L’humoriste ivoirien Gollé Nestor alias le Maréshal Zongo a séjourné à N’Djaména, dans le cadre d’un atelier de formation des humoristes locaux. Le vendredi dernier à l’Institut français du Tchad (Ift), il s’est produit en spectacle après celui de la restitution des stagiaires.
Son spectacle titré “Attention je me marie”, est un balayage des histoires anecdotiques des couples, des foyers, des vécus quotidiens des familles. Un spectacle qui installe une comparaison et établit un parallélisme, entre la société et une vie de famille. Pour le Maréshal, “une société stable ne peut pas se construire avec des familles et foyers instables. Le mariage entre deux personnes de culture et d’éducation différentes, qui se rencontrent avec deux visions de vie différentes, c’est choisir de se mettre ensemble pour cohabiter. Cela demande de la concession, de la tolérance, de la patience”. Il en établit un parallélisme avec les sociétés actuelles dont les modes de vie sont basés sur l’intolérance, l’injustice, et qui veulent imposer aux autres la pensée unique (appartenance à un même parti politique, à une même religion, une même région, une même communauté) et des agissements aux antipodes des normes sociales (traditions, us, coutumes et mœurs). “En résumé, c’est pour dire qu’on est toujours dans le jugement des autres, sans se remettre en cause soi-même. Alors que si on regarde en l’autre l’amour qu’il donne, le bien qu’il fait autour de lui au lieu de voir tout ce qui est négatif en lui, je pense qu’on va se créer moins de problème”, estime-t-il. “C’est de la rigolade basée sur un fond qui vous envoie au-delà du juste pour rire. Parce que je ne sais pas faire du juste pour rire. Je me dis que l’humour est un habillage dans lequel il faut mettre un contenu qui sensibilise, informe, instruit et qui transforme”, précise Zongo.
“La formation des humoristes tchadiens en question”
A l’initiative de son jeune frère artiste tchadien Banda Samandar qu’il a rencontré à Abidjan au Masa, puis au parlement du rire, un projet de formation est né. Pour le Maréshal Zongo, “avoir des acquis sans transmission veut dire il y a un problème. Nous avons bénéficié du savoir-faire des aînés qui nous ont encadrés et c’est à notre tour de les transmettre”. L’appui et le soutien de l’Institut français du Tchad ont été déterminants dans sa mise en œuvre: “nous avons échangé, donné les BABA, parler des dimensions artistiques et de la scène, de l’humilité et de la vision qu’il faut avoir. Ne pas vivre selon le regard des autres ni ce qu’ils attendent de vous, mais vivre selon ce que voulez vivre comme artiste. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes artistes sont prisonniers du regard des autres. Il faut juste réveiller leur esprit en leur disant de ne pas s’emprisonner par ce qu’ils voient”, conseille-t-il. “Nous avons donné aussi des clés parce que beaucoup pensent que tout commence sur la scène, alors que tout commence plutôt sur un bout de papier avec un texte. Puis vient la scène. Tout le monde veut être sur la scène, mais il y a des critères, des principes et des règles. Comment se tenir, comment parler, qu’est-ce qu’il faut dire ou ne pas dire, etc. Il y a beaucoup de petites clés que nous avons partagés”, souligne l’humoriste.
Sur les humoristes tchadiens, Maréshal Zongo fait deux constats. Premièrement, ils ont de la détermination et une volonté de foncer, mais ont grandement besoin d’encadrement, d’orientation et d’avoir confiance en eux. De même, il constate que tout le monde est influencé par le stand-up. C’est-à-dire monter sur scène tout seul pour jouer. “Il y a des duos, trios, quatuors, et même des troupes qui font de l’humour. Le stand-up dans sa forme légère fait que c’est une seule personne, donc c’est facile à transporter pour voyager. Un monsieur comme Gohou qui est un des comédiens africains les plus connus a réussi à avoir du succès, mais ne fait pas de stand-up. On peut être drôle sans être un stand-uper. Il faut parler dans un langage que les gens comprennent autour de vous, de ce qu’ils connaissent et vivent. L’humour est culturel donc si tu veux faire de l’humour au Tchad, tu dois t’inspirer des réalités d’ici avant de t’ouvrir sur l’Afrique et le reste du monde. Cela permet de ne pas s’écarter de sa propre culture pour la dénaturer”, observe-t-il.
Comédien de formation, c’est avec l’humour que Maréshal Zongo s’est fait beaucoup plus connaître. Il a découvert le grand public et les médias autour des années 95. Il a créé par la suite le duo Zongo et Tao qui l’a véritablement propulsé dans le domaine de l’humour et permis d’être connu au-delà des frontières ivoiriennes. Pour l’artiste, l’une des consécrations de son art résulte d’un moment le plus important de sa carrière qu’il ne peut oublier: “c’est en 2005, lorsqu’une étudiante a fait sa thèse de doctorat sur les textes d’humour que j’ai écrits pour Zongo et Tao. C’est vraiment une sorte de consécration, même si c’est beaucoup plus une vie d’apprentissage et d’échanges au quotidien”.
Roy Moussa