Il répond au ministre de l’Education nationale

« Courrier du lecteur »

Selon Mbayana Laokoura, secrétaire général du Syndicat des enseignants (Set) de la province de N’Djaména, “Augmenter les frais d’inscription et fixer des frais de scolarité pour avoir accès à l’éducation, c’est tuer le système éducatif”

« C’est avec stupéfaction que nous avons appris via les réseaux sociaux, que le ministre de l’Éducation nationale et de la promotion civique entend augmenter les frais d’inscription à 2500 et la scolarité à 5000 francs par trimestre. La question que nous nous posons est la suivante : est-ce que ce sont les 5000 francs par trimestre et par enfant ou bien par parent ? Dans tous les cas, même si c’est par parent, je crois que cette augmentation ne va pas arranger ces derniers. Au contraire, elle va tuer le système éducatif. Tout simplement parce qu’en matière d’éducation, la constitution et la charte de transition sont claires sur sa gratuité. Mais quand on cherche à augmenter les frais d’inscription, c’est, sans risque de me tromper, tuer le système éducatif.

À mon humble avis, l’État a de problèmes, raison pour laquelle certains parents s’organisent entre eux pour pouvoir soutenir le système éducatif, et leur apport est même apprécié. Puisque d’une manière ou d’une autre, dans les villages, généralement, les structures d’accueil ne répondent pas aux exigences scolaires et c’est l’apport des parents d’élèves qui contribue le plus souvent à la construction des hangars servant quelquefois de salles de classe, à la fabrication des tables bancs et même à l’achat de certaines fournitures pour le fonctionnement des établissements. C’est déjà une bonne chose et c’est appréciable. Si nous pensons réellement redorer le blason du système éducatif qui s’écroule, il serait raisonnable d’encourager les parents dans ce sens. Mais aller demander aux parents de donner 2500 francs pour l’inscription et 5000 par trimestre, ce serait aller en aventure, parce que beaucoup d’enfants resteront à la maison parce que les parents n’auront pas les moyens pour payer ni ces frais d’inscription ni ceux de scolarité trimestrielle envisagés. Ce qui conduira à la fermeture des écoles, surtout dans les zones les plus reculées dans beaucoup de provinces.

Aussi, on s’interroge sur la conduite à tenir vis-à-vis des établissements privés qui n’attendent que de pareilles occasions pour grossir leurs caisses en augmentant les frais de scolarité, dès qu’ils constateront l’augmentation des frais d’inscription et de scolarité dans les établissements publics. Je crois que l’on est en train de donner simplement l’occasion aux établissements privés d’augmenter également les frais de scolarité. Il faut l’avouer, la situation est critique, car s’il faut voir les conditions dans lesquelles vivent les fonctionnaires, déjà qu’ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts, par quel miracle les parents d’élèves qui n’ont pas assez de revenus pourront inscrire leurs enfants à l’école? Nous doutons fort que le système éducatif tchadien soit sauvé avec une telle proposition. Sinon, quand on parle de la refondation de l’éducation, c’est de chercher à améliorer autrement la qualité du système ou mieux, réduire les frais d’inscription, par exemple à 500 francs par enfant, pour respecter l’engagement du gouvernement à rendre l’éducation accessible à tous. En revanche, augmenter les frais d’inscription et imposer des frais de scolarité nous plongerait dans l’obscurité. À cet égard, nous ne croyons pas que cette mesure proposée par le ministre soit la bonne. Elle n’arrangera pas vraiment le système éducatif. »