“Je vis pleinement de mon art”,

soutient et affirme Mariam Sougué, artiste plasticienne burkinabé, qui a séjourné à N’Djaména, dans le cadre de la 10e édition du festival international d’art dramatique et plastique pour l’union et la paix (Fiadpup), et des 25 ans du théâtre Maoundoh culture, organisé du 1er au 5 juillet 2024.

Pinceau entre les doigts, elle a laissé sa main parcourir la toile tendue, pour réaliser une œuvre à main levée tout en parlant de son art qui le nourrit. Quatre autres sont réalisées dans les conditions similaires, autour de quelques-uns de ses thèmes de prédilection (le vivre-ensemble et l’assainissement). Difficile de penser qu’elle n’est pas tchadienne, tant son sens d’accueil, son aspect physique avec son teint naturel d’ébène et son comportement, avec ses parures de fabrications locales s’y prêtent. Très vite adaptée pendant son court séjour, elle vous accueille, propose de l’eau à boire ou une tasse de thé ou du café, dès que vous franchissez le seuil du théâtre Maoundoh culture.

Artiste plasticienne peintre burkinabé qui vit et travaille au Burkina Faso, elle est également commissaire d’exposition et promotrice culturelle à travers sa galerie “Kanoudia” gérée par elle-même. “L’art plastique pour moi est une passion et un amour. Toute petite à l’école, j’aimais les dessins, cahiers de souvenirs, etc. Je ne savais pas dessiner, mais je regardais cela avec une grande passion et j’avais beaucoup d’admiration pour tous ceux qui savaient dessiner”, avoue-t-elle.

 

Un parcours et un métier

Elle a suivi un cursus normal à l’école jusqu’à l’obtention de son bac option comptable. Mais elle était dans tous les évènements culturels et artistiques, en lien avec l’art plastique pour assouvir sa passion. Ce qui l’amène à se décider à partir de 2013. C’est là qu’elle approche l’artiste plasticien burkinabé Zackaria Ouédraogo, qui a bien voulu lui tenir la main et lui apprendre le métier de dessin et peinture, en étant son maître et professeur. Et c’est depuis 2017, qu’elle a commencé par exposer ses œuvres jusqu’à nos jours. En 2018, elle obtient son brevet de qualification professionnelle en art plastique, qui lui permet d’enseigner, et depuis 2019 en tant que formatrice en art, elle travaille avec les enfants sur ce qu’elle sait faire, dit-elle, ravie.

Sa préférence pour les techniques utilisées par rapport aux matériaux, elle préfère travailler avec la peinture acrylique qui est à base d’eau. C’est ce qu’elle a utilisé ici pour réaliser ces cinq tableaux. “Mais j’utilise également la peinture à huile, puisque je suis artiste portraitiste et l’acrylique pour les autres formes d’art. Mon style de peinture est plutôt figuratif parce que je me plais bien là-dedans, et m’inspire de tout ce qui m’entoure, que je reproduis à travers les couleurs”, se dévoile-t-elle. Et d’ajouter que son choix va vers les couleurs froides. “J’aime le bleu qui se retrouve en quantité dans mes œuvres. Mes thèmes préférés sont la femme et l’enfant”.

La femme, parce qu’elle l’est et estime qu’elles ont les mêmes histoires. Les enfants, parce qu’elle les aime et adore être en leur compagnie. Elle est sensible à la cause des enfants parce qu’ils sont vulnérables. C’est pourquoi sa démarche artistique est orientée vers ces deux êtres. Bien que la plupart de ses tableaux sont inspirés aussi de la culture locale, en lien avec la femme et l’enfant dans ses recherches.

Lorsque vous lui demandez combien de temps met-elle pour peindre un tableau, elle vous répond que ça dépend. Puis ajoute que le temps n’est pas fixe, puisque pour faire un portrait elle met 2 à 3 jours, parfois une semaine parce que le portrait ne se laisse pas faire, dit-elle. Quant à ses œuvres thématiques créatives, cela dépend aussi. “On peut créer plusieurs œuvres en une semaine tout comme une œuvre en trois mois. Ce que tu recherches, c’est le tableau qui va se révéler à toi, donc ça ne tient pas compte du temps”.

 

Vivre de son art

C’est la sempiternelle question toujours posée aux artistes. Mais la réponse de Mariam Sougué est aux antipodes de l’observance du milieu artistique et culturel, lorsqu’on parcourt certaines villes, en regardant comment vivent et se comportent ces artistes. “Oui et je suis formelle puisque c’est mon cas et j’en suis l’exemple. Je vis pleinement de mon art”, affirme-t-elle tout de go. Fonctionnaire burkinabé de son état, elle dit avoir parallèlement à son travail, mené les activités artistiques à ses temps perdus.  “Il y a trois ans, j’ai décidé de renoncer à mon travail de fonctionnaire, pour me consacrer uniquement à mon métier d’art. J’ai pris en ce moment une mise en disponibilité de cinq ans et ma famille trouve que c’est une folie et de l’inconscience, parce que, disent-ils, pendant que les gens cherchent du travail, moi j’abandonne pour faire de l’art qui ne nourrit pas son homme”. Voilà comment elle se distingue, puisque l’art lui donne cette liberté de s’exprimer sans la pression du temps. Elle se définit comme une personne qui cherche, innove, s’adapte, et à l’écoute du public burkinabé, dont elle réalise des œuvres à la portée de sa consommation. “Comme je suis portraitiste, chaque mois j’ai des commandes de portrait que j’exécute, et qui me procure de l’argent pour bien subvenir totalement à mes besoins. Moi, l’art me nourrit correctement”, reconnaît-elle. Plusieurs artistes de son pays vivent également de leur art, témoigne-t-elle, et admet que beaucoup s’en sorte très bien mais il y en a qui rencontrent aussi des difficultés. “Chacun a sa démarche artistique, mais moi je me suis dit qu’il faut aussi que ma population consomme mes œuvres et non produire uniquement pour l’extérieur. Cela vous permet au quotidien de gérer vos charges fixes”. Voilà comment une artiste peut vivre pleinement de son art, et en être un exemple.

Roy Moussa