La diplomatie tchadienne en prospection

La quête d’un instrument diplomatique adapté au nouvel ordre mondial constitue le principal motif de l’organisation, du 19 au 21 novembre 2019, de la conférence des ambassadeurs du Tchad.

Presque deux décennies après, les représentants du Tchad à l’extérieur sont conviés à cette messe diplomatique qui se tient, selon les organisateurs, à une période cruciale de l’histoire, marquée par des bouleversements et des défis de plusieurs ordres, tant à l’intérieur de chacun des États, que dans la gouvernance de l’ordre multidimensionnel mondial. Le thème des assises en dit long: “le renforcement de l’outil diplomatique face aux défis sécuritaires et le développement durable”.

“Notre diplomatie doit sortir du traditionnel chemin pour mieux cerner les transformations liées à la mondialisation et aux multiples défis de diverses natures auxquels notre continent  est confronté”, justifie Chérif Mahamat Zène, ministre des Affaires étrangères, de l’intégration, de la coopération internationale et de la diaspora, à l’ouverture des travaux.

“Les conflits internes, les crises, le terrorisme, le changement climatique, la criminalité transnationale, les inégalités exacerbées entre les États par l’ordre économique international injuste, les tensions régionales, sont autant des défis qui menacent le monde en général, et l’Afrique en particulier. Dans ce monde complexe, profondément troublé, et en perpétuelle mutation, dont l’évolution est difficile à prévoir, notre pays se doit de renforcer et de moderniser son outil diplomatique pour mieux défendre nos intérêts, tant dans le cadre bilatéral, avec chacun de nos partenaires, que dans le cadre multilatéral”, renchérit Idriss Déby Itno. Face à ces multiples défis, le chef de l’Etat relève qu’il est extrêmement important de revisiter l’action extérieure du Tchad pour mieux apporter des réponses. Cette perspective exige de nouvelles lignes directrices précises et des objectifs à la hauteur des enjeux.

Sur le plan économique, Idriss Déby engage les ambassadeurs à scruter les opportunités avantageuses pour l’édification d’une économie basée sur la transformation des matières premières sur place. “La valeur ajoutée à nos produits et le transfert de compétence et du savoir-faire doivent être les maîtres-mots de toute négociation avec nos partenaires. L’apport des investisseurs étrangers est plus que déterminant dans la mise en œuvre de ce vaste chantier. Mais la mobilisation effective des investissements étrangers et la promotion de l’attractivité de notre pays, reposent en grande partie sur nos Missions diplomatiques et consulaires. Vous devez donc prendre toute la mesure en vous focalisant sur les voies et moyens devant vous permettre, de contribuer efficacement à l’atteinte des objectifs visés par le Plan national de développement (Pnd)”, oriente-t-il.

Le chef de l’Etat demande aux représentants du Tchad à l’extérieur de promouvoir leur pays, avec l’appui de la diaspora,  en faisant connaître la carte de ses richesses et de ses potentialités économiques ainsi que ses sites touristiques et opportunités d’investissements dans les différents secteurs.

Au plan sécuritaire, les ambassadeurs du Tchad ont la mission d’interpeller “ceux qui ont plongé le Sahel dans cette situation d’insécurité généralisée, sans consulter les acteurs locaux, ni les préparer à la menace, pour leur rappeler leur devoir moral de tenir les multiples promesses qu’ils font ici et là lors des conférences internationales de mobilisation des fonds. En rappelant la responsabilité de la Communauté internationale dans la gestion de la tragédie que vivent nos pays, nous ne demandons pas la charité et nous n’éludons pas nos propres responsabilités à garantir la quiétude à nos populations” insiste Déby Itno. Pour lui, cette démarche est aussi valable pour les bailleurs de fonds qui ont tendance à ignorer le poids de l’effort sécuritaire dans le budget des Etats engagés dans la guerre contre le terrorisme.

 

Des moyens attendus

Pour l’atteinte des résultats, les ambassadeurs, à l’issue des échanges dans les panels ont formulé des recommandations. Les principales concernent, entre autres, le paiement régulier des cotisations du Tchad aux organisations internationales, régionales et sous-régionales pour garantir une diplomatie efficace, la dotation des représentations en personnel  qualifié, la valorisation des apports de la diaspora dans le développement du pays, la relecture de la carte diplomatique du Tchad et le placement de son expertise dans les organisations internationales. Les diplomates tchadiens réclament, non seulement que leur corps soit doté d’un statut particulier, mais aussi plus d’autonomie pour leur ministère de tutelle, à travers la mise en  place de son compte spécial.

Mais déjà, Idriss Déby Itno dit avoir conscience de tous leurs problèmes et s’engage à leur offrir des meilleures conditions de travail. “Je sais  que vous ne travaillez pas toujours dans des conditions optimales. J’ai conscience de vos difficultés et de vos problèmes. C’est d’ailleurs à juste raison que le gouvernement vous a exemptés d’un certain nombre de mesures d’austérité qui ont été prises suite à la mauvaise conjoncture que traverse notre pays. Des efforts supplémentaires seront faits pour améliorer vos conditions et vous permettre de travailler plus efficacement dans la quête des résultats attendus. La question de la performance de notre diplomatie nous préoccupe au plus haut point”,  répond-t-il. L’une des recommandations faites à l’issue des assises concerne la périodicité de la conférence des ambassadeurs. Elle doit se tenir tous les deux ans.

Idriss Déby Itno n’a pas célébré la rencontre des chefs de missions et représentations diplomatiques et consulaires du Tchad depuis 19 ans. La dernière édition a eu lieu en 2000.

Alladoum leh-Ngarhoulem G.