La bourde du ministre de la Sécurité publique

Le ministre de la Sécurité et de l’immigration, Souleyman Abakar Adoum a rouvert les frontières terrestres du Tchad avec ses pays limitrophes le 17 juin 2021. C’est à Nguéli qu’il a rendu publique sa décision mal habillée car l’administration camerounaise n’a pas été saisie d’avance et a gardé le pont fermé de son côté jusqu’au dimanche 20 juin avant de l’ouvrir.

Quelle mouche a piqué le ministre de la Sécurité publique et de l’immigration! Le moins que l’on puisse dire est son acte peut être qualifié d’incompétence sinon, comment comprendre qu’une administration normale puisse agir de la sorte. Tenez! Dans l’après-midi du jeudi 17 juin, le ministre en question, Souleymane Abakar Adoum et quelques responsables des forces de défense et de sécurité se sont rendus à Nguéli pour annoncer l’ouverture du pont et par voie de conséquence toutes les frontières terrestres. Tant avec le Cameroun et d’autres pays.

Au plus fort moment de la crise sanitaire liée à l’avènement du Covid-19 qui semait la panique, le Tchad avait décidé de fermer ses frontières. Pourtant, les échanges commerciaux entre le Tchad et le Cameroun sont très importants au regard de leur contribution à l’économie. La fermeture des frontières terrestres a eu un grand impact négatif sur les marchés tchadiens mais aussi sur ceux de son voisin le Cameroun à l’exemple de celui de Kousséri à l’autre rive du fleuve Chari dont les marchandises ravitaillent à une forte proportion la population de la capitale tchadienne. Cette décision n’a pas simplement bouleversé l’économie mais elle a également ralenti le cours de vie des populations des deux côtés. Elle a aussi rendu plus difficile le déplacement des étudiants et commerçants qui se rendaient par milliers d’un côté à l’autre. Pour des raisons d’études et de commerce, la fermeture des frontières entre N’Djaména et Kousséri a obligé les gens à traverser frauduleusement le fleuve Logone de jour et de nuit. A quelque chose malheur est bon, dit un adage populaire, les éléments des forces de défense et de sécurité postées au bord du fleuve profitent de la situation pour faire leurs choux gras. Elles exigent, à ceux qui veulent traverser, des sommes d’argent faramineuses.

A l’annonce de la réouverture du pont, au soir du jeudi,  la ville camerounaise voisine de Kousséri était dans la joie. Mais cette joie n’a été que de courte durée. Car, de l’autre côté de la rive, les autorités camerounaises n’ont pas été saisies. Par conséquent, l’ouverture du pont de leur côté n’a pas eu lieu ce jeudi.

Le Cameroun rouvre ses frontières ce dimanche 20 juin

Bien que l’administration tchadienne a rouvert ses frontières, le Cameroun a attendu d’être saisi officiellement. Ce qui rend ridicule la décision du ministre Souleymane Abakar Adoum. Il n’est pas concevable qu’un ministre se lève un bon matin et décide de rouvrir des frontières qui ont été fermées par un arrêté. N’a-t-il pas pensé à la réaction du côté voisin quand ont sait qu’une décision de ce genre doit engager les deux parties? Et si le Cameroun décidait de garder sa position de ne pas rouvrir ses frontières et surtout le pont, à quoi servirait cette décision unilatérale?

Sur le pont exclusivement réservé aux véhicules, le vendredi matin, ce sont les gros porteurs transportant les marchandises qui traversent comme à l’accoutumée. Ils n’étaient pas interdits pendant la période de fermeture. Quelques témoins interrogés sur place à Nguéli révèlent que les autorités camerounaises ont même interdit toute entrée non autorisée, que ce soit par le pont ou par les pirogues, le vendredi 18 juin. “Les femmes qui allaient depuis quelques mois déjà à Kousséri par pirogue pour acheter des marchandises afin de les revendre à N’Djaména ont été interdites ce matin. Les soldats camerounais se sont positionnés aux abords des lieux habituels où les pirogues accostaient pour interdire la traversée”, renseignent-ils. Or, bien avant cette décision, les gens traversaient par la pirogue, quoiqu’illégal du côté de N’Djaména vers Kousséri et vice-versa. La sécurité camerounaise n’a jamais refoulé un tchadien pour avoir bravé l’interdit. Ce refus de voir les femmes commerçantes se rendre à Kousséri comme d’habitude est une preuve qui exprime le mécontentement vis-à-vis d’une administration incompétente. Quel diable a-t-il empêché le ministre de la Sécurité publique d’entamer d’abord les démarches de son intention de vouloir rouvrir les frontières auprès de l’administration camerounaise avant de se rendre à Nguéli pour produire son sketch? L’acte posé par le ministre est simplement une manifestation d’inconséquence. Il reflète à souhait ce qui se fait au Tchad où les décisions verbales valent mieux que celles écrites et dûment signées. Nul doute, des démarches ont été menées pour que le Cameroun accepte de rouvrir ses frontières avec le Tchad ce dimanche à 11 h sur instruction du gouverneur de l’Extrême-Nord. Le ministre à intérêt de tirer de leçons de ce cours administratif que son collègue camerounais vient de lui donner.

Minnamou Djobsou Ezéchiel