en déclarations grandiloquentes qui ne se traduisent jamais en actes. Car, autant la parole nous élève et nous garantit la fierté lorsqu’elle inspire la promptitude de l’action, autant elle nous rabaisse et nous discrédite lorsque nous en faisons la serpillère de nos divagations émotionnelles, telle une vulgaire parure discursive et divertissante.
Une des sorties les plus pompeuses de notre maréchal président est celle où il prétend vouloir pour le Tchad “une jeunesse audacieuse”, sans doute, s’agirait-il d’un laïus de perroquet, sans âme ni contenu comme ces dégoulinantes logorrhées que certaines plumes vendues pondent pour ornementer la menteuse bouche des autocrates. Sinon, comment s’expliquer que le même individu qui argue tenir à une certaine audace de sa jeunesse, met, dans les faits, tout en œuvre pour l’asphyxier dans ses entreprises? “La jeunesse audacieuse” du grand chef ne serait-elle que celle dont le siège de la pensée est la panse et qui applaudit à se rompre les doigts sans la moindre ombre d’esprit critique? Après la mise en ruine de notre système éducatif; après le saccage en règle du secteur de la culture pour n’évoquer que deux crimes symboliques de la mise en marge de nos jeunes, le président de la République doit certainement se réjouir en silence de voir une jeunesse si parfaitement clochardisée par son plan cynique et machiavélique. L’on a le cœur en sang, fendu de rage et d’amertume, à l’idée de savoir qu’à cet authentique bourreau des innocents, la clique des despotes de l’Afrique (l’Union africaine) aura décerné le titre de champion de la jeunesse. A quel avenir rêve-t-on lorsque l’on gouverne en nourrissant des contre-valeurs tels que la corruption, la prévarication, le népotisme? Qu’espère-t-on bâtir pour les générations futures lorsque l’on érige le mensonge en religion d’Etat? Promeut-on la jeunesse lorsque de dignes diplômés broient du noir, leurs parchemins en bandoulière de misère, tandis que des abrutis et autres analphabètes sont bombardés administrateurs, officiers ou autres dignitaires? Le singulier maréchal de la honte n’a que haine et mépris pour notre jeunesse. Hélas! Cet état des choses n’a rien d’étonnant. En effet, l’indécrottable autocrate déteste les vertus de l’esprit et adule la médiocrité; quoi de plus moral qu’il tienne en horreur la jeunesse, vivier par excellence des compétences diverses et de la méritocratie? Qu’exprime notre président intégral en faisant porter de trente-cinq à quarante ans l’âge plancher pour prétendre à la magistrature suprême dans notre pays? La génération actuelle est de plus en plus précoce, avantageusement bardée de compétences. C’est une fumisterie que de la tenir par des subterfuges aussi malhonnêtes à l’écart de la Chose Publique. Qui plus est, aspirer à la magistrature suprême n’est pas forcément synonyme de triomphe. De quoi le brave officier qui se vante de tant de victoires a-t-il peur? La couronne des grands sied très mal aux âmes qui tremblent, que le maréchal se le tienne pour dit.
Le sens le plus élémentaire de l’honneur, c’est de vaincre ses adversaires dans la vérité; l’élimination des candidats les plus jeunes au travers du verrouillage constitutionnel est une tricherie, au bas mot, pathétique et mesquine; surtout que les lamentables artisans de ce maléfice ne prennent pas la moindre précaution de fixer à la même occasion un âge plafond. La supercherie est trop grossière pour que quiconque l’imagine issue de quelque circonstance fortuite. Lorsqu’un homme agit sans honneur, il est établi que cet homme est par essence une épave existentielle: il est mort… il est quelque chose de profondément révoltant dans les pratiques qui ont cours chez nous; et que se taisent là-dessus les sinistres singes à la bouche en or qui tiennent de faire croire que notre maréchal est un roi magnanime, mais que seul son entourage est méchant et moribond. Pour garder dans son entourage pendant tant de temps autant d’esprits toxiques, il faut soi-même être du même bois; car, l’entourage du grand chef, personne, à part lui-même, ne le choisit et le constitue. Ce n’est pas à l’insu du maréchal président que des béotiens sont promus en lieu et place des personnes qualifiées et méritantes; ce n’est point à son insu qu’un système fiscal absurde écrase les jeunes, qui, en refusent les voies hétérodoxes, épousent l’entreprenariat pour gagner leur pain; ce n’est pas à son insu, mais, l’homme semble se délecter et jouir de nos malheurs. La gérontocratie érigée par le grand maréchal est d’autant plus incompréhensible que lui-même est un homme, qui aura embrassé jeune, de grands destins. Oser se rebeller contre une dictature des plus féroces, réussir à la décapiter, proclamer le pluralisme politique, que d’entreprises glorieuses au crédit de notre maréchal président. Mais, pourquoi a-t-il aujourd’hui cette peur panique qu’il aura lui-même invitée à l’audace? Que penser objectivement d’un homme incapable de prendre l’exemple sur son propre parcours, sa propre expérience? Ou alors, à défaut de pouvoir s’inscrire activement dans l’histoire de notre pays, ce rompu à la ruse aspire-t-il à se constituer, par des moyens artificieux, plus jeune héros de notre histoire?
Quoi qu’il en soit, le chef de l’Etat se doit de se déprendre de cette hystérie de persécution contre les jeunes. Ses obligés lui feront sûrement croire le contraire, mais, aucun jeune, moralement sain, n’est aujourd’hui dupe de sa politique de marginalisation et d’asphyxie.
Béral Mbaïkoubou.