Il faut de vraies réponses à l’insécurité

Le ministre de la Sécurité publique, Mahamat Abali Salah, a décidé, le 26 février 2020, que les moto-taxis communément appelés “clando” ne doivent plus circuler dans la capitale à partir de 23 h. C’est une mesure contre l’insécurité de plus en plus ambiante à N’Djaména. Ainsi donc, pour Abali, ce sont les clandomen qui sont à l’origine du regain d’insécurité dans la capitale. Et pourtant, les assassins des deux dames en février à Abena (ils les ont violées avant de les tuer) et de l’humoriste Colonel Dinar à Kousseri ne sont pas des clandomen et n’étaient pas à bord de clando pour commettre leurs crimes odieux.

Quel est le fondement juridique de cette restriction de circuler à une certaine heure? Il n’y en a pas! Car N’Djaména n’est pas en état d’urgence. L’Assemblée nationale n’a voté aucune loi à cet effet. Et les clandomen qu’on accuse souvent à tort d’être des bandits, sont les victimes directes de l’insécurité. Ils sont régulièrement abattus et leurs motos emportées.

Comment les policiers font-ils pour distinguer un clandoman d’un motocycliste ordinaire? D’autant que les signes distinctifs des clandomen (notamment le port du gilet) ne sont pas visibles et respectés. Aussitôt le ministre a parlé, aussitôt les policiers ont déclenché une chasse aux clando. L’occasion faisant le larron, ils se jettent sur tous les motocyclistes à partir de 23 h, parfois bien avant l’heure. Au lieu de s’acharner contre des pauvres jeunes gens qui, faute d’emploi, se sont résolus à faire de la mototaxi pour subvenir à leurs besoins, le ministre de la Sécurité publique devrait s’attaquer aux vraies racines du mal (la précarité, le chômage et les frustrations sociales) et prendre les décisions idoines.

La lutte contre l’insécurité va du renforcement de la présence des forces de l’ordre dans certaines zones à l’extension et l’amélioration de l’éclairage public. Or, le 7ème arrondissement, le plus vaste et le plus peuplé de la capitale, manque cruellement de flics à l’instar des autres zones du pays.

Il faut aussi doter les forces de l’ordre des moyens d’action conséquents. Hormis le Groupement mobile d’intervention de la police (Gmip), la force d’élite, les autres corps de la police manquent pratiquement de tout. Aujourd’hui, sous le viaduc du marché de Dembé, un bandit peut sortir un couteau et vous agresser, arracher votre téléphone portable ou sac à main, au nez et à la barbe des policiers; ceux-ci  justifient leur inaction par l’absence de moyens et “la peur de mourir pour rien”.

Il est clair que l’action policière a montré ses limites. Si la police (le Gmip en particulier) est plus prompte et efficace à réprimer violemment les manifestations pacifiques, elle n’arrive plus à prévenir les nombreux assassinats.

Dans la lutte contre l’insécurité, il est temps d’expérimenter au Tchad le community policing, cette forme de sécurité fondée sur une coopération entre les résidents locaux et la police, qui a émergé aux Etats-Unis et en Grande Bretagne à partir des années 80, a fait recette et a été largement exportée, notamment vers les pays anglophones d’Afrique et d’Asie, dont le Nigeria et l’Afrique du Sud.

                           La Rédaction.